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essay B

Le Côté de Guermantes, 1 60 r me donna pour me prouver que non ? C’eSt: que, tandis que tous les malades de l’établissement avaient la manie de prendre leur poids, au point qu’on avait dû mettre un • cadenas à la balance pour qu’ils ne passassent toute la journée à se peser, lui on était obligé de le fdrcer ? monter sur la bascule, tant il en avait peu, envie. Il triomphait de n’avoir pas la manie des autres, sans penser qu’il avait aussi la sienne et que c’était elle qui le préservait d’une autre.

Ne soye madame, car cet ho de peur de s’enrhum temps. Ce pauvre ma que je connaisse. Su or 166 raison, ner le cou te de notre intelligence ne nerveuse. Vous appartenez à cette famille magnifique et lamentable qui eSt: le sel de la terre. Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux. Ce sont eux et non pas d’autres qui ont fondé les religions et composé les chefs-d ‘œuvre. Jamais le monde ne saura tout ce qu’il leur doit et surtout ce qu’eux ont souffert pour le lui donner. Nous goûtons les fines musiques, les beaux tableaux. ille délicatesses, mais nous ne savons pas ce qu’elles ont coûté à ceux qui les inventèrent, d ‘insomnies, de pleurs, de rires pasmodiques, d ‘urticaires, d ‘aSl:hmes, d’épilepsies, d’une angoisse de mourir qui eSt: pire que tout cela, et que vous connaissez peut-être, madame, a Swlpe to vlew next page ajouta-t-il en souriant à ma grand-mère, car, avouez-le, quand je suis venu, vous n’étiez pas très rassurée. Vous vous croyiez malade, dangereusement malade peut-être. Dieu sait de quelle affection vous croyiez découvrir en vous les symptômes.

Et vous ne vous trompiez pas, vous les aviez. Le nervosisme eSt: un pasticheur de génie. Il n’y a pas de maladie qu’il ne contrefasse à mep. eille. Il imite à s’y méprendre la ilatation des dyspeptiques, les nausées de la grossesse, l’arythmie du cardiaque, la fébricité du tuberculeux. Capable de tromper le médecin, comment ne tromperait-il pas le malade ? Ah ! ne croyez pas que je raille vos maux, je n’entreprendrais pas de les soigner si je ne savais pas les comprendre. Et, tenez, il n’y a de bonne confession que réciproque.

Je vous ai dit que sans maladie nerveuse il n’eSt: pas de grand artiste, qui plus eSt:, ajouta-t-il en élevant gravement l’index, il n’y a pas de grand savant. l’ajouterai que, sans qu’il soit atteint lui-même de maladie erveuse, il n’eSt: pas, ne me faites pas dire de bon médecin, 60z À la recherche du temps perdu mais seulement de médecin corred des maladies ner veuses. Dans la pathologie nerveuse, un médecin qui ne dit pas trop de bêtises, c’eSt: un malade à demi guéri, comme un critique eSt: un poète qui ne fait plus de vers, un policier un voleur qui n’exerce plus.

Moi, madame, je ne me crois pas comme vous albuminurique, je n’ai pas la peur nerveuse de la nourriture, du grand air, mais je ne peux pas m ‘endormir sans m’être relevé plus de vingt fois po nourriture, du grand air, mais je ois pour voir si ma porte eSt: fermée. Et cette maison de santé où j ‘ai trouvé hier un poète qui ne tournalt pas le cou, j ‘y allais retenir une chambre, car, ceci entre nous, j ‘y passe mes vacances à me soigner quand j ‘ai augmenté mes maux en me fatiguant trop à guérir ceux des autres. Mais, monsieur, devrais-je faire une cure semblable ? dit avec effroi ma grand-mère.

CeSt: inutile, madame. Les manifeStations que vous accusez céderont devant ma parole. Et puis vous avez près de vous quelqu’un de très puissant que je conSl:itue désor mais votre médecin. CeSt: votre mal, votre suradlvité erveuse. Je saurais la manière de vous en guérir, je me garderais bien de le faire. Il me suffit de lui commander. Je vois sur votre table un ouvrage de Bergotte. Guérie de votre nervosisme, vous tle l’aimeriez plus. Or, me sentirais-je le droit d ‘échanger les joies qu’il procure contre une intégrité nerveuse qui serait bien incapable de vous les donner ?

Mais ces joies mêmes, c’est: un puissant remède, le plus puissant de tous peut-être. Non, je n’en veux pas à votre énergie nerveuse. Je lui demande seulement de m’écouter ; je vous confie à elle. Qu’elle fasse machine en arrière. La force u’elle mettait pour vous empêcher de vous promener, de prendre assez de nourriture, qu’elle l’emploie à vous faire manger, à vous faire lire, à vous faire sortir, à vous diSt:raire de toutes façons. Ne me dites pas que vous êtes fatiguée. La fatigue est sortir, à vous diSt:raire fatigue eSt: la réalisation organique d’une idée préconçue.

Commencez par ne pas la penser. Et si jamais a vous avez une petite indisposition, ce qui peut arriver à tout le monde, ce sera comme si vous ne l’aviez pas, car elle aura fait de vous, selon IJ-I! I mot profond de M. de Talleyrand, un bien-portant lmagln’alre • Tenez, elle a commencé à vous guérir, vous . m’écoutez toute droite sans vous être appuyée une fois, l’œil vif, la mine bonne, et il y a de cela une demi-heure d’horloge et vous ne vous en êtes pas aperçue. Madame, j ‘ai bien l’honneur de vous saluer. ? Quand, après avoir reconduit le dodeur du Boulbon, je rentrai dans la chambre où ma mere était seule, le chagrin qui m’oppressait depuis plusieurs semaines s’en vola, je sentis que ma mère allait laisser éclater sa joie et qu’elle allait voir la mienne, j ‘éprouvai cette impossibilité de supporter l’attente de l’inStant prochain où près de nous ne personne va être émue qul, dans un autre ordre, est un peu comme la peur qu’on éprouve quand on sait que quelqu’un va entrer pour vous effrayer par une porte qui est encore fermée, je voulus dire un mot à Maman, mais ma voix se brisa, et fondant en larmes, je reStai longtemps, la tête sur son épaule, à pleurer, à goûter, à accepter, ? chérir la douleur, maintenant que je savais qu’elle était sortie de ma vie, comme nous aimons à nous exalter de vertueux projets que les circonStances ne nous permett comme nous aimons a nous exalter de vertueux projets que les circonstances ne nous permettent as de mettre à exécution. Françoise m’exaspéra en ne prenant pas part à notre joie. Elle était tout émue parce qu’une scène terrible avait éclaté entre le valet de pied et le concierge rapporteur.

Il avait fallu que la duchesse, dans sa bonté, intervînt, rétablît un semblant de paix et pardonnât au valet de pied. Car elle était bonne, et ç’aurait été la place idéale si elle n ‘avait pas écouté les « racontages » . On commençait déjà depuis plusieurs jours à savoir ma grand-mère souffrante et à prendre de ses . nouvelles. Saint-Loup m’avait écrit : « Je ne veux pas profiter de ces eures où ta chère grand-mère n ‘est pas bien pour te faire ce qui est beaucoup plus que des reproches et où elle n’est pour rien. Mais je mentirais en te disant, fût-ce par prétérition, que j ‘oublierai jamais la perfidie de ta conduite et qu’il y aura jamais un pardon pour ta fourberie et ta trahison. ? Mais des amis, jugeant ma grand-mère peu souffrante ou ignorant même qu’elle le fût du tout, m’avaient demandéa de les prendre le lendemain aux Champs-Élysées pour aller de là faire une visite et assister, à la campagne, à un dîner qui m’amusait. Je n’avais plus aucune raison de renoncer à ces deux plaisirs. Quand on avait dit à ma grand-mère qu’il faudrait maintenant, pour obéir au dodeur du Boulbon, qu’elle se promenât beaucoup, on a vu qu’elle avait tout de suite parlé des Champs-Élysées. Il me serait aisé de Ily conduire ; pendant qu’elle serait assise suite parlé des Champs-Élysées. Il me serait aisé de Iy conduire ; pendant qu’elle serait assise à lire, de m’entendre avec mes amis sur le lieu où nous retrouver, et j ‘aurais encore le temps, en me dépêchant, de prendre avec eux le train pour Ville-d ‘Avray.

Au moment convenu, ma grand-mère ne voulut pas sortir, se trouvant fatiguée. Mais ma mère, instruite par du Boulbon, eut l’énergie de se fâcher et de se faire obéir. Elle pleurait presque à la pensée que ma grand-mère allait retomber dans sa faiblesse nerveuse, et ne s’en relèverait plus. Jamais un temps aussi beau et chaud ne se prêtait si bien à sa sortie. Le soleil changeant de place intercalait çà et là dans la solidité rompue du balcon ses inconsistantes mousselines et donnait à la pierre de taille un tiède épiderme, un halo d’or imprécis. Comme Françoise n’avait pas eu le temps d’envoyer un « tube » à sa fille, elle nous quitta dès après le déjeuner.

Ce fut éjà bien beau qu’avant, elle entrât chez Jupien pour faire faire un point au mantelet que ma grand-mère mettrait pour sortir. Rentrant moi-même a ce moment-là de ma promenade matinale, j ‘allai avec elle chez le giletier. « Est-ce votre jeune maître qui v04s amène ici, dit Jupien à Françolse, est-ce vous qui me l’amenez, ou bien est-ce quelque bon vent et la Fortune qui vous amènent tous les deux ? » Bien qu’il n’eût pas fait ses classes, Jupien respectait aussi naturellement la syntaxe que M. de Guermantes, malgré bien des efforts la violait. Une fois Françoise partie naturellement la syntaxe que M. e Guermantes, malgré bien des efforts, la violait. Une fois Françoise partie et le mantelet réparé, il fallut que ma grand-mère s’habillât.

Ayant refusé obstinément que Maman restât avec elle, elle mit, toute seule, un temps infini a à sa toilette, et maintenant que je savais qu’elle était bien portante, avec cette étrange indifférence que nous avons pour nos parents tant qu’ils vivent, qui fait que nous les faisons passer après tout le monde, je la trouvais bien égoiÈte d’être si longue, de risquer de me mettre en retard quand elle savait que j ‘avais rendez-vous avec des amis t devais dîner à Ville-d ‘Avray. D’impatience, je finis par descendre d’avance, après qu’on m’eut dit deux fois qu’elle allait être prête. Enfin elle me rejoignit, ( sans me demander pardon de son retard comme elle faisait d’habitude « dans ces cas-là, rouge et distraite ainsi qu’une personpe qui est pressée et qui a oublié la moitié de ses affaires) , au moment où j’arrivaisb près de la porte vitrée . ntrouverte qui, sans les en réchauffer le moins du mondo laissait entrer l’air liquide, gazouillant et tiède du dehors, comme si on avait ouvert un réservoir entre les glaciales arois de l’hôtel. Le Côté de Guermantes, 60s Mon Dieu, puisque tu vas voir des amis, j’aurais pu mettre un autre mantelet. l’ai l’air un peu malheureux avec cela. » je fus frappé de la trouver très congestiq,nnéea et compris que s’étant mise en retard elle avait dû, Qeaucoup se dépêcher. Comme nous venions de quit@er ! e fiacr retard elle avait dû, Oeaucoup se dépêcher. Comme nous venions de quit•er ! e fiacre ? l’entrée de l’avenue Gabriel, dans les Champs-Elysées, je vis ma grand-mère qui sans me parler s’était détournée et se dirigeait vers le petit pavillon ancien, grillagé de vert, ù un jour j ‘avais attendu Françoise.

Le même garde forestier qui s’y trouvait alors y était encore auprès de la « marquise » , quand, suivant ma grand-mèreb qui, parce qu’elle avait sans doute une nausée, tenait sa main devant sa bouche, je montai les degrés du petit théâtre rustique édifié au milieu des jardins. Au contrôle, comme dans ces cirques forains où le clown, prêt à entrer en scène et tout enfariné, reçoit lui-même à la porte le prlX des places, la « marquise » , percevant les entrées, était toujours là avec son museau énorme et irrégulier enduit de plâtre grossier, t son petit bonnet de fleurs rouge@ et de dentelle noire surmontant sa perruque rousse. Mais je ne crois pas qu’elle me reconnut.

Le garde, délaissant la surveillance des verdures, à la couleur desquelles était assorti son uniforme, causait, assis à côté d’elle. « Alors, disait-il, vous êtes toujours là. Vous ne pensez pas à vous retirer. – Et pourquoi que je me retirerais, monsieur ? Voulez-vous me dire où je serais mieux qu’ici, où j ‘aurais plus mes aises et tout le confortable ? Et puis toujours du va-et-vient, de la distradion ; c’est ce que j’appelle mon petit Paris : mes clients me tiennent au courant de ce qui e passe. Tenez, monsieur, il y en a un qui est sorti il n’y a pas plu courant de ce qui a pas plus de cinq minutes, c’est un magistrat tout ce qu’il y a de plus haut placé. Eh bien ! onsieur » , s’écria-t-elle avec ardeur, comme prête à soutenir cette assertion par la violence si l’agent de l’autorité avait fait mine d’en contester l’exaditude, « depuis huit ans, vous m’entendez bien, tous les jours que Dieu a faits, sur le coup de 3 heures, il est ici, toujours poli, jamais un mot plus haut que l’autre, ne salissant jamais rien, il reste plus d’une demi-heure pour lire ses journaux en faisant ses petits esoins. Un seul jour il n’est pas venu. Sur le moment je ne m’en suis pas aperçue, mais le soir tout d’un coup 606 A la recherche du temps perdu je me suis dit : « Tiens, mais ce monsieur n’est pas venu, il est peut-être mort. Ça in’ a fait quelque chose parce que je m’attache quand le monde est bien. Aussi j ‘ai été bien contente quand je l’ai revu le lendemain, je lui ai dit : « Monsieur, il ne vous était rien arrivé hier Alors il mia dit comme ça qu’il ne lui était rien arrivé à lui, que c’était sa femme qui était morte, et qu’il avait été si retourné qu’il n’avait pas pu venir. II avait l’air triste assurément, vous comprenez, des gens qui étaient mariés depuis vingt-cinq ans, mais il avait l’air content tout de même de revenir. On sentait qu’il avait été tout dérangé dans ses petites habitudes. l’ai tâché de le remonter, je lu ai dit : « Il ne faut pas se laisser aller.

Venez comme avant, dans votre chagrin ça vous fer lu I avant, dans votre chagrin ça vous fera une petite distraction.  » » La « marquise » reprit un ton plus doux, car elle avait constaté que le protedeura des massifs et des pelouses l’écoutait avec bonhomie sans so•ger à la contredire, ardant inoffensive au fourreau une épée qui avait plutôt I ‘air de quelque instrument de jardinage ou de quelque attribut horticole. « Et puis, dit-elle, je choisis mes clients, je ne reçois pas tout le monde dans ce que j ‘appelle mes salons. Est-ce que ça n’a pas l’air d ‘un salon, avec mes fleurs ? Comme j ‘ai des clients très aimables, toujours l’un ou l’autre veut m’apporter une petite branche de beau lilas, de jasmin, ou des roses, ma fleur préférée. ? L’idée que nous étions peut-être mal jugés par cette dame en ne lui apportant jamais ni lilas, ni belles roses, e fit rougir, et pour tâcher d’échapper physiquement – ou de n’être jugé par elle que par contumace – à un mauvais jugement, je m’avançai vers la porte de sortie. Mals ce ne sont pas toujours dans la vie les personnes qul apportent les belles roses pour qui on est le plus aimable, car la « marquise » , croyant que je m’ennuyais, s’adressa à mol « Vous he voulez pas que je vous ouvre une petite cabine ( • » Et cü’mme j e refusais : « Non, vous ne voulez pas ? ajouta-t-elle avec un sourire ; c’était de bon cœur, mais je sais bien que ce sont des besoins qu’il ne suffit pas de ne pas payer pour les av01r. » PAGF OF