Rapport AEMO Ecrit Pro Ou Transmission Subjective Claudine Manier

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Le rapport d’AEMO : ecrit professionnel et/ou transmission subjective Claudine Manier To cite this version: Claudine Manier. Le rapport d’AEMO : • ecrit professionnel et/ou transmission subjective. Biennale internationale de l » education, de la formation et des pratiques profession 2012, Paris, France. s or26 HAL Id: halShs-00766 https://halshs. archiv Sni* to View 66144 subrnitted on 17 Dec 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not.

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Quelle place prend et quel rôle joue, leur subjectivité ? Nous parvenons à construire une typologie d’attitudes des éducateurs au moment de la rédaction de leur rapport et nous roposons des perspectives de formations initiales et/ou continues. Notre recherche est aussi un argument pour repenser l’institution et les politiques normatives actuelles. Mots clefs : Travail social, Educateur Spécialisé, Assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), processus d’écriture. 1 . Questions autour du rapport d’AEMO. ?ducatrice spécialisée depuis dix ans dans le domaine de l’Assistance Educative en Milieu Ouvert (AEMO), mes recherches portent sur cette pratique professionnelle passionnante. Les éducateurs en AEMO interviennent au domicile des familles dont l’enfant a été signalé en danger. Leur mission est de faire diminuer voire cesser, ce danger. Le cas échéant ils peuvent proposer le placement de l’enfant lorsque cette solution s’avère être la plus indiquée pour la protection de l’enfant.

Pour ce faire, ils doivent en fin d’intervention produire un écrit, un rapport de fin d’intervention. Celui-ci est transmis au juge des enfants qui l’utilisera pour argumenter sa décision à la suite d’une audience contradictoire avec la famille. Ce rapport est sensé rendre compte de l’intervention et donner des éléments concernant la e trancher : placement de situation qui permettront OF expérience professionnelle ous nous sommes questionnée sur l’impact que pouvait avoir sur les pratiques professionnelles le fait de devoir transmettre un écrit.

En effet, la conscience d’une transmission à venir influence-t-elle la pratique éducative ? Cette question a motivé un premier travail d’enquête auprès de cinq intervenants sociaux à qui nous avons demandé de dire ce qui se passait pour eux au moment précis où ils s’attèlent à ce devoir de transmission au juge des enfants, c’est-à- dire en fait au moment du processus d’écriture de ce rapport à transmettre. A l’image du travail social souvent mal défini et difficile à décrire, ire ce que l’on transmet n’est pas apparu plus simple.

Comment dire cette pratique particulière de l’écriture et donc de la transmission en marche ? Ce « comment » est considéré indicible par les travailleurs soclaux eux-mêmes, ils sont d’ailleurs dans « une quasi impossibilité d’une définition précise de leur profession, qui s’organise autour d’un centre absent, l’expérience professionnelle concrète, dont le dévoilement semble condamné à la malédiction d’une trahison par les mots » (Muel-Dreyfus, 1983, p. 142).

Nous pensions que la difficulté majeure à laquelle se heurtent les ?ducateurs, réside dans le fait qu’ils sont pleinement pris dans ce qul se joue pour eux au moment de l’engagement dans récriture. Sont en jeu, leur histoire personnelle, leur formation, leur expérience professionnelle mais aussi leur expérience personnelle, leurs référen PAGF 3 OF éducative puis dans la transmission qu’il en fait, l’intervenant social fait-il le tri entre tous ces éléments qui complexifient la relation mais qui par cette complexité même, l’alimente et permet une vision de la situation ?

Transmet-il cette relation et le cas échéant qu’en transmet-il et comment ? Mettre par écrit, passer de l’intervention à l’écriture afin d’en transmettre sinon la teneur au moins les conclusions qu’elle permet, comprendre ce qui se joue au moment du passage à l’écriture dans lequel est déjà présente l’ombre de la transmission, est le questlonnement central de notre travail de recherche. 2. Transmettre c’est s’engager.

Nous pensons que le temps de l’écriture du rapport de fin d’intervention d’AEMO est le moment de cristallisation de toutes les tensions inhérentes au positionnement éducatif, tensions accrues par le fait que l’acte d’écriture engage leinement Fauteur par le fait qu’il sait que ses conclusions vont être transmises. Cet écrit n’est pas lettre morte, il va être lu et va serair le magistrat. Cette transmission est un acte engagé et engageant.

Les conflits de valeurs que provoque et sous-entend le processus d’une écriture ? transmettre nous paraît être la garantie d’une éthique d’intervention et, partant, d’une éthique de responsabilité (Paturet, 2007) quant à son utilisation. A cette étape du travail, il s’agit de dengager, et cela va se lire. Cet écrit est un écrit professionnel et donc validé par une institution mais le travailleur ocial ne demeure-t-il pas auteur de son écrit ?

Cette remarque sera d’importance pour la suite de nos recherches car à l’heure de l’application des nouvelles l’action sociale, les régissant l’action sociale, les institutions tendent à mettre en place des protocoles d’intervention et des procédures de normalisation des pratiques jusque dans les écrits professionnels. Si le procédural permet une normalisation, il désengage en partie au moins, le travailleur de sa responsabilité de sujet.

Les travailleurs sociaux sont des agents de l’Etat et des acteurs sociaux, et nous avons constaté qu’ils souhaitent pour la lupart rester auteurs de leurs écrits professionnels, des auteurs remarquables dans (et par) leurs points communs (leur professionnalisme, leur déontologie) et dans (et par) leurs spécificités (leur engagement, leur éthique). Notre recherche veut donc étudier quelle est la teneur des transmissions faites au magistrat dans le cadre précis des rapports de fin d’interventions d’AEMO. 2 3. Une recherche en trois parties 3. *Présentation du cadre et problématisation Dans la première partie de notre thèse nous replaçons l’intervention AEMO dans le cadre historique du travail social. Cela nous permet d’en dégager les fondements dialogiques de la bienfaisance chrétienne, à la surveillance morale, du contrôle social à une idéologie de la « neutralité d’une professionnalisation à une prolifération des métiers débouchant sur la confusion des missions… Le travail social se heurte ainsi aux apories vocation/technicité, répression/protection,… ? moins u’il ne s’en nourrisse comme des dialoeies fondatrices PAGF s OF historique oriente les actions et les manières d’aborder le travail le cadre d’inteNention de l’AEMO est empreint de ces différentes ialogies qui mettent en tension divers intérêts et contraignent le professionnel à prendre différentes places en particulier lors du processus d’écriture. Les rapports de fin d’intervention demeurant les seules traces « lisibles » du travail accompli, nous avions imaginé qu’en étudiant le contenu de rapports de fin d’intervention, nous pourrions comprendre et transmettre quelque chose de la pratique éducative en AEMO.

Or une étude de grande ampleur montre que ces bilans sont constitués de 80 % d’observations (Rousseau, 2007). Ces observations ne peuvent pas être considérées comme es faits objectifs (Manier, 2009), elles dépendent de phénomènes de perception puis d’interprétation et résultent d’un savoir complexe nourri d’expériences diverses. C’est un savoir construit : multi référencé, transversal, ressenti, éprouvé (dans le sens de mis ? l’épreuve), conscient et non conscient, que l’on reconnaît, dont on peut parler et que l’on finit par pouvoir écrire sous sa forme momentanément accomplie. Cf le concept de « Périmaîtrise » chez Y. Abernot, 1993). Ces différents savoirs ne sont pas stratifiés dans le temps mais souvent concomitants et ils se nourrissent l’un l’autre fin de constituer un « savoir » global sur une situation donnée et dans laquelle l’intervenant est lui-même engagé. Ce savoir, partiellement transmis par écrit, s’est constitué à partir de références professionnelles. Ces réfé mmunes à tous les avons cherché à connaître quelles étaient ces références ?

Dans le cadre d’une enquête exploratoire, nous avons interviewé six éducateurs d’AEMO à partir d’une question ouverte et unique « Vous êtes devant votre feuille (ou devant votre ordinateur) vous avez un rapport à faire, que se passe-t-il ? ». Nous nous inspirons ici de ‘entretien d’explicitation de vermersch (1994). Une analyse de contenu (Bardin, 2001 et Mucchielli, 1988) de ces interviews, nous a permis de découvrir qu’au cours de la rédaction de leur rapport de fin d’intervention les éducateurs prennent en considération trois références majeures : la Loi (les textes, le mandat judiciaire, le projet de service… , la famille (ses besoins, ses dires, ses ressentis… ) et l’enfant (ses besoins, ses dires, ses ressentis De plus, certains d’entre eux revendiquent leur singularité, en référant un quatrième élément : leur subjectivité. C’est-à-dire que la plupart ‘entre eux en appellent à leurs ressentis, leurs impressions… pour justifier leurs déclarations – et donc leurs préconisations – lorsque les référents professionnels ne suffisent plus ou bien lorsqu’ils ne trouvent pas quelle référence est utilisée pour valider telle ou telle observation.

Les travaux de Plantin (2004) nous permettent de souligner l’inséparabilité de Fémotion et du raisonnement en argumentation, pourtant certains éducateurs dénient ce phénomène. D’autres encore semblent s’interdire cette possibilité de faire appel à leur subjectivité, du moins, ils ne la revendiqu PAGF 7 OF et, de fait, joue un double rôle : celui de permettre un choix, un engagement responsable assumé en conscience et/ou celui de diriger le regard, le choix et la transmission des observations de manière inconsciente, constituant ainsi la trame sélective des éléments du réel s’apparentant à l’Habitus. Bourdieu, 1980) L’éducateur lorsqu’il écrit doit en permanence faire le choix de ce qu’il va transmettre en tenant ensemble ces quatre références : Loi, Famille et Enfant ainsi que Subjectivité, que celle-ci l’aide à choisir et s’engager ou qu’elle le dirige plus ou moins malgré lui. Que sont donc ces références sur lesquelles les éducateurs disent fonder leurs écrits, et dont la prise en considération les met en place de destinataires ?

Nous avons apporté des éclairages théoriques à ce problème en interrogeant ces quatre pôles convoqués par les travailleurs sociaux, à savoir les concepts de Subjectivité, de Loi, de Famille et d’Enfant. 3. 2. Apports théoriques En deuxième partie de thèse, nous avons étudié de manière théorique chacune de ces quatre références, mais aussi les phénomènes qui permettent aux éducateurs de se les approprier, à savoir : la perception, l’observation et ‘interprétation. L’éclairage adapté est principalement philosophique, mais des emprunts sont faits ? l’histoire, la psychologie, la sociologie et la linguistique.

On trouvera dans la thèse (Manier, 201 2), Pensemble de ces apports que nous n’aborderons pas ici mais qui nous ont permis de poursuivre notre étude en postulant l’éducateur comme un sujet lus ou moins fortement imprégné de chacune de ces référen PAGF d’un sens dont il apparaît à la lumière de ces apports, difficile de dire qu’il est la résultante d’observations et de références précises. Nous pouvons ainsi considérer la pratique éducative comme oumise à un mouvement dialogique singulier entre les différentes références invoquées, considérées dès lors comme des référents auxquels l’éducateur/écrivant s’adresse.

En effet, les observations faites sont en partie des interprétations, elles disent surtout la manière dont l’intervenant social comprend la situation et quand bien même elles pourraient être considérées comme des falts objectifs, il se trouve qu’elles ne sont pas forcément utilisées dans les écrits professionnels comme telles, voire d’ailleurs pas utilisées du tout. Il semble que les éducateurs- écrivants ont comme ouvoir celui de décider de ce qu’ils vont écrire ou non, de ce qu’ils vont transmettre ou non en leur âme et conscience dit d’ailleurs l’un d’eux dans son interview.

S’ils ont à leur disposition cet outil d’objectivation qu’est le passage à l’écrit, ils restent auteurs souverains de leur texte. Certains l’assument, d’autres le revendiquent, d’autres encore le regrettent et demandent de l’aide. En revanche tous estiment qu’il est nécessaire de se protéger partiellement de cette subjectivité au cours du processus d’écriture et que l’écriture elle-même permet un travail d’objectivation et de mise en dialogie. 3. Investlgatlon empirique Nous avons donc constaté que le moment précis où Péducateur devait écrire son bilan de fin d’intervention était le temps de cristallisation des questionnements qui se posaient à lui de manière plus ou moins ou moins consciente et de moins consciente et de convocation de ses savoirs relevant d’une Périmaitrise (Abernot, 1993) plus ou moins complexe, plus ou moins saturée, 4 plus ou moins pertinente… t d’un mouvement dialogique singulier plus ou moins facile et plus ou moins fécond. Cest là que le sujet/éducateur s’engage pour une transmission, dans ne singularité à fonder, étayer, expliquer mais aussi à incarner et assumer dans son propos. Notre enquête exploratoire a cherché à saisir chez différents travailleurs soclaux leur attitude vis-à-vis de ce moment particulier qu’est le processus décriture. Nous avons recueilli un certain nombre de critères qui permettent de mieux le processus d’écriture.

Certains de ces critères sont communs à notre panel d’éducateurs, d’autres sont singuliers. Mais ils revendiquent tous dans leur écrits une prise en considération de la loi (cadre d’intervention, mission, mandat) de renfant (sa protection, son bien-être, son ?ducation), de la famille (sa spécificité, ses attentes, ses demandes) et affirment aussi travailler avec leur subjectivité (leurs ressentis, leurs conception du monde).

Le processus d’écriture met en tension ces référents professionnels. Est-il possible de hiérarchiser ces référents dont les intérêts, nous l’avons vu, sont souvent antagonistes ? Et dans le cas où cela serait possible, est- ce que tous les travailleurs sociaux les hiérarchisent de la même manière en écrivant ? Plus précisément notre problème devient : sur quels fondements les éducateurs s’appuient ils pour entrer en processus