porte vue
PRINCESSE DE CLEVES LA RENCONTRE, Madame de la Fayette (1678) Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu’elle arriva, lion admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec Monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait, et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser et, pendant qu’elle cherchait des yeux Swipe to nex: page quelqu’un qu’elle ava prendre celui qui arri or 28 crut d’abord ne pouv ë{:,
Sni* to passait par-dessus q Ce prince était fait di Roi lui cria de un homme qu’elle Nemours, qui er où l’on dansait. Cile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir- là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement. Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration.
Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Le Roi et les Reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vu, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne sien doutaient point. Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Madame de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour a reconnaitre, je voudrais que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom. – Je crois, dit Madame La Dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien. – Je vous assure, Madame, reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez. Vous devinez fort bien, répondit Madame la Dauphine ; et il y a même quelque chose d’obligeant pour Monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez déjà sans l’avoir Jamais vu. » OF je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état néanmoins, je n’aurais d’autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne ais même si j’oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n’a à lui reprocher que de n’avoir plus d’amour ?
Quand je pourrais m’accoutumer à cette sorte de malheur, pourrais-je m’accoutumer à celui de croire voir toujours monsieur de Clèves vous accuser de sa mort, me reprocher de vous avoir aimé, de vous avoir épousé et me faire sentir la différence de son attachement au vôtre ? Il est impossible, continua-t-elle, de passer par-dessus des raisons si fortes : il faut que je demeure dans l’état où je suis, et dans les résolution que j’ai prises de n’en sortir jamais. Hé croyez-vous le pouvoir, Madame ? s’écria monsieur de Nemours.
Pensez-vous que vos resolutions tiennent contre un homme qui vous adore, et qui est assez heureux pour vous plaire ? Il est plus difficile que vous ne pensez, Madame, de résister à ce qui nous plait et à ce qui nous aime. Vous l’avez fait par une vertu austère, qui n’a presque point d’exemple ; mais cette vertu ne s’oppose plus à vos sentiments, et j’espère que vous les suivrez malgré vous. – Je sais bien qu’il n’y a rien de plus difflclle que ce que j’entreprends, répliqua madame de Clèves ; je me défie de mes forces au milieu de mes raisons.
Ce que je crois devoir à la mémoire de monsieur de Clèves serait faible, s’il n’était soutenu par l’intérêt de devoir à la mémoire de monsieur de Clèves serait faible, s’il n’était soutenu par l’intérêt de mon repos ; et les raisons de mon repos ont besoin d’être soutenues de celles de mon devoir. Mais quolque je me défie de moi-même, je crois que je ne vaincrai jamais mes scrupules, et je n’espère pas aussi de surmonter l’inclination que j’ai pour vous.
Elle me rendra malheureuse, et je me priverai de votre vue, quelque violence qu’il m’en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir que jai sur vous, de ne chercher ucune occasion de me voir. Je suis dans un état qui me fait des crimes de tout ce qui pourrait être permis dans un autre temps, et la seule bienséance interdit tout commerce entre nous. Monsieur de Nemours se jeta à ses pieds, et s’abandonna à tous les dlvers mouvements dont il était agité.
Il lui fit voir, et par ses paroles et par ses pleurs, la plus vive et la plus tendre passion dont un coeur ait jamais été touché. Celui de madame de Clèves n’était pas insensible, et, regardant ce prince avec des yeux un peu grossis par les larmes : Pourquoi faut-il, s’écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la ort de monsieur de Clèves ? Que n’ai-je commence a vous connaitre depuis que je suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que d’être engagée ?
Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle par un obstacle si invincible ? MANON LESCAUT LA RENCONTRE, l’Abbé Prévost (1731) La veille même de celui que je devais quitter cette ville, ét RENCONTRE, l’Abbé Prévost (1731) La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant ? me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où es voitures descendent. Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité.
Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s’empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport.
J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile ? déconcerter ; mais loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraitre embarrassée. Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connalssance. Elle me répondlt ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. Liamour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu’il était dans mon cœUr, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs.
Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes senti PAGF s OF comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. Cétait malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. MANON LESCAUT LA SEPARATION, l’Abbé Prévost (1731) Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue.
Je vous raconte un malheur qui n’eut jamais d’exemple. Toute ma ie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer dihorreur, chaque fois que i’entreprends de 6 OF mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes me firent connaitre que la fin de ses malheurs approchait. N’exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus d’elle des marques d’amour, au moment même qu’elle expirait.
Cest tout ce que j’ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement. Man âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni. II a voulu que j’aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse. BELLE DU SEIGNEUR LA RENCONTRE, Albert cohen (1968) Il lui sourit, et elle eut un tremblement, baissa les yeux. Atroce, ce sourire sans de es mots d’amour hors de PAGF 7 OF mon amour? – Oui, dit-elle, et elle humecta ses lèvres sèches, essaya un sourire. Gloire à Dieu, dit-il, gloire en vérité, car voci celle qui rachète toutes les femmes, voici la première humaine! Ridiculement, il plia le genou devant elle, puis il se leva et il alla vers elle et leur premier baiser, alla avec son noir sourire de vieillesse, les mains tendues vers celle qui rachetait toutes les femmes, la première humaine, qui soudain recula, recula avec un cri rauque, cri d’épouvante et de haine, heurta la table de chevet, saisit le verre vide, le lança contre la vieille face.
Il porta la main à sa paupière, essuya le sang, considéra le sang sur sa main, et soudan il eut un rire, et il frappa du pied. – Tourne-toi, idiote! dit-il. Elle obéit, se tourna, resta immobile avec la peur de recevoir ne balle dans la nuque, cependant qu’il ouvrait les rideaux, se penchait à la fenêtre, portait deux doigts à ses lèvres, sifflait. Puis il se débarrassa du vieux manteau et de la toque de fourrure, ôta la fausse barbe, détacha le sparadrap noir qui recouvrait les dents, ramassa la cravache derriere les rideaux. Retourne-toi, ordonna-t-il. Dans le haut cavalier aux noirs cheveux désordonnés, au visage net et lisse, sombre diamant, elle reconnut celui que son mari lui avait, en chuchotant, montré de loin, à la réception brésilienne. Oui, Solal et du plus mauvais goût, sourit-il à belles dents. Bottes! ontra-t-il, et de joie il cravacha sa botte droite. Et il 8 OF goût, sourit-il à belles dents. Bottes! montra-t-il, et de joie il cravacha sa botte droite. Et il y a un cheval qui m’attend dehors!
Il y avait même deux chevaux! Le second était pour toi, idiote, et nous aurions chevauché ? jamais l’un près de l’autre, jeunes et pleins de dents, j’en ai trente- deux, et impeccables, tu peux vérifier et les compter, ou même je t’aurais emportée en croupe, glorieusement vers le bonheur qui te manque! Mais je n’ai plus envie maintenant, et ton nez est soudain trop grand, et de plus il luit comme un phare, et c’est tant ieux, et je vais partir! Mais d’abord, femelle, écoute!
Femelle, je te traiterai en femelle, et c’est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. A notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naifs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée et les yeux frits! BELLE DU SEIGNEUR LA SEPARATION, Albert cohen (1968) Elle asplra de l’éther, sourit. s débuts, leur temps de Genève, les préparatifs, son bonheur d’être belle pour lui, les attentes, les arrivées à neuf heures, et elle était toujours sur le seuil à l’attendre, impatiente et en santé de jeunesse, à l’attendre sur le seuil et sous les roses, dans sa robe roumaine qu’il aimait, blanche aux larges PAGF OF l’attendre sur le seuil et sous les roses, dans sa robe roumaine qu’il aimait, blanche aux larges manches serrées aux poignets, ô l’enthousiasme de se revoir, les soirées, les heures à se regarder, à se parler, à se raconter ? l’autre, tant de baisers reçus et donnés, ui, les seuls vrais de sa vie, et après l’avoir quittée tard dans la nuit, quittée avec tant de baisers, baisers profonds, baisers interminables, il revenait parfois, une heure plus tard ou des minutes plus tard, ô splendeur de le revoir, ô fervent retour, je ne peux pas sans toi, il lui disait, je ne peux pas, et d’amour il pliait genou devant elle qui d’amour pliait genou devant lui, et c’était des baisers, elle et lui religieux, des baisers encore et encore, baisers véritables, baisers d’amour, grands baisers battant l’aile, je ne peux pas sans toi, il lui disait entre des baisers, t il restait, le merveilleux qui ne pouvait pas, ne pouvait pas sans elle, restait des heures jusqu’? l’aurore et aux chants des oiseaux, et c’était l’amour. Et maintenant ils ne se désiraient plus, ils s’ennuyaient ensemble, elle le savait bien. Elle asplra de l’éther, sourit. Lorsqu’il partait en mission, les télégrammes qu’il lui envoyait en code si les mots étaient trop ardents, ô bonheur de déchiffrer, et elle ses longs télégrammes en réponse, télégrammes de centaines de mots, toujours des télégrammes pour qu’il sût tout de suite combien elle l’aimait, ô les préparatifs en vue du