modeste proposition, Jonathan Swift

essay A

Jonathan Swift Opuscules humoristiques Traduction par Léon de Wailly. poulet-MaIassjs et De Braise, 1859 (PP. 161-176). Modeste proposition MODESTE PROPOSITION POUR EMPÊCHER L CHARGE À LEURS PA POUR LES RENDRE U or 16 Sni* to View EN IRLANDE D’ÊTRE C’est une triste chose pour ceux qui se promènent dans cette grande ville[ll ou voyagent dans la campagne, que de voir les rues, les routes et les portes des cabanes encombrées de mendiantes que suivent trois, quatre ou six enfants tous en haillons et importunant chaque passant pour avoir l’aumône.

Ces mères, au lieu d’être en état de travailler pour gagner onnêtement leur vie, sont forcées de passer tout leur temps ? mendier de quoi nourrir leurs malheureux enfants, qui, lorsqu’ils de faire de ces enfants des membres sains et utiles de la communauté, aurait assez bien mérité du public pour qu’on lui érigeât une statue comme sauveur de la nation.

Mais ma sollicitude est loin de se borner aux enfants des mendiants de profession ; elle s’étend beaucoup plus loin, et jusque sur tous les enfants d’un certain âge, qui sont nés de parents aussi peu en état réellement de pourvoir à leurs besoins que ceux qui demandent la charité dans les rues. Pour ma part, ayant tourné mes pensées depuis bien des années sur cet important sujet, et mûrement pesé les propositions de nos falseurs de projets, je les ai toujours vus tomber dans des erreurs grossières de calcul.

Il est vrai qu’un enfant dont la mère vient d’accoucher peut vivre de son lait pendant une année solaire, avec peu d’autre nourriture, la valeur de deux shillings au plus que la mère peut certainement se procurer, ou l’équivalent en rogatons, dans son légitime métier de mendiante ; et c’est précisément lorsque les enfants sont âgés d’un an que je propose e prendre à leur égard des mesures telles qu’au lieu d’être une charge pour leurs parents ou pour la paroisse, ou de manquer d’aliments et de vêtements le reste de leur vie, ils contribuent, au contraire, à nourrir et en partie à vêtir des milliers de personnes.

Un autre grand avantage de mon projet, c’est qu’il préviendra ces avortements volontaires 16 personnes. Un autre grand avantage de mon projet, c’est qu’il préviendra ces avortements volontaires et cette horrible habitude qu’ont les femmes de tuer leurs bâtards, habitude trop commune, hélas ! parmi nous ; ces sacrifices de pauvres petits innocents pour éviter la dépense plutôt que la honte, je soupçonne), qui arracheraient des larmes de compassion au cœur le plus inhumain, le plus barbare.

La population de ce royaume étant évaluée d’ordinaire à un million et demi, je calcule que sur ce chiffre il peut y avoir environ deux cent mllle couples dont les femmes sont fécondes ; de ce nombre je soustrais trente mille couples, qui sont en état de pourvoir à la subsistance de leurs enfants (quoique je ne pense pas qu’il y en ait autant, dans l’état de détresse où est ce royaume) ; mais en admettant ceci, il restera cent soixante- ix mille femmes fécondes.

Je soustrais encore cinquante mille pour les fausses couches ou pour les enfants qui meurent d’accident ou de maladie dans l’année. Restent par an cent vingt mille enfants qui naissent de parents pauvres. La question est donc : Comment élever cette multitude d’enfants et pourvoir à leur sort ? Ce qui, comme je l’ai déjà dit, dans l’état présent des affaires, est complètement impossible par les méthodes proposées jusqu’ici. Car nous ne pouvons les employer ni comme artisans ni comme agriculteurs. Nous ne bâtissons p ne pouvons les employer ni comme artisans ni comme agriculteurs.

Nous ne bâtissons pas de maisons (à la campagne, j’entends), et nous ne cultivons pas la terre ; il est fort rare qu’ils puissent vivre de vol avant l’âge de six ans, à moins de dispositions toutes particulières, quoique j’avoue qu’ils en apprennent les rudiments beaucoup plus tôt, durant lequel temps ils peuvent, néanmoins, à proprement parler, être considérés comme de simples aspirants ; ainsi que me l’a expliqué un des principaux habitants du comté de Cavan, qui m’a protesté qu’il n’avait jamais rencontré plus d’un ou deux cas au-dessous de six ans, même dans une partie du royaume si renommée pour sa récocité dans cet art.

Nos négociants m’ont assuré qu’avant douze ans un garçon ou une fille n’est pas du tout de défaite ; et même à cet âge ils ne valent pas plus de trois livres, ou tout au plus trois livres et une demi couronne, à la Bourse, ce qui ne saurait indemniser les parents ni le royaume, les frais de nourriture et de guenilles valant au moins quatre fois autant. Je proposerai donc humblement mes propres idées qui, je l’espère, ne soulèveront pas la moindre objection. un jeune américain de ma connaissance, homme très-entendu, m’a certifié à Londres qu’un jeune enfant bien sain, bien nourri, st, à l’âge d’un an, un aliment délicieux, très-nourrissant et très- sain, bouilli, rôti, à l’étuvée ou a 6 l’âge d’un an, un aliment délicieux, très-nourrissant et très-sain, bouilli, rôti, à l’étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu’il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût.

J’expose donc humblement à la considération du public que des cent vingt mille enfants dont le calcul a été fait, vingt mille peuvent être réservés pour la reproduction de l’espèce, dont seulement un quart de mâles, ce qui est plus qu’an ne réserve pour les moutons, le gros bétail et les porcs ; et ma raison est ue ces enfants sont rarement le fruit du mariage, circonstance à laquelle nos sauvages font peu d’attention, c’est pourquoi un mâle suffira au service de quatre femelles ; que les cent mille restant peuvent, à l’âge d’un an, être offerts en vente aux personnes de qualité et de fortune dans tout le royaume, en avertissant toujours la mère de les allaiter copieusement dans le dernier mois, de façon à les rendre dodus et gras pour une bonne table.

Un enfant fera deux plats dans un repas d’amis ; et quand la famille dîne seule, le train de devant ou de derrière fera un plat aisonnable, et assaisonné avec un peu de poivre et de sel, sera très-bon bouilli le quatrième jour, spécialement en hiver. J’al fait le calcul qu’en moyenne un enfant qui vient de naître pèse vingt livres, et que dans l’année solaire, s’il est passablement nou ri, il ira à vingt-huit. J’accorde que cet al PAGF s 6 que dans Pannée solaire, s’il est passablement nourri, il ira à vingt- huit. J’accorde que cet aliment sera un peu cher, et par conséquent il conviendra très-bien aux propriétaires, qui, puisqu’ils ont déj? dévoré la plupart des pères, paraissent avoir le plus de droits sur les enfants.

La chair des enfants sera de saison toute l’année, mais plus abondante en mars, et un peu avant et après, car il est dit pa un grave auteur, un éminent médecin français, que, le poisson étant une nourriture prolifique, il naît plus d’enfants dans les pays catholiques romains environ neuf mois après le carême qu’à toute autre époque : c’est pourquoi, en comptant une année après le carême, les marchés seront mieux fournis encore que d’habitude, parce que le nombre des enfants papistes est au mains de trois contre un dans ce royaume ; cela aura donc un autre avantage, celui de diminuer le nombre des papistes parmi ous. J’ai déjà calculé que les frais de nourriture d’un enfant de mendiant (et je fais entrer dans cette liste tous les cottagers[2], les journaliers et les quatre cinquièmes des fermiers), étaient denviron deux shillings par an, guenilles comprises ; et je crois qu’aucun gentleman ne se plaindra de donner dix shillings pour le corps d’un enfant bien gras, qui, comme j’ai dit, fera quatre plats d’excellente viande nutritive, lorsqu’il n’aura que quelque ami particulier ou so 6 6 quatre plats d’excellente viande nutritive, lorsqu’il n’aura que quelque ami particulier ou son propre ménage à diner avec lui.

Le squire apprendra ainsi à être un bon propriétaire, et deviendra populaire parmi ses tenanciers ; la mère aura huit shillings de profit net, et sera en état de travailler jusqu’à ce qu’elle produise un autre enfant. Ceux qui sont plus économes (et je dois convenir que les temps le demandent) peuvent écorcher le corps ; la peau, artistement préparée, fera d’admirables gants pour les dames, et des bottes d’été pour les beaux messieurs. Quant à notre cité de Dublin, des abattoirs peuvent être affectés à cet emploi dans les endroits les plus convenables, et les bouchers ne manqueront pas assurément ; toutefois je ecommande d’acheter de préférence des enfants vivants, et de les préparer tout chauds sortant du couteau, comme nous faisons pour les porcs à rôtir.

Une très-digne personne, qui aime sincèrement son pays et dont j’estime hautement les vertus, a bien voulu dernièrement, en discourant sur cette matière, proposer un amendement à mon projet. Elle a dit que nombre de gentlemen de ce royaume ayant détruit, depuis peu, leur gros gibier, elle croyait que fon pouvait suppléer à ce manque de venaison par des corps de jeunes garçons et de jeunes filles, pas au dessus de quatorze ans et pas u dessous de douze, tant d’enfants des deux sexes étant 7 6 filles, pas au dessus de quatorze ans et pas au dessous de douze, tant d’enfants des deux sexes étant en ce moment menacés de mourir de faim, faute d’ouvrage ou de service ; et les parents, s’ils sont encore en vie, ou, à défaut de ceux-ci, leurs plus proches parents étant tout disposés à s’en défaire.

Mais avec toute la déférence due à un si excellent ami et à un si digne patriote, je ne puis être tout à fait de son sentiment ; car pour ce qui est des mâles, l’Américain que je connais m’a assuré, pour en avoir ouvent fait l’expérience, que leur chair était généralement dure et maigre, comme celle de nos écoliers, et que les engraisser ne paierait pas les frais. Quant aux femelles, ce serait, je pense, en toute soumission, une perte pour le public, parce que bientôt elles deviendraient fécondes elles-mêmes. Et d’allleurs, il n’est pas improbable que des gens scrupuleux seraient portés à censurer cette mesure (quoique bien injustement, il est vrai), comme frisant un peu la cruauté ; ce qui, je l’avoue, a toujours été, à mes yeux, la plus forte objection contre tout projet, quelque bonne qu’en soit l’intention.

Mais je dois dire à la justification de mon ami, qu’il confessa que cet expédient lui avait été mis en tête par le fameux Psalmanazar, natif de l’ile de Formose, qui vint à Londres il n’y a pas plus de vingt ans, et raconta à mon ami que dans son pays chaque fois qu Londres il n’y a pas plus de vingt ans, et raconta à mon ami que dans son pays chaque fois qu’on mettait quelqu’un de jeune ? mort, l’exécuteur vendait le corps à des personnes de qualité, comme une grande friandise ; et que de son temps le corps d’une fille dodue de quinze ans, qui avait été crucifiée pour une tentative d’empoisonnement sur l’empereur, fut vendu u premier ministre de Sa Majesté impériale, et autres grands mandarins de la cour, par quartiers, au sortir du gibet, pour quatre cents couronnes En effet, je ne puis nier que si on tirait le même parti de plusieurs dodues jeunes filles de cette ville, qui, sans un sou de fortune, ne peuvent sortir qu’en chaise à porteurs, et se montrent à la comédie et aux assemblées dans des toilettes venues de fétranger et qu’elles ne payeront jamals, le royaume ne s’en trouverait pas plus mal. Quelques personnes portées au découragement sont fort inquiètes de ce grand nombre de pauvres gens, qui sont âgés, alades ou estropiés, et j’ai été prié de chercher dans ma tête ce que l’on pourrait faire pour soulager la nation d’une si lourde charge.

Mais je ne suis pas le moins du monde embarrassé à ce sujet, car il est bien connu qu’ils meurent et pourrissent chaque jour de froid et de faim, de saleté et de vermine, aussi vite qu’on peut raisonnablement s’y attendre. Et quant aux jeunes journaliers, leur état aujourd’hui donn PAGF 16 peut raisonnablement s’y attendre. Et quant aux jeunes journaliers, leur état aujourd’hui donne presque autant d’espérance : ils ne trouvent pas d’ouvrage et par conséquent épérissent faute de nourriture, à un degré tel que si, par hasard, on leur confie le plus simple travail, ils n’ont pas la force de le faire ; et ainsi le pays et eux-mêmes sont heureusement délivrés des maux à venir. Cette digression est trop longue, et je reviens à mon sujet. Je crois que les avantages de ma proposition sont évidents et nombreux, ainsi que de la plus haute importance. remièrement, comme je l’ai déjà fait observer, elle diminuerait considérablement le nombre des papistes dont nous sommes inondés tous les ans, car ce sont les plus grands faiseurs d’enfants e la nation, aussi bien que ses plus dangereux ennemis ; et s’ils restent au pays, c’est afin de livrer le royaume au Prétendant, espérant profiter de l’absence de tant de bons protestants, qui ont mieux aimé s’expatrier que de rester chez eux et de payer la dime à un curé épiscopal contre leur conscience. Deuxièmement. Les plus pauvres tenanciers auront quelque chose à eux que la justice pourra saisir et affecter au payement de la rente de leur propriétaire, leur blé et leur bétail étant déj? saisis et l’argent une chose inconnue. Troisièmement. Attendu que l’entretien de cent mille enfants de deux ans et au-dessus ne peut