Memoireedornier
Le respect de la personne agée dépendante en institution (mon mémoire de juin 2003) Introduction Depuis longtemps, mon projet professionnel est de devenir infirmière. Au fil des expériences, pendant mes trois années de formation, mon envie de travailler auprès des personnes âgées s’est accrue. En effet, j’ai vécu diverses situations auprès de cette population, qu’elles soient professionnelles ou privées, et une seule m’a vraiment troublée : celle du manque de respect envers une personne âgée dépendante en institution médicalisée. Pour quelles raisons personnes âgées ont savent beaucoup de
Durant les siècles de vieux » étaient consi 2 Swip next page ense que les rité et à leur âge. « avec un grand savoir, qu’il fallait écouter et respecter »1 Durant mon enfance, j’ai eu une éducation basée sur le respect des « plus âgés que moi » personnes toujours présentes et dont les conseils étaient écoutés attentivement par le reste de la famille. J’ai gardé cette image de la personne âgée, c’est pourquoi le manque de respect envers eux me touche plus que d’autres problèmes. Mais en fin de compte, qu’est-ce que le respect ?
Ce terme est utilisé maintes et maintes fois, dans lusieurs situations. La définition qui suit définit bien ce mot : « Respecter une personne âgée c’est prendre en compte sa vie passée, présente et future ; ce n’est pas voir uniquement ses défauts mais aussi ses capacités : c’est tolérer sa présence peu importe le que la personne indépendante, par le fait qu’elle a toujours besoin d’une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne. Cet autre individu va rentrer dans son intimité, cela peut être une situation humiliante, le respect est d’autant plus important ici. ?2 Le terme de dépendance est aussi très relatif, cela pourrait être la onséquence d’une accumulation de troubles divers, malgré tout ce mot est défini comme tel : « incapacité d’accomplir au moins trois actes de la vie courante. »3 La situation que j’ai choisie se passe dans une institution médicalisée, car, tout simplement, ayant travaillé à domicile pendant un an, je n’ai jamais eu roccasion de constater un manque de respect envers la personne âgée, que ce soit par sa famille ou par le personnel qui la prenait en charge.
Donc, pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles un soignant peut manquer de respect envers une personne âgée ; pour peut-être pouvoir apporter une olution en tant que future infirmière, mon mémoire sera présentée comme ceci : – la présentation de la situation et la problématique posée – le contexte actuel avec la législation, la place de la personne âgée, les formes de maltraitance l’analyse ou comment cette situation a pu se produire – mon positionnement, les solutions que je pourrais apporter en tant que professionnelle, pour éviter que la situation ne se reproduise www. lan-retraite. fr Profession santé IDE n025, avril 2001 maltraitance, des aspects souvent feutrés h, Y. Stahan, : 27-28 3 2 42 personnes âgées et gérontopsychiatrie » p :27 La situation et sa problématique Lors de mon deuxième stage de ma première année de formation, je me suis trouvée dans un service de gériatrie.
Dans cet établissement, les locaux étaient vétustes, très sombres, inadaptés aux situations de dépendance de la personne âgée ; l’ambiance entre le personnel était maussade, la hiérarchie était très présente entre les médecins, les infirmières et le personnel aide-soignant — agent de service hospitalier. Les différents membres de l’équipe se parlaient très peu, hormis pour les transmissions à propos des patients, et ne mangeaient jamais nsemble.
A l’époque, les agents de services hospitaliers faisaient le même travail que les aides-soignants : ils réalisaient les soins de nursing, prenaient les températures, donnaient les médicaments, etc….. sans pour autant avoir eu la formation requise. Après le repas du midi, les aides-soignants et agents de services hospitaliers emmenaient les personnes âgées aux toilettes. Ce passage était obligatoire, c’est ? dire que le personnel ne demandait pas à la personne si elle avait besoin d’aller sur les WC.
En tant que stagiaire débutante, je les aidais à accomplir cette tache. Le service présentait beaucoup d’agitation ce jour là, les patients ne mangeaient pas autant que ce que le personnel espérait ; le matin, il y avait eu du retard dans les toilettes ; beaucoup de bruit pendant le repas ; il faisait très sombre à cause du mauvais temps qui durait depuis plusieur 3 42 dépendante et démente, dans un fauteuil roulant où elle était attachée par une ceinture abdominale de contention. L’agent de service hospitalier venait de finir de lui donner à manger.
Elle avait plus de 15 ans de carrière derrière elle déjà, dans le même établissement. J’ai donc été témoin de cette scène : cet agent de service hospitalier, exerçant donc une fonction d’aide-soignante, assoit cette dame sur les toilettes. Elle attend un moment, moins de 5 minutes, puis lui dit : « dépêche-toi de pisser la vieille ! » La personne âgée n’a pas réagi, n’a pas uriné, et l’agent de service hosp talier lui a remis sa protection et l’a réinstallé sur son fauteuil pour la conduire à la sieste. Ces gestes étaient très rapides, très saccadés aussi.
Lors de cette phrase, j’étais seule présente dans le couloir, j’observais comment se déroulait, pour la remière fois, ce que l’on appelle un change. La problématique de cette scène est le fait que ragent de service hospitalier a manqué de respect envers cette dame dépendante. Comment un soignant peut arriver à dire de telles choses ? Jusqu’? quel point pourrait-il aller ? C’est donc ce que je vais tenter d’analyser. Le contexte actuel a) la législation concernant les personnes âgées Il existe actuellement une charte des droits et libertés des personnes âgées dépendantes.
Cette charte a été crée par la fondation nationale de gérontologie en 1987 et a été diffusée par une circul 4 2 aquelle chacun doit pouvoir poursuivre son épanouissement : – Article 2, le lieu de vie de la personne âgée dépendante doit être choisi par elle et adapté à ses besoins. L’architecture de l’établissement doit répondre aux besoins de la vie privée de la personne. – Article 3, toute personne âgée doit conserver la liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie en société.
La VIe quotidienne doit prendre en compte le rythme et les difficultés des personnes âgées dépendantes. – Article 6, toute personne âgée a droit à des activités. Développer des centres d’intérêt ?vite la sensation de dévalorisation et d’inutilité. – Article 9, la prévention de la dépendance est une nécessité pour l’individu qui vieillit. Aucune personne âgée ne doit être considérée comme un objet passif de soins. – Article 10, les soins que requiert une personne âgée dépendante doivent être dispensés par des intervenants formés, en nombre suffisant. Article 13, toute personne en situation de dépendance devrait voir protégés non seulement ses biens mais aussi sa personne. La sécurité physique et morale contre toutes agressions et maltraitances doit être sauvegardée. Article 14, l’ensemble de la population doit être informé des difficultés qu’éprouvent les personnes âgées dépendantes. C’est le meilleur moyen de lutte contre l’exclusion. »4 Cette charte donne déjà des pistes de réflexion pour éviter des abus auprès des personnes âgées.
Un autre article est Important : l’article 434-3 du code pénal qui déclare : « le fait, pour quiconque ayant eu connaissance des mauvais traitements ou privations infligés à une personne qu s 2 traitements ou privations Infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, de sa maladie, ‘une infirmité, d’une déficience physique ou psychique de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000F d’amende »5 Une charte, moins officielle ici, a été crée spécifiquement pour les personnes âgées dépendantes en institution par un groupe d’études, en 1 991, du service de long séjour du CHU de Strasbourg. Certains points me semblent importants : 1. Tout résident doit bénéficier de la charte des droits et libertés des personnes âgées dépendantes 3. Comme tout citoyen adulte : la dignité, l’identité et la vie privée u résident doivent être respectés. 4. Le résident a le droit d’exprimer ses choix et ses souhaits. 5. L’institution s’efforce de répondre à ses besoins et de satisfaire ses désirs 12. Le droit à la parole est fondamental pour les résidents. »6 Mais avant de pouvoir affirmer qu’il y a mauvais traitement sur une personne, il faut en définir le terme.
C’est ce que nous allons voir dans le prochain chapitre qui va nous démontrer les différentes formes que le manque de respect envers une personne peut prendre. 4 www. ch-tulle. fr www. almafrance. org, « code pénal 1994 6 AMYOT Jean-Jacques, risque, responsabilité, éthique dans les pratiques gérontologiques, Ed. Dunod, 2001, 213 pages, p : 78 6 2 soins longue durée. 4% des 75-79 ans vivent en institution, 17% des 85-89 ans, et 33% des 90 ans et plus. Une estimation a été faite, en 2001, près de 5% de la population âgée de plus de 65 ans subirait des maltraitances. »7 Ce chiffre semble pourtant sous- estimé. Un mauvais traitement désigne tous les actes abusifs commis ? l’égard d’une personne.
Cassociation française de protection et d’assistance aux personnes âgées estime qu’il existe six grandes formes de violence, en institution ou non. Les voici : – mauvais traitements psychologiques dévalorisation, jugement : comme donner des surnoms (mémère, la vieille, grand-mère… ) le tutoiement, faire des remarques sur les visites, culpabiliser la personne, négliger de soulager la douleur malgré les plaintes Abus d’autorité : prendre les décisions à la place de la personne, mettre systématiquement une protection ou des bavettes à tout le monde, changer la chambre sans demander l’avis, lui dire qu’elle n’a plus toute sa tête, ne pas respecter le rythme biologique de la personne, les forcer à agir vite, faire des chambres mixtes.
Assaut verbal, menace, chantage : provoquer la peur en menaçant d’isolement, agresser verbalement, intimider, traiter la personne comme un enfant Abus social : ignorer la présence de la personne, la priver de soins et de rôle social, avoir des préjugés Violence par omission : ne pas tenir compte du vécu de la personne, ne pas tenir compte des habitudes vestimentaires – mauvais traitements matériels : vols d’argent, de chèques, escroquerie, réclamation de l’héritage 2 physiques . alimentation inadéquate : les forcer à manger rapidement, mauvaise installation, acharnement sur la stricte bservance diététique, mixer toute la nourriture sans nécessité Soins infirmiers non-donnés : non-respect de l’intimité lors du nursing, négliger de faire les soins nécessaires, ne pas répondre aux besoins de la personne, ne pas l’écouter, donner trop de médicaments ou s’acharner dans les soins.
Violence à l’image de soi : infliger des souffrances corporelles, ligotement à un lit ou une chaise, coups et blessures délibérés, assaut grave tel que viol ou meurtre – violation du droit : empêcher une personne d’exercer un contrôle sur sa vie, non-respect des droits et des besoins mauvaises conditions de l’environnement : chauffage inadéquat, suppression des objets personnels, espace mal adapté, lit trop haut, absence de lieu pour recevoir en prive – mauvaises organisations des soins et des services prestataires : règlement sur les heures de lever et de coucher, obligation des repas, prescription inutile de somnifères, laisser au lit la personne toute la journée par le fait qu’il s’agit d’un dimanche ou d’un jour férié, absence de loisirs et d’activités. »8 7 profession santé infirmière na 30, octobre 2001 , « maltraitance des personnes âgées Y, A-L. P. www. afpap. g, « la maltraitance des personnes âgées », Association Française de Protection et d’Assistance aux Personnes Agées 42 La place de la personne âgée a t-elle changée au fil des temps ? C’est ce que nous allons voir dans le prochain chapitre. c) la place de la personne âgée dans notre société actuelle De nos jours, avec le renouvellement rapide des techniques, les besoins de productivité des personnes toujours accru, la personne âgée est vite dépassée ; elle n’est plus une référence, un exemple, contrairement aux sociétés passés. Il lui est donné le statut de « vieux » qui a une connotation péjorative. ? On n’est plus un citoyen quand on est vieux, on est transparent »9 « En France on n’aime pas les gens qui ont rair vieux.
Alors qu’ils n’ont jamais été aussi nombreux, les vieillards font peur, parce qu’ils nous forcent ? nous projeter dans notre propre vieillissement. Ce qui est demandé aux vieux, c’est de conserver au maximum les attributs de la jeunesse, la beauté, la santé, la forme physique. »10 Quelques fois, la personne âgée peut donner l’impression de ne pas entendre, de ne plus voir ce qu’il se passe à l’extérieur. La société moderne véhicule des images négatives sur les « vieux » : ersonnes inutiles, acariâtres, avares, grincheuses, égocentriques, rigides… Elle donne aussi une image de mort, surtout pour la personne dépendante. Cette symbolique, cette mort est rejetée ; tout le monde doit être jeune, beau et en bonne santé.
Les « vieillards » ne doivent pas manifester de déchéance, ne doivent pas être trop visibles dans le paysage social, surtout lorsque leurs corps ne correspondent plus aux normes en vlgueur. L’anthropologue Bernadette Pui’alon déclare même que . personnes âgées sont éca personnes âgées sont écartées dans des structures ghettos ! On les fait vivre dans une ambiance de pensionnat, avec une bouffe de pensionnat ! » La société exprime également un refus de voir des Individus vieillir, la mode actuelle étant à la jeunesse éternelle. Le « vieux » est représenté par les médias en bonne santé (publicité pour une eau minérale) ou utilisant de la crème de soins pour atténuer les effets physiques du vieillissement.
La personne âgée dépendante n’est que l’ombre d’elle—même, elle est presque honteuse, du fait que le monde présent lui reproche sa faiblesse, sa marginalité par rapport aux normes sociales de beauté éternelle. Malgré tout cela, depuis 1985, les études, colloques et publications concernant la qualité de vie des personnes âgées en institution se multiplient. Ils témoignent d’une réflexion et d’un regard nouveau sur la place de la personne âgée. Cette évolution est malgré tout très lente car l’image du « vieillard » est ambivalente : il y a le « vieux » respectable, enrichissant, affectueux ; et puis celui qui est figé, intolérant, vulgaire et agressif. 9 VETEL Jean-Marie, responsable du service de gérontologie au CHU du Mans PIJIJALON Bernadette, présidente du comité personnes âgées de la fondation de France 10 5 0 2