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73 Evaluatian du système fiscal (Deuxième et dernière partie) UNE FISCALITÉ COMPLEXE, INCOHERENTE ET INJUSTE Par Najib Akesbi 74 Najib Akesbi Economiste, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan Il, Rabat. ETUDE DE TERRAIN orso Sni* to View Une fiscalité incohérente et injuste Notre système fiscal marche sur la tête. On s’en doutait un peu. nous le démontre avec maestria : TVA, IS, IR… Tout y passe.
Dans cette deuxième et dernière partie de l’évaluation de la réforme fiscale entamée en 1984, cette étude documentaire interroge les objectifs préconisés et les ésultats atteints, sous le double angle de la simplicité et de l’équité. Voyage au bout du fisc ! rapport ? ses propres objectifs, rappelons que ces derniers peuvent se résumer en trois mots-clés qui sont : simplicité, efficacité et équité.
Nous avons déj? La loi de finances 2008 offre des «perles» en matière fiscal, tel l’imbroglio noué au sujet de la WA (leasing, non rétroactivité, passage de 20 à pour les signataires de LOA amplement examiné la question de l’efficacité dans la première partie, et même si nous y reviendrons au cours des développements qui uivent, ceux-ci seront surtout consacrés à montrer combien la réforme fiscale a raté aussi ses objectlfs de simplicité et d’équité.
Avant d’entrer dans le détail de chaque impôt, on peut cependant commencer par quelques appréciations générales, observées au niveau du système fiscal, dans son ensemble. Celui-ci a-t-il été simplifié ? A-t-il été harmonisé ? Est-il mieux «lisible» pour le commun des contribuables qui doit en pratlquer les dispositions ?
Certes, personne ne contestera que, çà et là, des efforts aient été faits pour rendre plus xplicite telle ou telle disposition fiscale, intégrer telle taxe 0 connaissance de la législation fiscale peut apprécier combien celle-ci reste encore trop souvent complexe, ardue, ambiguë, quelquefois déroutante.
Pour illustrer un tel état de fait, il n’y a pas besoin d’aller au-delà de l’actualité « brûlante» puisque la loi de finances pour 2008 offre de véritables «perles» en la matière, comme celle de l’imbroglio qui s’est noué La revue ECONOMIA n03 / juin – septembre 2008 75 au sujet de la TVA sur les opéra- leurs modes d’imposition, ni même de base, que sur ceux qui sont ions de leasing et du principe de de paiement !
A titre d’exemple, on liés à un niveau de vie élevé; forte non-rétroactivité des lois (comment prétend que les taxes sur les profits imposition de certains secteurs appliquer un taux de TVA de immobiliers, les produits des ac- et quasi-défiscalisation d’autres à des clients qui avaient signé des tians, ou les placements ? revenu (l’agriculture)… En somme, on voit contrats de LOA comportant un fixe ont été supprimées et intégrées bien que l’orientation générale est taux de 10% ?! , ou des controverses à HIR, alors que, comme on le erra exactement le contraire de ce que suscitées par le relèvement du taux plus loin, elles ont été en fait seule- devrait être celle d’un système qui se voudrait seulede la TVA «immobilière» Plus on est riche, moins on paie ment moins inéquide 14 à 20% (qui doit supporter les 6 points d’impôts en ro artion de sa richesse; table. Encore plus PAGF 0 d’hier, supplémentaires pour et plus on est pauvre, plus on paie le système fiscal les compromis de vente actuel est bien un signés avant 2008, le prod’impôts au regard de sa pauvreté. es plus injustes qui oteur ou Pacquéreur? ), sans parler de la risible bourde ment «chapeautées» par ce dernier, soient : plus on est riche, moins du taux de taxation à l’IR des gardant quasiment toutes leurs on paie d’impôts en proportion de plus-values de cession, fixé à 1 caractéristiques originelles (taux, sa richesse; et plus on est pauvre, pour les actions, et à pour les assiette, mode de paiement… ) ! lus on paie d’impôts au regard De sorte que l’impôt sur le revenu de sa pauvreté. En tout cas, on OPCVM-actions ! (qui du reste n’a plus la prétention s’étonnera guère de constater ue Le nombre d’impôts qui continuent détre «général») ressemble plus à la «réforme» à ce niveau a carrément à encombrer le système fiscal une addition d’impôts cédulaires, tourné à la «contre-réforme», accenreste impressionnant.
Même si, coexistant sous un même «chapi- tuant le caractère inégal et régressif là encore, des impôts ont certes teau», qu’à un véritable impôt d’un système qui l’était déjà assez. été supprimés ou formellement synthétique, comme cela semblait intégrés dans d’autres, la densité en être l’ambition affichée par la Nous allons donc dans cette deuxième partie examiner 0 trois principaux gard du rendement de la grande majorité de ses composantes.
Ainsi, Qu’en est-il de l’équité ? L? encore impôts, successivement, par ordre en s’en tenant au seul chapitre du nous reviendrons plus en détails de recettes décroissant : la TVA, « ministère de l’Economie et des sur cet aspect, mais on peut déj? l’IS et [‘IR. Finances» dans la loi de finances constater que sur ce terrain, la pour 2008, on compte encore plus méprise est congéntale.
En effet, Taxe sur la valeur d’une quarantaine de lignes budgé- on peut se demander omment on ajoutée : un concentré taires «actives», correspondant à des a pu croire à un tel objectif, quand de contradictions et « prélèvements», «impôts», «droits» et on sait le peu de cas que les poli- d’iniquités «taxes», alors que nous savons bien tiques néo-libérales -qui ont Inspiré que 4 impôts seulement (TVA, IS, la réforme fiscale et continuentde Entrée en vigueur le premier avril IR et DD) rapportent plus de le faire- font de cette dimension du 1986, la taxe sur la valeur ajoutée des recettes fiscales totales (cf. éveloppement. Réduction des aux fut le premier nouvel impôt mis en «Top six fiscal», première partie… ). d’imposition sur les revenus élevés place dans le cadre de la réforme fisA quoi servent les neuf dixièmes et maintien d’une charge relative- cale2. Il devait d’abord matérialiser des autres impôts? Quel est leur ef- ment forte sur les bas et moyens la fuslon des deux précédentes taxes ficience ? Ne coûtent-ils pas à l’Etat revenus; concentration de la presplus qu’ils ne lui rapp PAGF s 0 ficience ? Ne coûtent-ils pas à l’Etat revenus; concentration de la presplus qu’ils ne lui rapportent ?
En- sion sur les revenus alariaux, ? core que la disparltion de certalns l’avantage d’autres catégories de impôts n’est en réalité que parfaite revenus, du capital en particulier; illusion puisque leur intégration accentuation de la taxation des dans un autre impôt est purement dépenses de consommation, encore formelle, ne signifiant suppression plus forte sur les biens et services ni de leurs taux spécifiques, ni de de grande consommation, voire 76 sur le chiffre d’affaires et la généralisation du système des déductions, puisque tel est son principal apport, par rapport au système antérieur des taxes cumulatives »3 .
Si son champ d’application devait également être élargi et ses taux d’imposition aménagés, force est de constater que les difficultés de mise en œuvre et les dysfonctionnements apparurent très vite et n’ont depuis jamais cessé. Difficulté de définition d’une assiette adéquate La première difficulté a porté sur la délimitation du champ d’application. Celui-ci s’étend aux opérations de nature industrielle, commerciale, artisanale ainsi qu’aux professions libérales.
Outre le secteur PAGF 6 0 supérieur à deux millions de dirhams… Que représente un tel seuil? Est-ce une indication adéquate pour justifier la soumission une telle taxe ? En tout cas, dans un pays où les activités commerciales se caractérisent par une grande désorganisation, il est rapidement apparu que les critères retenus pour définir les commerçants assujettis (chiffre d’affaires, inscription à la patente, vente à des revendeurs) manquent de pertinence.
De sorte que ceux qui ont été « décrétés » soumis à la TVA -alors que très souvent leurs concurrents directs ont été laissés hors de son champ- se sont sentis lésés et, considérant le nouvel impôt comme une sorte de prélevement upplémentaire sur leurs marges bénéficiaires, l’ont plutôt ugé un facteur de concurrence déloyale. Cette délimitation du champ de textes de la TVA, on est frappé par la TVA est apparue par la suite l’étendue du champ… des exonérad’autant plus problématique, et tians.
Dans la seule catégorie des pour ainsi dire suspecte, quand elle exonérations « sans droit ? déduca commencé à être mise au service tian » (art. 93, CGI), on ne compte de règlements de compte, au profit pas moins de 44 cas de figure, allant de puissants lobbies politiques et des plus compréhensibles (pain, économiques. En effet, al appareils pour 7 0 statut, on se souvient encore de (bougies, crin végétal, figues, hamcette étrange disposition introduite mams et fours traditionnels… ).
A dans la loi de finances pour 2005, cette liste s’ajoute une autre, celle-l? soumettant à la TVA les coopéra- très avantagée puisqu’elle accorde tives qui se livrent Sont exonérés de TVA les à des activités de transformation de fondations Mohammed VI, Hasmatières premières san Il, Cheikh Zaïd Ibn Soltan, et dont le chiffre daffaires dépasse 5 millions de dirhams ! En fait chacun une exonération assortie d’un « droit vait bien compris que ce texte était à déduction », en fait de remboursetaillé sur mesure pour « matefl la ment de la TVA supportée à ramant. oopérative laitière Copag/Jaouda, Cette liste, qui comprend également la seule qui commençait à menacer plus d’une quarantaine de cas, est, sérieusement l’omnipotence de la à quelques exceptions près (exportaCentrale laitière, filiale de l’ONA… tians, quelques intrants agricoles, Bref, le makhzen économique en logement social), le domaine excellence des privilèges, si ce n’est action et dans toute sa splendeur ! des passe-droits. Qu’on en juge par
Cette question du champ ces quelques exe PAGF 8 0 Université Al Akhawayn, toute rigueur, le système de la TVA, sociétés holding offshore, et surtout par essence, ne produit pleine- une série de pas moins de 59 mament ses effets -économiquement tériels agricoles nommément cites bénéfiques- que dans la mesure où et dont, de toute évidence les neuf il est généralisé à toute la chaîne de dixièmes ne risquent d’être connus valeur.
Il en est ainsi puisque, dès lors et utilisés que par une poignée de qu’une entreprise est « hors champ » gros agriculteurs » ou exonérée, elle ne collecte plus e TVA à travers ses ventes, et , en De surcroit, avec une assiette autant principe, ne peut donc guère récu- amputée, la TVA marocaine souffre pérer les taxes supportées à l’amont, de graves distorsions au niveau de ce qui l’amène à les ajouter à son ses propres mécanismes de déducprix de revient, et nous ramène au tian.
Alors que ceux-ci doivent système antérieur des taxes cumula- normalement être généralisés, on tives ! Or, quand on examine les s’aperçoit que le dispositif actuel est encombré d’exceptions à cette règle, trop souvent motivées par leur impact financier, quand ce n’est as par les marchandages conclus au Parlement entre les différents groupes de pression et le gouvernement.
La règle est que ne sont pas taxes ne sont en tout état de cause pas déductibles, a ensuite été établie, parmi lesquels on trouve pêle-mêle les locaux non liés à l’exploltation, les véhicules de transport individuel, les produits pétroliers non utilisés dans la production ou le transport collectif et des marchandises, les dépenses revêtant un caractère de libéralités, les frais de mission et de réception, les prestations des cour- tiers d’assurances…
On a du mal ? suivre la logique de tels choix, car n peut tout de même se demander pourquoi les primes d’assurance ou les déplacements auprès de la clientèle ne seraient pas nécessaires aux « besoins de l’exploitation » et au fonctionnement normal d’une entreprise.
Comme on peut se demander pourquo autorlser la déductibilité des taxes grevant la constitution dun somptueux siège social et la refuser pour une modeste petite voiture de service. Des listes et des taux consacrant un système plus complexe et plus Les considérations financières et les marchandages au Parlement Tableau 1 – Produits de luxe dont les taux ont baissé entre 1986 et 2008