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De la dépendance aux relations de partenariat: les relations interorganisationnelles dans la coopération internationale Les Cahiers de la Chaire – Collection recherche No 01-2004 par Olga Navarro-Flores ISBN 2-923324-17-X Dépôt Légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2004 dans la coopération i Les Cahiers de la Cha Par Olga Navarro-Flo *Olga Sni* to View Navarro-Flores est candidate au Ph. D. en administration ? l’UQÀM. Elle est également chercheure associée à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable. Table des matières Introduction
Les partenaires et la coopération internationale 3 Les relations Nord-Sud : différents compromis entre les acteurs les bailleurs de fonds La pratique partenariale 17 19 La construction des relations de partenariat selon les acteurs du Nord et du sud La définition de partenariat selon les acteurs 20 Les stratégies relationnelles des OCI et des ONG 22 La consultation et la négociation au sein des partenariats Nord- Sud En guise de conclusion Bibliographie 24 27 29 De la dépendance aux relations de partenariat : les relations interorganisationnelles dans la coopération internationale
Olga Navarro-Flores Avril 2004 On s’entend généralement pour dire que les années 1990 se caractérisent par l’arrivée de la mondialisation, qui constitue une accélération sans précédent des échanges d’informations, de capitaux, de biens et de services. L’arrivée de la mondialisation a suscité une série de changements profonds qui s’étendent, entre autres, à la montée des partenariats; ceux-ci constituent une nouvelle f dination de l’activité PAGF OF (Favreau, 1996; Vaillancourt, 1996), et même afin de s’attaquer à certains problèmes socioéconomiques de la ommunauté (Loizides, 1995; Peterson et Sundblad, 1994).
Le concept fait désormais partie du langage courant dans tous les secteurs socioéconomiques, même dans le domaine de la coopération internationale. Ceci est d’autant plus paradoxale que la mondialisation est généralement interprétée comme ayant exacerbé les tensions Nord-Sud. Mais attention, car futilisation du concept de partenariat dans le contexte des relations Nord-Sud pourrait nous condulre à penser que les partenarlats équllibrent finalement les relations de pouvoir entre les parties, ce qui n’est pas le cas. ?? partir de deux études de cas dans le domaine de la coopération internationale, nous tenterons d’illustrer dans les pages qui suivent que les partenariats, tels qu’ils sont construits par les acteurs du Nord et du Sud, ne constituent pas une relation égalitaire, mais plutôt un espace de négociation et un espace de partage de pouvoir entre les acteurs des relations de coopération internationale.
Les partenaires et la coopération internationale 1 Les organisations de coopération internationale (OC’) du Nord et les organisations non gouvernementales (ONG) du Sud, ont établi des relations de oopération depuis plus de trente Nous tenons à remercier le CRDI, la Fondation Desjardins et le Programme FCAR et la Chaire de Coopération Guy-3ernier qui ont permis de mener à bien ces recherches. ahier 01-2004 ans. En effet, depuis les années 1960, ces organisations se sont impliquées ensemble dans des actions d’aide humanitaire, l’exécution de projets de développement, de l’échange de savoir faire ainsi que des échanges d’expériences et plus récemment dans la participation aux réseaux régionaux et internationaux de la société civile2 (Favreau et Fréchette, 2002; Fowler, 2002;
Edwards et Sen, 2000; Smlllie, 1995; Korten, 1990). Au cours des années, ces expériences ont dessiné de véritables relations de coopération Nord-Sud, qui répondent aux souhaits des ONG : « de véritables partenariats basées sur la réciprocité et la confiance mutuelle lesquelles permettraient aux acteurs du Sud de tisser « des liens entre les mouvements sociaux canadiens » (Smillie, 1991 : 5). ar ailleurs, Favreau et Fréchette (2002), Defourny et Develtere (1999) et Barrat-Brown et Adam (1999) au Nord, et Ortiz Roca (2001) au Sud, soulignent que les acteurs du Nord et du Sud onstruisent depuis les années 1990 de nouvelles alliances, de nouveaux partenariats, de nouveaux liens qui constituent aujourd’hui d’importants réseaux de solidarité internationale et d’échanges entre Pécanomie sociale et solidaire.
Devant ces témoignages sur l’émergence des partenariats Nord-Sud, on s’interroge quant à savoir s’il existe véritablement une convergence des visions et des objectifs entre les acteurs du Nord et du Sud qui opèrent dans le secteur de la coopération international la rhétorique du les rapports Nord-Sud ?
Selon Hately (1997), l’émergence des partenariats en coopération nternationale a motivé la discussion auprès des acteurs du Nord qui doivent reconnaitre d’une part, les rapports du pouvoir inhérents aux relations Nord-Sud et, d’autre part, le besoin de définir les mécanismes nécessaires qui aideront les parties prenantes au partenariat à surmonter la rhétorique et à mettre en pratique des partenariats équitables et efficients.
Tandis que, dans une perspective des acteurs du Sud, Malhotra (1997: 41), argue que le concept de partenariat représente, ni plus ni mons qu’une autre imposition des acteurs dominants de la coopération internationale, notamment les nstitutions de coopération multilatérales, les agences gouvernementales ainsi que les OCI. Par exemple FAIliance Sociale Continentale, une organisation de la société civile, compte dans son membership des organisations syndicales, paysannes, femmes, académiques, des ONG/OCI, etc. Créée en 1999, l’alliance facilite l’échange d’information, la promotion d’un modèle alternatif de développement (www. sommetdespeuples. org).
Page 4 sur 31 PAGF s OF par les initiatives de coopération internationale (Mehmet, 1999; sagasti et Alcalde, 1999; CETRI, 1998; smillie, 1996, 1995); le euxième groupe d’études soulignent la paradoxe des OCI/ONG qui, tout en promouvant un modèle de développement alternatif dans les pays du Sud, se font interpeller de plus en plus par les États en vue de jouer un rôle de substitut dans l’approvisionnement des services sociaux, ainsi qu’un rôle de surveillance de la responsabilité sociale et éthique des entreprises privées dans les pays du Sud, ou finalement un rôle de complémentarité aux programmes d’intégration économque régionaux (CETRI, 1998; Hulme et Edwards, 1997; Edwards et Hulme, 1996, 1992); et troisièmement, des études de cas ui analysent l’impact des impositions des politiques de développement et de modèles organisationnels des bailleurs de fonds sur les OCI, mais aussi de la part des OCI sur les ONG, et même des ONG sur les populations de base. Il s’agit particulièrement des études de cas qui illustrent les effets pervers des modèles de développement standardisés qui ne tiennent pas compte ni des particularités contextuelles ni des besoins des populations locales (Bhattachan, 2000; Baylosis, 1 998; Arellano-Lôpez et Petras, 1998,’ Muller, 1989). L’ensemble de ces études permet de contextualiser les relations e partenariat et la coopération internationale dans les rapports inégaux entre le Nord et le Sud.
Les auteurs présentent non seulement la multiplicité d’acteurs impliqués dans ces relations, notamment, les bailleurs de fonds gouvernementaux, les bailleurs privés (i. e. , les OCI) et les ONG et les populations bénéficiaires, mais aussi l’i xercent au niveau des PAGF bénéficiaires, mais aussi l’impact qu’ils exercent au niveau des politiques de développement, au niveau de la gestion des programmes, et au niveau de l’impact sur les bénéficiaires. Ces études présentent assurément une perspective critique de la oopération internationale et des relations entre les OCI et les ONG, mais comment expliquent-elles les relations de partenariat que les acteurs construisent depuis une décennie?
Même si l’émergence de relations de partenariat promet des changements importants dans un scénario si manichéen, il n’en demeure pas mons qu’il n’existe pas, à notre connalssance, d’études sur les relations de partenariat entre page 5 sur 31 les OCI et les ONG se penchant davantage sur la dimension constructive de ce nouvel arrangement institutionnel. Au delà des rapports de pouvoir inégaux, n’y a-t-il pas des efforts de part et d’autre pour faire onverger des objectifs et des résultats des OCI et des ONG? À notre avis, une perspectiv PAGF 7 OF puisse comprendre comment les acteurs du Nord et du Sud construisent leurs relations de partenariat dans un contexte de rapports inégaux Nord-Sud. En analysant comment les acteurs des OCI et des ONG ont construit leurs relations au cours des années, nous pouvons constater que, d’une décennie à l’autre, ces acteurs ont su composer avec les rapports inégaux Nord-Sud au sein de leur relation.
En effet, plusieurs auteurs soulignent que les initiatives de coopération internationale ont évolué de l’aide u développement à caractère plutôt humanitaire, passant par la coopération au développement à travers les projets socioéconomiques, jusqu’à une approche intégrale de solidarité internationale incluant des échanges techniques et culturels, le lobbying politique, l’aide humanitaire et le financement des programmes de développement (Favreau, 2000; Cetri, 1998; Vakil, 1997; Smillie, 1995; Korten, 1990). Dans cette perspective, nous avançons que depuis les années 1960, les relations que les OCI et les ONG ont construites d’une décennie à l’autre peuvent être représentées comme une série de ompromis entre les acteurs du Nord et du Sud.
En effet, sachant qu’ils ont des pouvoirs inégaux, les acteurs des OCI et des ONG ont fait des concessions de part et d’autre conduisant à une situation plus au moins satisfaisante pour les parties (Legorgne et Lipietz, 1989, cité dans Bélanger et Lévesque, 1992 : 78). L’évolution du type de relation entre les OCI et les ONG page 6 sur 31 OF Navarro-Flores reflète à notre avis un compromis différent entre les acteurs du Nord et du Sud, voire un compromis qui reflète les rapports inégaux à chaque époque. Ainsi, dans les années 1950-1960, les relations Nord-Sud se aractérisent par l’aide humanitaire et la coopération au développement selon le model de développement occidental.
Dans ce contexte, les acteurs du Nord et du Sud ont établi des relations plutôt hiérarchiques où l’on distingue les « donneurs » de l’argent, du savoir et du savoir faire (i. e. les coopérants du Nord), et les « bénéficiaires » qui reçoivent ces savoirs et ces ressources. Plus tard, dans les années 1970 et 1980, les OCI et ONG consolident leur travail de collaboration et d’intervention pour le développement socioéconomique à travers de petits projets de roduction générateurs de revenus. Le compromis entre les acteurs du Nord et du Sud se manifeste ici dans une relation de collaboration, d’apprentissage mutuel et même d’une certaine complicité dans la contestation conjointe des effets des politiques d’ajustement structurel sur les populations les plus pauvres des pays du Sud.
Tableau Évolution des compromis entre les acteurs du Nord et du Sud Typologie des interventions de développement Orientation des interventions mutuel Solidarité internationale Au Sud : Développement socioéconomique, formation, assistance technique. Au Nord : éducation au éveloppement au Nord, lobbying politique. International : recherche, échanges culturels Nord-Sud, Sud-Sud, Sud-Nord, réseaux de la société CIVile Partenariat Finalement, à partir des années 1 990 jusqu’à nos jours, l’accélération des échanges à l’échelle mondiale a brusquement exacerbé l’inégalité de pouvoir entre le Nord et le Sud; toutefois, on Cahier 01-2004 page 7 sur 31 Olga Navarro-FIores assiste paradoxalement à l’émergence de relations partenariales entre les OCI et les ONG. Nous arguons que les « donneurs » et les « bénéficiaires » d’autrefois jouent désormais des rôle