les Lumières
La construction collective de sens au sein d’équipes projet Le cas des projets culturels en établissement de santé Léa GAUDICHEAU Mémoire de 4ème année Séminaire : Organisations, Hommes et Management Sous la direction de : Lionel HONORE or lai Sni* to View 2013-2014 Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des personnes m’ayant accordé de leur temps lors des entretiens et, sans qui, ce travail n’aurait pas pu aboutir : Mme Belet, Mme Boulay, Mme Charrier, Mme Le Couédic, Mme Lefebvre, Mme Lostys, Mme Rocaboy, et Mme Zuccolo.
Je remercie également M. Honoré pour m’avoir accompagnée, en a qualité de directeur de mémoire, dans mon cheminement tout au long de ce travail, pour son sens de l’écoute et ses conseils avisés. Mes pensées se tournent aussi vers ma famille et mes amis, que je remercie pour leur soutien. organisations mobilise depuis les années 1980 Pattention de nombreux chercheurs »1 .
Dans une perspective interactionniste qui considère que « la vie sociale doit se comprendre comme un processus continu de communicatlon, d’interprétation et d’adaptation mutuelle »2, il s’agit de savoir comment les acteurs arrivent à faire sens d’une situation donnée. En effet, la question de la perte de sens du travail dans les organisations modernes a fait l’objet d’une littérature florissante ces dernières années (Méda, 201 0 ; Austissier et Wacheux, 2006).
Parvenir à créer des conditions favorables à la création collective de sens semble donc être un enjeu des organisations modernes. Ce mémoire part d’une volonté personnelle d’étudier des projets bien particuliers, les projets culturels en établissement de santé. Concert, spectacle de danse, atelier de théâtre, intervention artistique en milieu hospitalier prennent diverses formes et, epuis la signature de la Convention Culture et Hôpital en 1999, les initiatives se multiplient.
L’article LEI 11-1 du Code de Santé définit les établissements de santé comme les établissements assurant « le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes. »3 Le domaine de la santé et celui de la culture appartiennent à des univers, des mondes socioprofessionnels singulièrement différents avec chacun leurs conventions, pour reprendre les termes de Becker, leurs logiques et leurs propres langages.
Ainsi, les allers et retours entre lectures théoriques et étude de errain nous ont amenes à nous pencher sur la questio lectures théoriques et étude de terrain nous ont amenés à nous pencher sur la question de la construction collective du sens qui est apparu comme un angle intéressant pour aborder ces projets: Comment des indlvidus aux logiques professionnelles différentes parviennent à faire sens ensemble ? Comment différentes visions parviennent-elles à s’articuler, à s’ajuster, pour aboutir à un sens collectif ?
Il s’agit plus largement de comprendre l’enjeu que représente la capacité des équipes à faire sens ensemble dans le cadre ‘une organisation sous forme projet, un mode de management qui a actuellement le vent en poupe. LBoltanski et E. Chiapello parlent même d’une « cité de projet », qu’ils définissent comme « l’occasion et le prétexte de la connexion, celui-ci rassemble des personnes très disparates Ml, qui se caractérise par une durée déterminée. Ainsi, ce travail s’articule donc autour de la problématique suivante : Comment les équipes projet parviennent-elles à créer collectivement du sens ?
Dans une première partie, il s’agira de mettre en lumière les différentes approches théoriques autour du sens. Il conviendra, otamment et dans un premier temps, de revenir sur le concept de « sens Puis, l’analyse de l’œuvre de Weick donne un éclairage sur ce processus de création collective en sltuation. Enfin, nous nous pencherons sur les enjeux qui sous-tendent la capacité dune équipe projet à faire sens ensemble pour ensuite étudier les outils, les éléments facilitant la construction de sens.
La seconde partie est plus spécifiquement dédiée à Panalyse de l’étude de terrain, c’est-à-dire au seconde partie est plus spécifiquement dédiée à l’analyse de l’étude de terrain, c’est-à-dire aux projets culturels en ?tablissement de santé, au prisme de la construction collective de sens. Notre étude concerne deux projets, fun mené au CHIJ de Nantes et [‘autre à la Clinique de Val Josselin, à la périphérie de Saint-Brieuc.
Dans cette partie, nous verrons le contexte historico-légal dans lequel s’inscrivent ces projets, puis, nous nous intéresserons plus particulièrement aux différentes interprétations qui coexistent sur ce type de projet, pour finalement voir comment le sens se co-construit, se négocie. 1 Le concept de création collective de sens et équpes projet • éléments théoriques Dans cette première partie, l’objectif est de donner les bases théoriques avec lesquelles nous avons appréhendé notre étude.
Afin de comprendre comment des acteurs arrivent à créer collectivement du sens en situation, il convient, dans un premier temps, d’analyser les différentes dimensions de celle-ci. Après en avoir donné une définition, il s’agira d’étudier les enjeux associés à la création collective de sens au regard des caractéristiques propres au management de projet. Puis, nous nous intéresserons aux outils proposés par la littérature pour favoriser ce processus e construction collective de sens. 1 . 1.
Analyse des différentes dimensions du sens Pour commencer, il parait essentiel de définir ce que l’on entend par sens. Le terme « sens » est un polysémique. Il se réfère à chacune des fonctions physiques, psychologiques et physiologiques par lesquelles Vorganisme reçoit des info des fonctions physiques, psychologiques et physiologiques par lesquelles l’organisme reçoit des informations de l’extérieur, le « sens » serait alors la faculté à percevoir des éléments, des slgnaux extérieurs5. ar allleurs, « Falre preuve de bon sens » st une expression qui a trait à la capacité de juger correctement une situation. Mais, le terme « sens » désigne également la signification c’est-à-dire l’ensemble des idées que représente un signe ou un symbole. Pour finir, le « sens » fait également référence à la direction, à Forientation d’une activité. Il paraît, donc, intéressant d’analyser les différentes dimensions du concept de sens pour ensuite en donner une définition plus précise du concept tel que nous l’entendrons dans le cadre de notre étude.
Nous verrons, successivement, le sens comme irection de l’action, puis, le sens comme interprétation de l’environnement. a. Le sens comme but visé de l’action Le « sens » peut s’entendre comme l’orientation d’une action, c’est-à-dire, la finalité que l’acteur donne à celle-ci. Weber, sociologue allemand, considère le sens comme une clé dentrée afin de comprendre les phénomènes sociaux. L’auteur classe les actions humaines en « types idéaux » auxquelles correspondent des « sens visés » plus ou moins rationnels, plus ou mons affectifs.
Il définit le sens comme suit : « La notion de « sens » veut dire ici ou bien (a) le sens visé ubjectivement en réalité, a) par un agent dans un cas historiquement donné, 9) en moyenne ou approximativement par des agents dans une masse donnée de cas, ou (b) ce même sens visé subjectivement d approximativement par des agents dans une masse donnée de cas, ou (b) ce même sens visé subjectivement dans un pur type construit conceptuellement par l’agent ou les agents conçus comme des types » 6(Weber, 1922) Dans cette perspective, le sens est entendu comme une fin donnée à l’action.
Anscombe précise cette définition en considérant que le sens visé est « la représentation d’un résultat ui devient la cause d’une action»7 (Anscombe, 2002), c’est-à-dire que le sens devient un motif à l’action dans la perspective d’un résultat attendu. L’idée d’intentionnalité est donc sous-jacente selon l’auteur. Cette dimension intentionnelle du sens nous parait importante dans l’étude des équipes projets car il s’agit de déterminer comment les indlvidus envisagent leur partlcpation, les objectifs qu’ils donnent à leurs actions dans le cadre du projet.
Selon Weber, la compréhension d’une action d’un acteur par un autre dépend de leur appartenance à un même groupe social: ? Cexistence de groupes sociaux au sein desquels les systèmes de normes et de valeurs sont partagés permet à certains individus du groupe social de décoder et comprendre de façon plus fine les intentions de l’acteur» (Weber, 1922)8 L’intercompréhension est, dans cette perspective, intimement liée au partage de normes et de valeurs entre les acteurs au sein dun même groupe social. our finir, Schütz considère la notion de sens au prisme d’une approche dite phénoménologique c’est- à-dire étudiant l’expérience d’un individu à un moment T donné. L’auteur donne une autre dimension au sens en tant que but visé e l’action, donné.
L’auteur donne une autre dimension au sens en tant que but visé de l’action, qui, selon lui, se construit dans la relation entre la cause de l’action c’est-à-dire les motifs « parce que » et la finalité donnée à celle-ci c’ est-à-dire les motifs « vue de Les motifs « parce que » sont intrinsèquement liés aux expériences passées de l’individu et ne sont appréhendés par celui-ci uniquement de façon rétrospective : « Le passage à l’acte résulte d’une causalité cognitive établie entre la projection de l’acteur dans le futur et les éléments du présent t du passé qui déterminent en partie son action » (Schütz, 2007) Le sens se construit donc dans la relation entre ces deux types de motifs dans lequel l’expérience passée des individus joue un rôle.
Dans fanalyse de Schutz, le sens de l’action d’un individu peut être compris par autrui grâce à la mobilisation dun contexte de significations. Ici encore, cela signifie que pour comprendre l’action d’autrui, c’est-à-dire, pour avoir une possible intersubjectivité, l’appartenance à un groupe social est essentielle. Ce qui nous intéresse dans le cadre de ce mémoire ‘est de déterminer comment des individus appartenant à des groupes sociaux différents arrivent tout de même à donner une signification plus ou moins partagée d’une même situation, comment deux situatlons de contextes de significations différentes parviennent à faire sens ensemble.
Cette seule dimension intentionnelle nous paraît insuffisante dans le cadre de notre analyse de la création collective de sens au sein des équipes projet. Ainsi, nous allons, à présent, de la création collective de sens au sein des équipes projet. Ainsi, nous allons, à présent, aborder le concept au prisme de l’analyse es sciences cognitives considérant le sens comme la signification donnée à une situation par un indlvidu. b. Le sens comme signification donnée à une situation La deuxième dimension du sens que nous avons pu dégager au cours de nos lectures est celle de la signification, une dimension empruntée aux sciences cognitives.
Le sens est, dans ces approches, considéré comme la représentation d’une situation, c’est-à-dire, « l’ensemble des éléments cognitifs (savoirs, opinions, croyances, idées) relatifs à un objet donné » (Codol, 1989)9. La cognition permet de mettre en lumière comment ne organisation ou un individu traite une information et le comportement qui découle de ce traitement. Dans ce processus, le langage joue un rôle central car les mots sont vecteurs du sens. Au niveau collectif, la notion de « représentation mentale partagée A ce stade, il parait intéressant d’étudier la notion de représentation sociale développée notamment par Moscovici et Jodelet.
Cette dernière définit la représentation sociale comme suit : « On entend par représentation sociale une forme de connaissance courante présentant les caractéristiques suivantes : lle est socialement élaborée et partagée car elle se constitue ? partir de nos expériences, mais aussi des informations, savoir, modèles de pensée que nous recevons et transmettons par la tradition, l’éducation et la communication sociale ; elle a une visée pratique d’organisation, de maitrise de l’environnement communication sociale , elle a une Visée pratique d’organisation, de maitrise de l’environnement et d’orientation des conduites et communicatlons ; elle concourt à ‘établissement d’une vision commune à un ensemble social ou culturel. » (Jodelet, 1993) IO La représentation sociale se construit donc collectivement au cours d’interactions et donne une grille de lecture de l’action et des comportements à adopter. Selon Abric et la théorie du noyau, les individus partageant un noyau de sens commun peuvent avoir des relations durablesl 1 Cependant, lors de la réalisation d’une activité commune, certalns éléments sont plus ou moins partagés.
En fonction des différents éléments qui sont partagés, des auteurs considèrent la création de situation de « cognition collective » c’est-à-dire comment les individus arrivent à «penser ensemble Ainsi, dans cette pproche, le « sens » est compris comme la signification donnée ? une situation, à l’environnement ou le langage et l’appartenance ? un groupe social joue un rôle important. Pour conclure sur cette brève analyse du concept de sens, dans le cadre de ce mémolre, le sens sera appréhendé en prenant compte des deux dimensions développées plus haut, c’est-à- dire, la dimension intentionnelle ou l’orientation donnée à faction et la dimension cognitive c’est-à-dire comment les individus se représente la situation.
Nous rejoignons donc Vidaillet qui considère le sens de l’action comme « la direction imprévisible t indéterminee, mais non aléatoire que prend le processus de dépl(o)iment mais aussi la signification que l’individu va lui donner » ( que prend le processus de dépl(o)iment , mais aussi la signification que Pindividu va lui donner » (Vidaillet, 2005)12 L’idée est de savoir comment deux ou plusieurs situations, ou individus issus de contextes socioprofessionnels différents arrivent ? faire sens ensemble, c’est-à-dire comment ils arrivent à définir ensemble les objectifs à donner au projet mais également ce qui se joue. A présent, il paraît intéressant, après avoir donné notre éfinition du sens, de se pencher sur l’étude du processus de construction collective de sens. 1. 2. La théorie du sensemaking de Weick et le processus de construction collective de sens Le « sens » en sociologie des organisations a beaucoup été traité au prisme de la théorie du « sensemaking » de K. Weick, issus de l’ouvrage du psychosociologue, The social psychology of organizing, de 1979. Rapidement dans sa carrière, Weick s’est intéressé au processus de création de sens au niveau individuel et au niveau collectif.
L’auteur questionne la manière dont des ndividus dans Pinteraction et au sein d’un groupe parviennent ? trouver des points d’accord pour la réallsation de l’action et sur l’action à mener en elle-même. L’approche de Weick nous semble intéressante dans le cadre de ce mémoire car, si elle ne donne pas de définition sur la nature du sens, elle propose un cadre d’analyse des processus de construction collective de sens dans les organisations. Pour commencer, nous reviendrons sur les différentes notions liées au sensemaking, pour ensuite, étudier de manière plus précise le processus de construction collective de sens. a. Les PAGF ID 01