Les fondements du droits international public

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NGUYEN QUOC DINH DROIT INTERNATIONAL PUBLICPatrick Daillier et Alain Pellet INTRODUCTION GENERALE Le concept de droit international 1. Droit international et société internationale Le droit international se définit comme le droit applicable à la société internationale. Cette formule qui, à quelques différences près dans les termes, se retrouve aujourd’hui sous la plume de tous les auteurs, est I or 10 constatation d’une é en Sni* to société international interne, ou encore ét Elle délimite, en mê e ne soit pas pure istence d’une ationale ou société pplication respectifs u doit international et du droit interne.

Elle confirme enfin la lien sociologque, donc nécessalre entre droit et société. Toute société a besoin du droit et tout droit est un produit social. Ubi societas, ibi jus est un adage qui est vérifié dans le temps et dans l’espace. A/ Définition formelle du droit internationale 2. Droit international et droit interétatique La dénomination « droit international » est aujourd’hui celle qui est le plus couramment employée pour désigner le droit de la société internatlonale.

Elle est la traduction de l’expression ? International Law » dont la paternité revient à Bentham qui l’utilisa dans son livre paru en 1870, An Introduction to the Principles of Moral and egislation, en opposition à « National autre anglais, le juriste Zouch, et que le Chancelier d’Aguesseau traduisit au début du siècle suivant en « Droit entre les nations Dans son projet de paix perpétuelle publié en 1795, Kant remplaça expressément « Nations »par « Etats restituant ainsi le sens anglo-saxon du mot « Nation « Droit international » doit être alors considéré comme réglant les relations entre Etats, u droit interétatique. Parallèlement, la société internationale régie par ce droit interétatique est, elle aussi une « société interétatique » ou encore « société des Etats». A l’heure actuelle, à la suite d’une évolution continue qui a conduit à une certaine reconnaissance internationale de l’individu puis à la création et à la multiplication des organisations internationales, la société internatlonale cesse d’être exclusivement interétatique. Toutefois, le terme droit international reste profondément ancré dans le vocabulaire juridique.

Dans ces conditions, et en rapport vec la transformation de la société internationale, il doit être compris comme un droit qui n’est plus exclusivement interétatique, même s’il le reste principalement en raison du rôle premier des Etats dans la vie internationale et de l’influence déterminante qu’exerce la notion de souveraineté, caractéristique essentielle de l’Etat, sur l’ensemble du droit international. 3. Droit international et droit des gens Jusqu’à la parution du livre de Bétham, une autre dénomination, celle de « droit des gens avait la faveur de la doctrine. Elle était la traduction littérale de l’expression jus gentium des Romains.

Si, depuis, elle s’éclipsa peu à peu devant l’expression «droit international elle ne disparut jamais entierement 10 s’éclipsa peu à peu devant l’expression «droit international D, elle ne disparut jamais entièrement du vocabulaire juridique et conserve toujours des adeptes. Sil y a eu une réelle compétition entre les termes « droit international » et « droit des gens », elle est aujourd’hui entierement réglée. Bien que le premier soit plus souvent employé, désormais, ils sont considérés unanimement comme des termes synonymes et interchangeables. Pour autant, ‘identité entre ces deux appellations n’est pas complète. Le terme « droit international » est proche de l’idée d’un droit entre les nations, tandis que « le droit des gens » évoque la perspective plus large d’un droit commun aux « gens » 4.

Droit international public et droit international privé C’est la traduction française parue en Suisse en 1802, de l’ouvrage précitée de Bétham que le qualificatif « public » fut ajouté au terme originaire de « droit international Plus tard, en 1843, l’expression « droit international privé » fut introduite en France, ar Foelix, auteur du premier Traité de droit international privé. La distinction entre droit international public et droit international privé, désormais classique, a pris naissance à cette date. Selon l’opinion générale, elle repose sur une différence d’objet Alors le droit international public règle les rapports entre Etats, le droit international privé règle les rapports entre particuliers et personnes morales privées.

Les premiers présentent un caractère public tandis que les seconds sont des rapports privés comportant un élément d’extranéité qui découle de la différence e nationalité entre les auteurs desdits rapports, soit, du lieu, situé hors du territoire national nationalité entre les auteurs desdits rapports, soit, du lieu, situé hors du territoire national, où ceux-ci se déroulent. Au coeur du droit international privé, les mécanismes de « conflits des lois » s’efforcent de permettre la détermination du droit applicable lorsque le recours à deux systèmes juridiques nationaux peut être envisagé pour régler un problème donné. Il arrive cependant que l’intervention d’un élément formel apporte un trouble à celle traditionnelle répartition des matières ntre deux droits.

En effet, toute règle élaborée par voie de convention entre Etats, c’est-à-dire par u procédé interétatique, est au point de vue formel une règle de droit international public. Or, que des questions qui, par nature, relèvent du droit international privé sont parfois réglées par une convention entre Etats. Dans ces cas, le droit international public exerce une véritable intrusion dans le domaine réservé au droit international privé. Selon la C. P. I. J. , « les règles de droit international privé font partie du droit interne », exception faite de l’hypothèse où elles seraient ? établies par des conventions internationales ou des coutumes et auraient alors le vrai caractère d’un droit régissant les rapports entre Etats » (Emprunts serbes, CPIJ, série A no 20-21, p. 1-42) par ailleurs, de plus en plus, des particuliers entretiennent avec des Etats étranger, des relations importantes, contractuelles ou non, dont le régime juridique en pleine évolution tend à se rapprocher d’un régime de droit public. En raison de ces interférences, on a reproché à la distinction entre droit international public et droit international privé d’être scientifiquement artificielle. George 0 public et droit international privé d’être scientifiquement artificielle. Georges Scelle l’a vigoureusement combattue. Pour lui, la société internationale est une et le droit international est un. Toute exclusion des individus de l’une ou de l’autre ne peut être qu’arbitraire. Il n’accepte qu’une subdivision en droit privé international et droit public international à la condition qu’elle se situe à l’intérieur d’un droit international unitaire.

Le préambule de la Constitution française de 1946 adopte cette terminologie en proclamant que la France se conforme au « droit public nternational En dépit de ces objections et initiatives, la distinction entre droit international public et droit international privé est définitivement adoptée par la science du droit. Elle n’a jamais cessé, en outre, de recevoir sa pleine consécration dans les programmes d’enseignement. Il faut noter seulement, en ce qui concerne les dénominations respectives,que le droit international privé doit être toujours accompagné du qualificatif qui l’identifie, tandis que lorsque l’expression « droit international » est employée sans qualificatif , c’est toujours, en rapport avec son origine anglaise, u droit international public qu’il s’agit.

Cet ouvrage est consacré au « droit international » c’est-à-dire au « droit international public » Cette distinction binaire ne rend cependant qu’incomplètement compte de l’encadrement juridique des relations internationales. Pour le faire de manière plus complète, Philip Jessup a lancé l’idée d’un « droit transnational » dans lequel, tout à la fois, le droit international public et le droit international privé trouvent leur place, mais s’étend au-delà et couvre PAGF s 0 place, mais s’étend au-delà et couvre également le droit Interne ? portée internationale et les relations juridiques directement nouées par les personnes privées entre elles ; il a appelé cet ensemble de normes à portée internationale, quelles que soient leurs origines, « droit transnational » (Transnational Law, Yale UP. , 1956, VIII. 1 15P. ) . ette expression est, aujourd’hui,plus couramment utiliser pour désigner les règles d’origine purement privée qu’appliquent les pouvoirs privés, principalement économiques(« entreprises transnationales ») dans leurs rapports inter se ; en ce sens elle est synonyme de la « lex mercatoria ont on peut soutenir qu’elle forme un tiers ordre juridique distinct et du drolt international public et des normes nationales (cf. B. Goldman, Frontières du droit et lex mercatoria », Archi Phil. cit. , 1964, p. 177 192 et la « lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalité et perspectives… ) B- droit international et relations internationales 5. Société internationale et communauté internationale Droit de la société internationale, le droit international est aussi présenté parfois comme le droit de la « communauté nternationale » ; mais alors que nul ne songe à répudier le concept de société internationale, celui de communauté internationale a été mis en question.

On a objecté que l’extrême hétérogénéité des Etats dispersés de par le monde set incompatible avec l’existence d’une communaute internationale considerée comme communauté universelle. Les différences de race, de culture, de civilisation séparent au lieu d’assembler les peuples. Aujo 6 0 race, de culture, de civilisation séparent au lieu d’assembler les peuples. Aujourd’hui autant qu’hier, les conflits idéologiques ou implement politiques entre Etats persistent comme facteurs de division. Le déséquilibre croissant des niveaux de développement élargit le fossé entre pays riches et pays pauvres. L’expression « Tiers Monde » est bien le témoignage de la cassure du monde.

Il existe, certes, entre tous les Etats des intérêts matériels communs qui proviennent des liens que la civilisation technique a forgés. Mais une communauté doit aussi s’établir sur une base spirituelle qui, en Pespèce, ferait défaut. Un lien communautaire ne pourrait naître que des rapports entre des Etats présentant es analogies assez profondes pour favoriser l’éclosion de cet élément subjectif nécessaire. Quant à la communauté universelle des Etats, elle resterait une pure utopie. Cette objection repose essentiellement sur la distinction faite par une théorie sociologique allemande entre « communauté » (Gemeinschaft) et « société » (Geselschaft).

Le lien « communautaire » serait fondé sur le sentiment (parenté, voisinage ou amitié) tandis que le second proviendrait seulement des nécessités de l’échange, c’est-à-dire des intérêts. La vie en communauté développerait des relations confiantes et intimes, lors qu’un état de tension caractérlserait fondamentalement la vie en société basée uniquement sur l’intérêt. A l’échelon universel, le concept de société internationale serait ainsi concevable et non celui de communauté internationale. En vérité, les différences entre les peuples n’excluent pas cet élément subjectif nécessaire qui provient de la volonté des Etats de vivre en commun en dépit 7 0 de vivre en commun en dépit de ce qui les sépare.

D’autres convictions communes la renforcent encore : l’identité générale des conceptions morales, le sentiment général de justice, ‘aspiration générale à la paix, l’interdépendance économique, la nécessité universellement reconnue de la lutte contre le sous développement. La solidarité des peuples au plan mondial peut être faible. Mais il ne faut pas confondre l’existence de la communauté internationale (ou de la société internationale) avec le degré de cohésion. Aussi bien, à quelque niveau que ce soit, les expression « communauté internationale » et « société internationale » sont employées aujourd’hui concurremment.

Il est vrai que l’expression « communauté internationale » met davantage ‘accent sur la solidarité internationale dont on prend de plus en plus conscience et qui ne cesse de progresser dans les faits. C’est, à vrai dire, de la tension entre ces aspirations confuses ? la communauté internationale et la tendance des Etats à affirmer leur souveraineté, que naît le droit international dont l’objet est, précisément, d’organiser leur nécessaire interdépendance tout en préservant leur indépendance. Le droit international, garantie de la coexistence des Etats, apparaît ainsi comme le point d’équilibre, à un moment donné, entre ces deux mouvements antinomiques. 6. Unité et diversité Pas plus que la société internationale, le droit international n’est homogène.

II est fait de la juxtaposition de règles générales et de règles particulières, dont la combinaison est parfois malaisée. 1 OCommunauté internationale et droit international général. La noti 0 est parfois malaisée. La notion de norme « générale » est ambiguë. Elle présente plusieurs sens (voir notamment p. Reuter, « prlncipes de droit international public R. C. A. D. l. ? 1961-11, vol. 103, p. 471). Il convient de retenir sa signification la plus opératoire en se plaçant au point de vue de la géographie. Compris de cette manière, le droit international général est celui qui est applicable à la communauté internationale universelle.

Pour de nombreux juristes, la notion de communauté internationale sous-entend la communauté juridique fondée sur le fait que tous les Etats sont soumis à un même droit. Cette conception « universelle » du droit international est pleinement confirmée par le droit positif. Des conventions internationales importantes comme celle relative au Statut de la Cour Internationale de Justice reconnaissent l’existence des règles écrites et coutumières générales. Quant à la jurisprudence internationale, elle fait appel constamment au « droit international commun » ou au « droit international général P, termes qui ne peuvent viser que le droit international universel.

L’article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités reconnait l’existence des normes impératives du droit international général comme normes acceptées par la communauté internationale des Etats dans son ensemble. 20 Coexistence des règles générales et de normes particulières. Ce même droit international positif reconnait aussi rexistence de ègles particulières, propres à certains Etats ou à certains groupes d’Etats. Certains estiment que ce droit international particulier peut être l’œuvre d’un se PAGF 10 groupes d’Etats. Certains estiment que ce droit international particulier peut être l’œuvre d’un seul Etat.

Un tel droit particulier rassemblerait toutes les règles et pratiques suivies par les organes législatifs, juridictionnels et exécutifs d’un Etat en matière de relations internationales. Cependant, cette conception « nationale » du droit international ne cadre pas avec la nature réelle de ce droit ui doit provenir d’une pluralité d’Etats- Dès 1 896, Rivier l’avait rejetée dans ses Principes du droit des gens. Selon cet auteur, ce soi-disant droit international d’un seul Etat constitue simplement son propre « droit public externe celui qui s’applique à ses propres organes dans les relations extérieures, et qui peut d’ailleurs , en tant que tel, falre l’objet d’études distinctes (cf. E. Zoller, Droit des relations extérieures, P. U. F. , 1992, 368p. ).

En revanche, les relations entre les différents Etats entraînent inévitablement des solidarités particulières qui les conduisent ? adopter des règles particulières au plan bilatéral ou régional. Ces coopérations entre un nombre restreint d’Etats peuvent se traduire par la création d’organisations internationales. Cette distinction entre règles générales (ou universelle) d’une part et des règles bilatérales ou réglonales dautre part n’entraîne pas, par elle-même, de conséquence particulière en ce qui concerne la hiérarchie des unes et des autres : il peut se faire qu’une norme générale se voie reconnaître une primauté par rapport à une règle particulière, mais l’inverse peut également se produire.