Le sport : un facteur d’intégration ou d’exclusion sociale ?

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Elles contribuent souvent au développement de communautés diverses dans le monde. Cette image positive du sport se reflète dans la définition retenue par le Conseil de l’Europe (2001) : « On entend par « sport » toutes formes d’activités physiques qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique et psychique, le développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétition de tous niveaux « 1.

Dans son Livre blanc sur le sport, l’Union Européenne (UE) rappelle que le sport énère des valeurs essentielles, telles que la solidarité et la tolérance. De plus, il encourage le développement ainsi que l’épanouissement personnels et stimule l’activité citoyenne. Toutefois, de nombreux bémols subsistent et mettent à mal l’image idéale décrite cidessus. Dans la deuxième partie de cet article, nous reviendrons sur les obstacles qui entravent les mécanismes d’intégration par le sport.

Dans sa pratique quotidienne, il fait en effet face de nombreux actes de racisme et d’homophobie, ainsi qu’à une violence endémique l’intérieur et autour des stades. Mais la menace la plus sérieuse se trouve dans l’essence même du sport, dans son pouvoir d’exclure les individus de la pratique. Ainsi, il creuse les différences entre les groupes sociaux. En outre, de nombreuses barrières d’ordre plus structurel (moyens financiers, infrastructures, temps, etc. nuisent au rayonnement du sport au sein de toutes les couches Cest cette balance sociale que nous nous proposons d’analyser dans ce texte. Intégration sociale des groupes discriminés : les vertus du sport De manière générale, la pratique du sport est actuellement encouragée, voire quasivénérée. Les valeurs qu’elle véhicule et les supposés bienfaits qui en découlent expliquent un tel engouement.

Au-delà de l’apport au plan individuel, nous pouvons ici affirmer que le sport joue un rôle sociétal Important, notamment en ce qui concerne les questions de santé publique, mais aussi en raison de sa dimension éducative et de son aspect récréatif (le « défouloir Si des réserves peuvent être émises sur le rapport forcément bénéfique entre sport et santé, les cas de blessures liées au sport étant fréquentes, la relation sport-intégration se doit d’être encore plus nuancée.

Cependant, il existe de réelles opportunités d’inclusion sociale par le biais du sport. De nombreuses études ont en effet révélé l’impact positif du sport sur les mécanismes d’intégration2. Nous pouvons notamment relever les apports suivants : – Une amélioration de la qualité de vie – une amélioration de la productivité au travail 2 COMMISSION EUROPEENNE, Livre blanc sur le sport, 11. 07. 2007 COLLINS Michael E, KAY Tess, Sport and Social Exclusion, London, Routledge, 2003, pp. 7-29 22 Patrick Mignon, c’est ce « processus continu par lequel une société transcende les différences entre es populations vivant sur son territoire. Elle désigne les formes de participation à la société globale par l’activité professionnelle, l’apprentissage des normes de consommation matérielle, l’adoption des comportements familiaux et culturels »3. Si l’on y ajoute la dimension sportive, il devient possible d’affirmer que le sport peut gommer certaines différences intra-sociétales.

Cintégration se ferait alors par la participation globale des athlètes en tous genres à leur(s) discipline(s) sportive(s) de prédilection, contribuant ainsi à lever des barrières propres à leur communauté d’appartenance. Cette conviction semble assez répandue et ce sentiment prévaut parmi les responsables politiques, au sein des organisations non gouvernementales (ONG) et de la population même.

En effet, la relation naturelle entre sport et intégration se banalise, elle devient un constat rendu presque « nécessaire » pour ses défenseurs dans le cadre de sociétés métissées ou multiculturelles. Pour ne donner qu’un exemple, la stratégie nationale pour le sport écossais pour la période 2003-2007 prétend que « la participation sportive peut améliorer la qualité de vie des individus et des communautés, romouvoir Pinclusion sociale, améliorer la santé, lutter contre les comportements anti-sociaux, accroître la confiance et l’estime de soi, et élargir les horizons »4.

Nous ajouterons ici que la pratique du sport, qu’elle soit individuelle ou collective, favorise la découverte de soi de ar le contact avec les coéquipiers ou les advers 4 2 collective dans un cadre normé, d’une véritable instance de socialisation dans laquelle chacun jouit, subit et découvre en même temps la distribution des rôles sociaux. Le sport initie également aux valeurs de justice et d’égalité, conjuguées l’esprit du fair-play. Ce dernier rend possible l’acception de la défaite, le respect de l’adversaire. II pousse à la maîtrise de soi. Dans cette optique, le sport joue un rôle sociétal majeur.

Ses vertus permettent une intégration plus facile des populations vivant en retrait de la société. Les politiques d’inclusion sociale par le sport Les gouvernements et les instances supranationales du système politique européen ont décidé de faire du sport une priorité dans le domaine de l’intégration. Selon eux, il est nécessaire de préserver les racines culturelles des peuples tout en développant un sentiment citoyen européen. De ce fait, les questions d’inclusion et de cohésion sociale sont devenues des priorités à Pagenda des politiques publiques à l’intérieur de l’UE.

Elles se basent sur les concepts de « citoyenneté active » et de « capital social La citoyenneté active se définit comme toute forme de contribution active à la société. Dans ce contexte, la participation d’un athlète dans un club, une association, une ONG voire une fédération peut être considérée comme de la citoyenneté active. Il en va de même pour les actions bénévoles ainsi que l’investissement dans une structure de formation ou de relève portive. Quant au capital 4 s 2 social, il se rapporte aux relations sociales afférentes à un acteur.

I s’agit des ressources potentielles ou réelles liées à la possession d’un réseau social par un individu. pour le politologue américain Robert D. Putnam, une communauté riche en capital social doit répondre aux critères suivants : réseaux communautaires solides, appuyés par l’infrastructure nécessaire ainsi qu’un engagement étendu dans l’organisation de la vie communautaire ; un sens aigu de l’identité, de la solidarité et de l’égalité au plan local ; de hauts niveaux de onfiance interpersonnelle et un soutien réciproque dans la majorité des situations5.

Plusieurs programmes gouvernementaux ont donc choisi d’accorder une priorité toute particulière au pouvoir intégrateur du sport. Nous passons ici en revue les exemples finlandais, allemand et suisse. Dans le cas de la Finlande, les autorités ont opté pour un programme conjoint avec les secteurs de l’éducation et de la culture, qui a pour but d’intégrer plus facilement les personnes immigrées. L’objectif ultime est de permettre à ces populations de jouir des mêmes possibilités que les autres résidents en ermes d’accès aux activités sportives6.

Le gouvernement finlandais espère ainsi renforcer l’inclusion des immigrants en élargissant leur réseau de relations sociales. De nombreuses dispositions ont été prises à cet égard. Il s’agit notamment d’améliorer les structures et d’insister sur leur accessibilité auprès des immigrants ; d’attribuer une art du budget aux adultes et enfants d’origine étrangèr 6 2 dans la réforme structurelle du Conseil national du sport.

Avec un budget annuel de 5 millions d’euros, l’Office fédéral allemand pour la migration et les réfugiés soutient fortement les programmes ‘intégration des Immigrants par le biais du sport, du théâtre, de la musique et de la danse. Aux yeux des responsables allemands, il paraît nécessaire pour les jeunes immigrés de s’initier à la pratique sportive dans le cadre d’un club local. Cela leur permet de tisser des liens entre les différentes cultures, de construire une confiance mutuelle et de renforcer leur sentiment d’appartenance.

Le programme « Intégration par le sport » vise donc à rassembler les individus dans un esprit de fair-play, à réduire les actes de violence et à favoriser les interactions sociales. Ce programme fait l’objet d’une expertise par l’Université de Potsdam et semble donner entière satisfaction7. Dans le cas suisse, on mise avant tout sur la promotion de la tolérance et du respect mutuel par le sport. De plus, avec un taux de population étrangère atteignant les 20%, la question de l’intégration des immigrants s’impose tout naturellement.

Le programme suisse en la matière préconise une pratique sportive régulière et l’inscription dans des clubs, car des incidences positives sur la vie sociale, l’apprentissage de la langue, la réussite scolaire ou la formation, et même l’intégration professionnelle en découlent. Il fait également part de deux constats qui rendent l’encouragement du sport et de l’intégration incontournables : d’une part, il existe une sous-représentation des migrants au sein des fédérations sportives ; d’autre art un nombre très faible d’ét , ent des positions bénévoles dans les clubs et associations8.

Plus généralement de nombreux gouvernements, entourés par leurs partenaires sociaux et par les membres de la société civile, ont insisté sur la nécessité de rendre le sport accessible tous. Après tout, le baron Pierre de Coubertin lui-même n’avait-il pas affirmé que « le sport PUTNAM Robert. D. , Bowling Alone: he collapse and Revival of American Community. New York: Simon & Schuster, 2000 6 OPETIJS. JA KULTTUURRIMINISTERIÔ, programme for integrating immgrants through sports, 28. 04. 2010 7 BUNDESAMT FUR MIGRATION UND FLUCHTLINGE, Integration durch sport, 18. 01. 011 8 OFFICE FEDERAL DU SPORT, Le potentiel intégrateur du sport, 31. 08. 2010 fait partie du patrimoine de tout homme et de toute femme et [que] rien ne pourra Jamais compenser son absence » ? Cette orientation politique du « sport pour tous » marque donc bien l’envie de la part des acteurs concernés par cette roblématique de renforcer le capital social des individus au sein de leur communauté. L’approche bottom-up (faite avant tout de projets à l’échelle régional . • t priviléeiée, car elle de l’emploi et de revitaliser la croissance économique dans des zones défavorisées.

Au-delà des seules populations immigrées, la Commission soutient les Etats membres dans la mise en place d’installations accessibles aux sportifs handicapés, ainsi que la représentation de ces sportifs au sein des plus hautes instances décisionnelles. Elle se penche enfin sur les questions de genre, s’engageant à rendre les activités sportives plus ccessibles aux femmes provenant de minorités ethniques, à favoriser la présence des femmes dans les corps dirigeants du sport et la médiatisation des compétitions féminines.

Cette démarche s’inscrit dans la Feuille de route pour l’égalité entre femmes et hommes 2006-201 09. Cimportance du sport dans les sociétés contemporaines La professionalisation récente du sport, liée aux innovations dans le domaine de la communication et de Finformation, a engendré une médiatisation sans précédent. Le cocktail qui mêle performance, ferveur populaire et publicité pénètre chaque jour un peu plus les ociétés contemporaines. La télévision fait la part belle aux événements sportifs, tandis que des milliards d’internautes débattent du dernier match de leur équipe fétiche sur la toile.

Ce phénomène de masse se développe continuellement et ne semble pas près de s’éteindre. Par ailleurs, le sport permet aux jeunes défavorisés de trouver une reconnaissance pour leur réussite. Il peut en effet agir comme un ascenseur social fabuleux, au même titre que la musique. Dans le cas d’une carrière professionnelle, le sociologue William Gasparini parle de « promotion sociale de su En réalité, une telle riori « négatif » des populations immigrées, étant considérées comme mons riches économiquement et culturellement.

Le sport de haut niveau, fortement valorisé au sein de l’ensemble de la population, devient ainsi un espace de reconnaissance et constitue un extraordinaire tremplin. La médiatisation dont jouit le sport professionnel contribue mettre en avant les performances d’athlètes provenant de milieux défavorisés. Nous assistons donc à la naissance de véritables stars, parfois hissées au rang de héros/héroïnes. Ces vedettes sont autant de modèles pour les jeunes en mal d’espoirs et confrontés à un uotidien difficile. Elles leur permettent de s’évader mais également de susciter des vocations.