JEAN DE LA BRUYERE Les Caracteres Atramenta

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Les Caractères Jean de LA BRUYÈRE Oeuvre du domaine public. En lecture libre sur Atramenta. net 2 LES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE ors87 Les citations profane es pathétique, les antithèses, les fig feront place à une si mouvements qui inspirent la conversion. 5 (VIII) mauvais portraits finiront, et ngile, jointe aux Cet homme que je souhaitais impatiemment, et que je ne daignais pas espérer de notre siècle, est enfin venu. Les courtisans, à force de goût et de connaître les bienséances, lui ont applaudi ; ils ont, chose incroyable ! bandonné la chapelle du Roi, pour venir entendre avec e peuple la parole de Dieu annoncée par cet homme apostolique. La ville n’a pas été de l’avis de la cour : où il a prêché, les paroissiens ont déserté, jusqu’aux marguilliers ont disparu ; les pasteurs ont tenu ferme, mais les ouailles se sont dispersées, et des transitions ingénieuses, quelquefois même si vives et si aiguës qu’elles pouvaient passer pour épigrammes : ils les ont adoucies, je l’avoue, et ce ne sont plus que des madrigaux.

Discours sur Théophraste Ils ont toujours, d’une nécessité indispensable et géométrique, trois sujets admirables de vos attentions : ils prouveront une telle hose dans la première partie de leur discours, cette autre dans la seconde partie, et cette autre encore dans la troisième.

Ainsi vous serez convalncu d’abord d’une certaine vérité, et c’est leur premier point ; d’une autre vérité, et c’est leur second point ; et puis d’une troisième vérité, et c’est leur troisième point : de sorte que la première réflexion vous instruira d’un principe des plus fondamentaux de votre religion ; la seconde, d’un autre principe ne l’est pas moins ; et la dernière réflexion, d’un troisième et dernier prlncipe, le plus important de tous, qui est rems pourtant, faute oisir, à une autre fois. Enfin, pour reprendre et abréger cette division et former un plan… ?? Encore, dites-vous, et quelles préparations pour un discours de trois quarts d’heure qui leur reste à faire ! Plus ils cherchent à le digérer et à l’éclaircir, plus ils m’embrouillent. —Je vous crois sans peine, et c’est l’effet le plus naturel de tout cet amas d’idées qui reviennent à la même, dont ils chargent sans pitié la mémoire de leurs auditeurs. Il semble, à les voir s’opiniâtrer à cet usage, que la grâce de la conversion soit attachée à ces éno Il semble, à les voir dopiniâtrer à cet usage, que la râce de la conversion soit attachée à ces énormes partitions.

Comment néanmoins serait-on converti par de tels apôtres, si l’on peut qu’à peine les entendre articuler, les suivre et ne les pas perdre de vue ? Je leur demanderais volontiers qu’au milieu de leur course impétueuse, ils voulussent plusieurs fois reprendre haleine, souffler un peu, et laisser souffler leurs auditeurs. Vains discours, paroles perdues ! 4 Le temps des homélies n’est plus ; les Basiles, les Chrysostomes ne le ramèneraient pas ; on passerait en d’autres diocèses pour être hors de la portée de leur voix et de leurs familières instructions.

Le commun des hommes aime les phrases et les périodes, admire qu’il n’entend pas, se suppose instruit, content de décider entre premier et un second point, ou entre le dernier sermon et le pénultième. Il y a moins d’un siècle qu’un livre français était un certain nombre de pages latines, où l’on découvrait quelques lignes ou quelques mots en notre langue. Les passages, les traits et les citations n’en étaient pas demeurés là : Ovide et Catulle achevaient de décider des marlages et des testaments, et venaient avec les Pandectes au secours de la veuve et des pupilles.

Le sacré et le profane ne se uittaient nsemble iusque dans la oint ; ils s’étaient glissés rille, Horace, saint Lucrèce, parlaient alternativement ; les poètes étaient de l’avis de saint Augustin et de tous les Pères ; on parlait latin, et longtemps, devant des femmes et des marguilliers ; on a parlé grec. Il fallait savoir prodigieusement pour prêcher SI mal. Autre temps, autre usage : le texte est encore latin, tout le discours est français, et dun beau français ; l’Évangile même n’est pas cité.

Il faut savoir aujourd’hui très peu de chose pour bien prêcher. L’on a enfin banni la scolastique de toutes les chaires des grandes illes, et on l’a reléguée dans les bourgs et dans les villages pour l’instruction et pour le salut du laboureur ou du vigneron. C’est avoir de l’esprit que de plaire au peuple dans un sermon par un style fleuri, une morale enjouée, des figures réitérées, des traits brillants et de vives descriptions ; mais ce n’est point en avoir assez.

Un meilleur esprit néglige ces ornements étrangers, indignes de sewir à l’Évangile : il prêche simplement, fortement, chrétiennement. L’orateur fait de si belles images de certains désordres, y fait entrer des circonstances si délicates, met tant d’esprit, de tour et affinement dans celui qui pèche, que si je n’ai pas de pente ? vouloir ressembler à ses portraits, j’ai besoin du moins que quelque apôtre, avec un style plus chrétien, me dégoûte des vices dont l’on m’avait fait une peinture si agréable. 0 (IV) Un beau sermon est un di qui est dans toutes ses sermon est un discours oratoire qui est dans toutes ses règles, purgé de tous ses défauts, conforme aux préceptes de l’éloquence humaine, et paré de tous les ornements de la rhétorique. Ceux qui entendent finement n’en perdent pas le moindre trait ni une seule pensée ; ils suivent sans peine rorateur dans toutes les ?numérations où il se promène, comme dans toutes les élévations où il se jette : ce n’est une énigme que pour le peuple. 11 (IV) Le solide et radmirable discours que celui qu’on vient d’entendre !

Les points de religion les plus essentiels, comme les plus pressants motifs de conversion, y ont été traités : quel grand effet n’a-t-il pas dû faire sur l’esprit et dans l’âme de tous les auditeurs I Les voilà rendus : ils en sont émus et touchés au point résoudre dans leur cœur, sur ce sermon de Théodore, qu »l est encore plus beau que le dernier qu’il a prêché. 12 (I) La morale douce et relâchée tombe avec celui qui la prêche ; elle n’a rien qui réveille et qui pique la curiosité d’un homme du monde, qui craint moins qu’on ne pense une doctrine sévère, et qui l’aime même dans celui qui fait son devoir en l’annonçant.

Il semble donc qu’il y ait dans l’Église comme deux états qui doivent la partager . celui de dire la vérité dans toute son étendue, sans égards, sans déguisement ; celui de l’écouter avidement, avec goût, avec 6 admiration, avec éloges, et de n’en faire cependant ni pis ni rnleux. 13 (IV) L’on peut faire ce reproche à l’héroi ue vertu des grands hommes, ni PIS ni mieux. L’on peut faire ce reproche à l’héroique vertu des grands qu’elle a corrompu l’éloquence, ou du moins amolli le style de la plupart des prédicateurs.

Au lieu de s’unir seulement avec les peuples pour bénir le Ciel de si rares présents qui en sont venus, ils ont entré en société avec les auteurs et les poètes ; et devenus comme eux panégyristes, ils ont enchéri sur les épitres dédicatoires, sur les stances et sur les prologues. Ils ont changé la parole sainte en un tissu de louanges, justes à la vérité, mais mal placées, intéressées, que personne n’exige d’eux, et qui ne conviennent point à leur caractère. On est heureux si ? l’occasion du héros qu’ils célèbrent jusque dans le sanctuaire, ils disent un mot de Dieu et du mystère qu’ils devaient prêcher.

II s’en est trouvé quelques-uns qui ayant assujetti le saint Évangile, qui doit être commun à tous, à la présence d’un seul audlteur, se sont vus déconcertés par des hasards qui le retenaient ailleurs, n’ont pu prononcer devant des chrétiens un discours chrétien qui n’était pas fait pour eux, et ont été suppléés par d’autres orateurs, qui n’ont temps que de louer Dieu dans un sermon précipité. 14 (l) Théodule a moins réussi que quelques-uns de ses auditeurs ne ‘appréhendaient : ils sont contents de lui et de son discours ; il a mieux fait à leur gré que de charmer l’esprit et les oreilles, qui est flatter leur jalousie. 5 (I) Le métier de la parole res chose à celui de la Le métier de la parole ressemble en une chose à celui de la guerre : il y a plus de risque qu’ailleurs, mais la fortune y est plus rapide. 16 (I) Si vous êtes d’une certaine qualité, et que vous ne vous sentiez point d’autre talent que celui de faire de froids discours, prêchez, 7 faites de froids discours : il n’y a rien de pire pour sa fortune que d’être entièrement ignoré.

Théodat a été payé de ses mauvaises phrases et de son ennuyeuse monotonie. 17 (I) L’on a eu de grands évêchés par un mérite de chaire qui présentement ne vaudrait pas à son homme une simple prébende. 18 (I) Le nom de ce panégyriste semble gémir sous le poids des titres dont il est accablé ; leur grand nombre remplit de vastes affiches sont distribuées dans les maisons, ou que l’on lit par les rues en caractères monstrueux, et qu’on ne peut non plus ignorer que la place publique.

Quand sur une si belle montre, l’on a seulement essayé du personnage, et qu’on l’a un peu écouté, l’on reconnait qu’il anque au dénombrement de ses qualités celle de mauvais prédicateur. 19 (VII) L’oisiveté des femmes, et l’habitude qu’ont les hommes de les courir partout où elles s’assemblent, donnent du nom à de froids orateurs, et soutiennent quelque temps ceux qui ont décline. 20 (VI) Devrait-il suffire d’avoir été and et uissant dans le monde pour être louable ou non, et, d utel et dans la chaire de la chaire de la vérité, loué et célébré à ses funérailles ?

N’y a-t-il point d’autre grandeur que celle qui vient de l’autorité et de la nalssance ? Pourquoi n’est-il pas établi de faire publiquement le panégyrique un homme qui a excellé pendant sa vie dans la bonté, dans l’équité, dans la douceur, dans la fidélité, dans la piété ? Ce qu’on appelle une oraison funèbre n’est aujourd’hui bien reçue du plus grand nombre des auditeurs, qu’à mesure qu’elle s’éloigne davantage du discours chrétien, ou si vous l’aimez mieux ainsi, qu’elle approche de plus près d’un éloge profane. 21 (I) L’orateur cherche par ses discours un évêché ; l’apôtre fait des conversions : il mérite de trouver ce que l’autre cherche. 22 (I) L’on voit des clercs revenir de quelques provinces où ils n’ont pas ait un long séjour, vains des conversions qu’ils ont trouvées toutes faites, comme de celles qu’ils n’ont pu faire, se comparer déjà aux Vincents et aux Xaviers, et se croire des hommes apostoliques • de si grands travaux et de si heureuses missions ne seraient pas à leur gré payés d’une abbaye. 3 (VII) Tel tout d’un coup, et sans y avoir pensé la veille, prend du papier, une plume, dit en soi-même : « Je vais faire un livre sans autre talent pour écrire que le besoin qu’il a de cinquante pistoles. Je lui crie inutilement : « Prenez une scie, Dioscore, sciez, ou bien tournez, u faites une jante de roue ; vous aurez votre salaire. » Il n’a point fait rapprentissaee de tou vous aurez votre salaire. » Il n’a point fait rapprentissage de tous ces métiers. « Copiez donc, transcrivez, soyez au plus correcteur d’imprimerie, n’écrivez pont. ? Il veut écrire et faire imprimer ; et parce qu’on n’envoie pas à l’imprimeur un cahier blanc, il le barbouille de ce lui plaît : Il écrirait volontiers que la Seine coule à Paris, qu’il y a sept jours dans la semaine, ou que le temps est à la pluie ; et comme ce discours n’est ni contre la religion ni contre FÉtat, et qu’il ne fera point ‘autre désordre dans le public que de lui gâter le goût et l’accoutumer aux choses fades et insipides, il passe à l’examen, il imprimé, et à la honte du siècle, comme pour l’humiliation des bons auteurs, réimprimé.

De même un homme dit en son cœur : « Je prêcherai et il prêche ; le voilà en chaire, sans autre talent ni vocation que le besoin d’un bénéfice. 24 (I) Un clerc mondain ou irréligieux, s’il monte en chaire, est déclamateur. Ily a au contraire des hommes saints, et dont le seul caractère est efficace pour la persuasion : ils paraissent, et tout un peuple qui es écouter est déjà ému et comme persuadé par leur présence ; discours qu’ils vont prononcer fera le reste. 25 (IV) L. de Meaux et le P. Bourdaloue me rappellent Démosthène et Cicéron.

Tous deux, maîtres dans l’éloquence de la chaire, ont eu destin des grands modèles : l’un a fait de mauvais censeurs, l’autre censeurs, l’autre de mauvais copistes. 26 (V) L’éloquence de la chaire, en ce qui y entre d’humain et du talent de l’orateur, est cachée, connue de peu de personnes et d’une difficile exécution . quel art en ce genre pour plaire en persuadant ! Il faut marcher par des chemins battus, dire ce qui a été dit, et ce ue l’on prévoit que vous allez dire. Les matières sont grandes, mais usées et triviales ; les principes sûrs, mais dont les auditeurs pénètrent les conclusions d’une seule vue.

Il y entre des sujets qui sont sublimes ; mais qui peut traiter le sublime ? Il y a des mystères que fon doit expliquer, et qui s’expliquent mieux par une leçon de l’école que par un discours oratoire. La morale même de la chaire, qui comprend une matière aussi vaste et aussi diversifiée que le sont les mœurs des hommes, roule sur les mêmes pivots, retrace les mêmes images, et se prescrit des bornes bien plus étroites que la atire : après l’invective commune contre les honneurs, les richesses et le plaisir, il ne reste plus à l’orateur qu’à courir à la fin de son discours et à congédier l’assemblée.

Si quelquefois on pleure, si est ému, après avoir fait attention au génie et au caractère de ceux qui font pleurer, peut-être conviendra-t-on que c’est la matière qui se prêche elle-même, et notre intérêt le plus capital qui se fait sentir ; que c’est mons une véritable éloquence que la ferme poltrine du missionnaire qui nous ébranle et qui cause en nous ces mouvements. Enfin le prédicateur n’est PAGF ID 87