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En 2009, la diffusion télévisée du film de Philippe Triboit Un village français est un grand succès populaire. Celui-ci témoigne de l’intérêt du public français pour la période de l’Occupation, dont la complexité est soulignée dans le scénario. Cette œuvre est révélatrice d’une mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France, c’est-à-dire de l’ensemble des souvenirs et des représentations communes que les Français partagent et ce souvenir est forcement subjectif et sélectif. ? ce titre, elle nourrit la réflexion historique sur une période dont l’historiographie est éjà abondante. C’est pourquoi nous nous poserons la question suivante comment, avec un regard d’historien, peut-on décrire l’évolution des mémoires de la jours ? pour y répondre, n fin des années 1970, depuis les années 19 S. wp ta page e, de 1945 à nos que, de 1945 à la fficielle puis, que, mise en cause ? mesure que des mémoires diverses s’affirment. De 1945 aux années 1970 : une memoire héroïque 1.
Une nécessité : reconstruire l’unité nationale En 1945, les Français sortent traumatisés de la Seconde Guerre mondiale la défaite militaire de mai-juin 1940 et l’armistice, la ollaboration menée par le régime de Vichy, les persécutions politiques et raciales, l’épuration ont divisé la nation. Dès la L S to page Libération, la priorité du général de Gaulle est de reconstruire l’unité nationale autour de sa personne en pansant ces blessures : il faut oublier au plus vite ce qui divise.
Pour lui, la République n’a jamais cessé d’exister : le régime de Vichy est « nul et non avenu 2. La construction d’une mémoire héroïque Les gaullistes imposent la mémoire d’une France unanimement résistante. C’est le mythe résistancialiste : la majorité de la opulation aurait combattu l’occupant allemand et le régime de Vichy dès le début du conflit, et aurait ainsi contribué à la libération du territoire.
Le 18 juin 1960 est inauguré le mémorial de la France combattante au mont Valérien, qui devient un lieu de mémoire national. Les communistes contribuent à la construction de cette mémoire en exagérant leur rôle dans les mouvements de Résistance : le Parti communiste français (PCF) se présente comme le « parti des 75 000 fusillés Guy Môquet, fils de député communiste et militant fusillé par les Allemands en octobre 1941, evient pour eux une figure canonique. 3.
Les « oubliés » de la mémoire officielle Les vaincus de la guerre sont oubliés par une mémoire qui valorise les héros de la France libre et de la Résistance : il s’agit des prisonniers de guerre, des travailleurs du STO, des « malgré- nous » alsaciens et lorrains, des déportés. Ainsi, la spécificité de la Shoah n’est pas reconnue, d’autant que les victimes peinent ? exprimer leurs souffrances. Après I 2 OF s Après les procès de Pétain et de Laval et l’épuration légale (1945), les lois de 1951 et 1953 permettent l’amnistie d’anciens collaborateurs (ex.
René Bousquet, ancien secrétaire d’État de la police de Vichy, amnistié en 1958). Il. Cémergence des mémoires de la Seconde Guerre mondiale (? partir des années 1970) 1. Un contexte favorable au réveil des mémoires La fin des années 1960 est marquée par le déclin du gaullisme (de Gaulle démissionne en 1969) et du communisme, l’arrivée ? l’âge adulte d’une génération n’ayant pas connu la guerre et l’essor d’un esprit contestataire (ex. : crise de mai 1968). Des œuvres cinématographiques portent un regard critique sur la période de l’occupation et remettent en cause le mythe ésistancialiste (ex. Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophüls, 1971 ; Lacombe Lucien de Louis Malle, 1974). Des travaux historiques pionniers contribuent également à un réexamen des faits (ex. : La France de Vichy de Robert Paxton, 1973) puis à l’étude des mémoires elles-mêmes (ex. : Le Syndrome de Vichy de Henry Rousso, 1987). 2. L’affirmation de la mémoire de la Shoah Le procès d’Eichmann (1961) et la guerre des Six Jours (1967) favorisent l’émergence d’une mémoire juive militante.
Ainsi, l’avocat Serge Klarsfeld, fils de déporté, s’appuyant sur la loi de 954 rendant imprescriptibles les crimes contre rhumanité, pourchasse de 3 OF s s’appuyant sur la loi de 1 964 rendant imprescriptibles les crimes contre Phumanité, pourchasse des collaborateurs ayant contribué à la Solution finale. Son combat aboutit notamment aux procès de Klaus Barbie (1987) et de Maurice Papon (1998). Des œuvres cinématographiques sensibilisent le grand public ? la Shoah (ex. : le téléfilm américain Holocaust diffusé en France en 1979, le film Shoah de Claude Lanzmann sorti en 1985).
Cependant, le développement des thèses négationnistes dans es années 1970 oblige les militants à ne pas baisser la garde : en 1981 , Georges Wellers, survivant d’Auschwitz, doit publier Les chambres à gaz ont existé. 3. L’État face aux mémoires En 1990, la loi Gayssot qualifie de délit la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité. En 1993, le président François Mitterrand décide de faire du 16 juillet, jour anniversaire de la rafle du Vel’ d’HiV, une journée nationale commémorative, sans toutefois reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs.
Le 16 juillet 1995, le président Jacques Chirac reconnaît fficiellement cette responsabilité, tout en rendant hommage aux Justes, c’est-à-dire aux Français qui ont sauvé des Juifs de l’extermination nazie. À partir de 2000, le dimanche le plus proche du 16 juillet devient une journée nationale à la mémoire des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France. En 2007, le président Nicola 4 OF S l’État français et d’hommage aux Justes de France.
En 2007, le président Nicolas Sarkozy décide de consacrer une journée nationale en l’honneur de Guy Môquet pour redonner toute sa place à la Résistance. Ce choix est vivement contesté par les enseignants et les historiens, qui dénoncent une instrumentalisation du personnage. On assiste ainsi à une inflation de lois mémorielles qui tendent à substituer le devoir de mémoire au devoir d’histoire. Cependant, les historiens actuels proposent une analyse plus nuancée de cette période durant laquelle la majorité des Français semble s’être accommodée de l’Occupation, en attendant des jours meilleurs.
Conclusion [Réponse à la problématique] Ainsi, les mémoires de la Seconde Guerre mondiale connaissent une évolution en deux temps : de 945 aux années 1960, sous la houlette du général de Gaulle, une mémoire héroi@ue, fondée sur le mythe résistancialiste, tend à s’imposer ; à partir des années 1970, en lien avec le déclin du gaullisme, cette mémoire est remise en cause, ce qui permet notamment l’émergence d’une mémoire spécifique à la Shoah. Ouverture] La mémoire de la Seconde Guerre mondiale semble aujourd’hui apaisée. Cependant, la persistance d’un discours négationniste nous rappelle que la vigilance reste toujours de mise face à ce que l’historien Pierre Vidal-Naquet appelait « les assassins de la mémoire S OF s