EDUCATION ARTISTIQUE

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Marcel RIOUX (1919-1992) sociologue, Université de Montréal (1969) « L’éducation artistique et la société post-industrielle » Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, Professeur sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jean-marie_tremblay@uqac. ca Dans le cadre de « Le Site web: http://classi es. or 19 une bibliothèque fon e .

Sni* to View sociologue une collection dével sociales » arie Tremblay, vec la Bibliothèque de l’Universit du Quebec Chicoutimi Site web: http://bibliotheque. uqac. ca/ Marcel Rioux, « L’éducation artistique et la société post- industrielle » (1969) Cette édition électronique a été réalisée Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de soins infirmiers retraitée de l’enseignement au Cégep de Chicoutimi à partir du texte de : Marcel Rioux, 2007 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, Canada.

Marcel RIOUX, « L’éducation artistique et la société post- Marcel Rioux sociologue (retraité de l’enseignement) de l’Université de Montréal « L’éducation artistique et la société post-industrielle » un article publié dans la revue Socialisme 69, Revue du socialisme international et québécois, no 19, octobre-décembre 1969, pp. 93-101. 4 L’éducation artistique et la société post-industrielle ». * Un article publié dans la revue Socialisme 69, Revue du socialisme Le 31 mars 1966, le Gouvernement du Québec chargeait une commission d’enquête 1 d’étudier « toutes lès questions relatives à l’enseignement des arts ». ? l’été 1968, la Commission remettait son rapport ; en avril 1969 blic. 2 Le premier volume considérations qui sous-tendent les recommandations du rapport. La création, par le gouvernement, de la Commission d’enquête l’enseignement des arts suit de près la publication d’un vaste rapport sur l’enseignement général du Québec. Les cinq volumes de ce Rapport, dit Rapport Parent, se sont échelonnés de 1962 à 1965. Cest sur lui que s’appuie la réforme de l’enseignement qui est maintenant Cet article paraît simultanément dans La Revue d’Esthétique de Paris.

Président, Marcel Rioux, Vice-président, Jean Ouellet, membres : Jean Deslauriers, Réal Gauthier, Fernand Ouellette et Andrée Paradis. Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts, 3 volumes. L’éditeur officiel du Québec. Québec 1969. cours de réalisation. Dès les débuts, notre Commission a accepté grandes lignes du Rapport Parent et a formulé des ecommandations adaptées aux nouvelles structures que le Ministère de « Éducation mises sur pied après la pu PAGF lg Rapport.

Notre relèvent du Ministère de l’Éducation et soient intégrés aux structures de ce Ministère et à l’enseignement général. Au Ministère des Affaires culturelles seraient’ dévolues des responsabilités dans le domaine de la promotion et la diffusion culturelles). La Commission Parent s’était donnée pour tâche de moderniser l’enseignement au Québec et a recommandé la mise sur pied de structures et de programmes ainsi que l’emploi de pédagogies qui fussent daptés à la société industrielle que le Québec était devenu.

La tâche était énorme puisque l’éducation était encore largement entre mains des Églises et d’institutions privées et que la philosophie sous-tendait l’enseignement s’inspirait de la théorie et de la pratique des sociétés préindustrielles. Au moment où le Rapport Parent était publié et était ms à exécution, la société québécoise, à cause des retombées technologiques et économiques que lui apporte son volsln américain, était en passe d’entrer dans la phase post-industrielle de son développement.

Il fallait donc que notre Commission s’interroge non seulement sur la place de l’enseignement des arts dans un système d’éducation adapté aux impératlfs de la société industrielle mais encore sur les fonctions de l’éducation dans le type de société auquel le Québec commence d’appartenir. La Commission Parent avait surtout dégagé de la société indus s suivants : rationalité, commande un système d’éducation dont l’une des tâches est de d’adapter à ces caractères généraux.

D’autre part, comme l’éducation « est un phénomène social 6 total qui met en cause la société elle-même et cela à tous ses paliers. e même que dans des volontés d’exister les plus latentes comme les plus manifestes ». 3 notre Commission s’est aussi interrogée sur la société globale du Québec, qui en plus de présenter des traits qui sont communs à plusieurs sociétés est aussi une entité bien individuée. Les systèmes d’éducation qui ont été mis sur pied dans les sociétés industrielles étaient eux-mêmes axés sur les impératlfs de ces sociétés.

Dès les débuts de ce type de société, « on assiste à la conjonction de trois grands phénomènes : accumulation des capitaux, accélération des inventions techniques et main-d’oeuvre rendue disponible par es pressions qu’exercent les deux premiers facteurs.  » L’objectif principal de la société industrielle, celui qui va influencer profondément toutes pratiques, c’est la production de biens et de richesses. Toute l’éducation familiale et scolaire, était ordonnée vers l’entrée des individus dans ce système de produ des populations était nation ».

Dans ce type de société – sociétés à classes sociales -c’est donc la classe dominante, la bourgeoisie, qui contribue le plus ? déterminer les fonctions des systèmes d’éducation et à imposer à l’ensemble de la société certaines de ses valeurs. Pendant longtemps, chaque classe sociale a conservé une bonne partie de sa culture première, c’est-à-dire selon la définition de Canguilhem, son propre « code de mise en ordre de l’expérience humaine ». La société globale, bien que dominée par la bourgeoisie, n’en conservait pas moins des sous-cultures importantes, particulièrement celles de la classe ouvrière et de la paysannerie.

Que s’est-il produit depuis les nombreuses décennies que dure la société industrielle ? Les processus cumulatifs (économie, science, technique) sur lesquels étaient fondées la visée et la pratique de la société ndustrielle ont pris tellement d’importance qu’ils ont érodé la culture première des classes sociales et renvoyé à la vie privée tous les processus non-cumulatifs (sensorialité, sensibilité, sensualité, spontanéité. art, A moins d’indications contraires, les phrases entre guillemets renvoient au texte du Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts.

Marcel Rioux, « L’éducation artisti ue et la société post- distance. L’organisation fournit elle-même des symboles qui lui servent de Justifications et de valorisations. Cest à elle-même que l’organisation tente de provoquer l’identification es employés. Cette culture que secrète l’organisation, ces valeurs et ces symboles apparaissent de plus en plus comme des sous- produits de la production des biens de consommation. Elle aide au bon fonctionnement de l’organisation. On sait, d’ailleurs, que l’organisation fabrique des besoins qui varient périodiquement selon les aléas du marché.

Daniel Bell écrit : « Bien que ces changements influencent au premier chef le style de vie, les manières, les moeurs, « habillement, le goût, les habitudes alimentaires et les façons de se divertir, tôt ou tard, ils affectent des aspects fondamentaux, la structure de l’autorité ans la famille, le rôle des enfants et des jeunes adultes et finalement, différents buts à atteindre dans la société globale ». Le développement toujours plus poussé à érodé les traditions – les cultures premeres — qui définissaient « les différents buts à atteindre dans la société globale ».

Dans les sociétés industrielles avancees ces buts sont de plus en plus déterminés par la finalité même des processus cumulatifs de la société : croissance économique et développement technologique. Les buts de la société industrielle avancée, son idéologie. sont Incorpores ans son système de prod . Les différents agents qu’il en sera davantage ainsi dans la société post-industrielle : le gros de la population, penset-il, aura une situation matérielle plutôt confortable mais n’aura virtuellement aucun but à son existence. D’une société se préoccupant essentiellement de réalisations (société industrielle), on passera ? une société (post-industrielle) de divertissement, avec un pléthore de spectacles pour spectateurs passifs (sports de masse, télévision) fournissant l’opium à des masses qui se verront de façon croissante dépourvues de tout objectif ». Devant ces constatations et d’autres qu’il serait trop long de résumer, la Commisslon croit que les systèmes d’éducation doivent plutôt 8 viser à former un homme normatif qu’un homme normal, c’est-à- dire un homme qui pourra créer et assumer des normes. A l’homme extéro-dirigé de nos sociétés industrielles avancées, devra succéder l’homme autonome qui saura fonder sa personnalité et sa conduite sur des valeurs qu’il saura créer et assumer ». « Si culture veut dire relations avec le monde extérieur, il est de toute nécessité d’équiper l’homme pour qu’il puisse vraiment entrer en relation avec le onde, non seulement, par l’entremise des mots, mais à travers tous ses sens, à travers tous les modes de connaissances ». Comment y parvenir ? Co tion artistique et nouveau code de mise en ordre de l’expérience humaine ?

Il s’agit de. passer de la culture humaniste, culture de l’élite dans société industrielle pour en arriver à une culture ouverte qui sera mieux adaptée à la société post-industrielle. Abraham Moles décrit ainsi la culture humaniste, issue de la pensée cartésienne : « pour faire un homme cultivé écrit-il. enseignons-lui quelques grands concepts, es concepts carrefours : principes de la géométrie, éléments du latin et de langues étrangères, grandes idées philosophiques ; il disposera d’un fil d’Ariane, d’une trajectoire, d’un mode d’emploi. ui lui permettront d’appréhender les événements, de les jauger, de les mesurer, de les coordonner dans son esprit par rapport aux autres, de leur trouver une place toute préparée dans l’ameublement de son cerveau ». Les Encyclopédistes firent le bilan de cette culture humaniste. Cette culture est périmée pour deux raisons : elle se fonde sur une fonction quantitative de la connaissance ; elle se réfère à une culture hilologique, où les objets à connaître sont donnés par les mots. Le milieu technique de l’homme a considérablement évolué depuis Descartes, et la culture humaniste n’est plus adaptée à ce milieu.

L’homme coupé de son passé, inquiet de son avenir « soums à la pression des désirs que l’on suscite en lui, cet homme pénètre dans le champ total des régimes d’images et de signes ; mais c’est un champ sémantique qui se déplace vers le pôle du signal. Le système binaire des ordinateurs est de plus assiste à la mort des symboles. Les signes eux-mêmes sont remplacés de plus en plus par des si- gnaux. Comment réinsérer des significations et des symboles dans une culture qui est devenue un sous-produit du système technique ?

Comment parvenir à resémantiser notre univers ? Comment arriver à faire participer le plus grand nombre à cette tâche ? Il a semblé à la Commission que l’éducation artistique détient l’une des clefs principales de la solution. Les arts doivent devenir dans la société post- industrielle l’une des disciplines de base du système d’éducation. Pourquoi et comment ? Pour saisir le sens de la fonction artistique chez l’homme, il faut retourner au commencement. Dès le commencement l’art est indissociable du langage et de la technique.

L’homme du commencement possède d’une certaine façon, la pensée ouverte par excellence, pensée qui se rétrécira graduellement par la mort des symboles pour aboutir à l’esprit expérimental de la science d’aujourd’hui. La question n’est pas de faire disparaitre slgnes et les slgnaux, mais la question est de permettre aux symboles d’apparaître et de vivre. Précisément parce que, par définition, le symbole est une ouverture, il nous semble que l’ensemble des fonctions artistiques ont pour tâche e symbole à la surface..