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L’OBJET DE L’ECONOMIE POLITIQUE 1. Introduction. e but de cet essai est d’exposer la nature et la signification de la Science économique. Sa première tâche est donc de délimiter l’objet de cette science de donner une définition pratique de ce qu’est l’Économie. Malheureusement, c’est loin d’être aussi simple que cela paraît.
Les efforts des économistes durant ces dernières cent cinquante années ont abouti à l’établissement d’un corps de généralisations dont l’exactitude et l’importance substantielles ne sont mises en doute que par les ignorants ou les gens qui ont l’esprit atteinte sur la questi e ces généralisation Les chapitres princip 9 p g nanimité n’a pas été de l’objet commun ues d’Économie politique détaillent, avec quelques variantes mineures, les principes essentiels de la science.
Mais les chapitres qui exposent l’objet du travail présentent encore de grandes divergences. Nous parlons tous des mêmes choses, mais nous ne nous sommes pas encore ms daccord sur ce dont nous parlons. Cette circonstance n’est en aucune façon inattendue ou déshonorante. Comme Stuart Mill l’a observé il y a cent ans, la définition d’une science a presque invariablement suivi, et non pas précédé, la création e la science elle-même. Comme le mur d’une ville, elle a été généralement érigée non comme un réceptacle pour les édifices qui pourraient s’y élever par la suite, mais pour circonscrire un ensemble déjà existant Certes, il s’en su Sv. ‘ipe to suit de la nature même d’une science que, tant qu’elle n’a pas atteint un certain degré de développement, une définition de son but est nécessairement impossible. Car l’unité d’une science ne se montre que dans l’unité des problèmes qu’elle est en mesure de résoudre, et on ne peut découvrir cette unité avant d’avoir ?tabli l’interrelation de ses principes d’exposition. économie moderne prend sa source dans diverses sphères distinctes de l’étude pratique et philosophique dans l’examen de la balance commerciale, dans les discussions sur la légitimité de la perception de l’intérêt. Ce n’est qu’à une époque récente qu’elle est devenue suffisamment unifiée pour qu’il fût possible de découvrir l’identité des problèmes sous-jacents à ces différentes études. A une époque antérieure, toute tentative de découvrir la nature finale de la science eût été nécessairement vouée au désastre. C’eût été perdre son temps que d’entreprendre un tel travail.
Mais une fois ce stade d’unification atteint, non seulement ce n’est pas une perte de temps que d’entreprendre une délimitation précise, mais c’est perdre du temps due de ne pas le faire. On ne peut poursuivre des études que si leur objectif est clairement indiqué. Ce n’est plus une réflexion nave qui indique les problèmes. Ils sont manifestés par des lacunes dans l’unité de la théorie, par des insuffisances dans ses principes d’exposition. Tant qu’on n’a pas saisi ce qu’est cette unité, on est exposé à s’engager sur de fausses pistes.
Il est peu douteux que l’un des plus grands dangers qui menacent l’économiste moderne soit la préoccupation de questions étrangères à son sujet – la multiplication des activités ne se rapportant que peu ou pas du to étrangères à son sujet – la multiplication des activités ne se rapportant que peu ou pas du tout à la solution des problèmes strictement rattachés à son sujet. De même, il est peu douteux que dans les centres d’études où les questions de cette espèce sont sur la voie d’un règlement définitif, la solution des problèmes théoriques fondamentaux avance très rapidement.
De plus, si nous voulons appliquer ces solutions dune façon féconde, si nous voulons comprendre correctement l’influence qu’exerce la science économique sur la pratique, il est essentiel que nous connaissions exactement les implications et les limitations des généralisations qu’elle établit. Cest donc la conscience légère que nous pouvons aborder ce qu paraît à première vue le problème extrêmement académique de la recherche d’une formule décrivant l’objet général de l’Économie politique. 2.
La définition matérialiste de l’économie. La définition de l’Économie qui réunirait probablement le plus adhérents, tout au moins dans les pays anglo-saxons, est celle qui ramène cette science à l’étude des causes du bien être matériel. Cet élément est commun aux définitions de Cannan et de Marshall, et même Pareto, dont la position est souvent si différente de celle des deux économistes anglais, lui donne la sanction de son usage. Il est également impliqué dans la définition de J. B. Clark.
Il semble à première vue, nous devons l’admettre, que cette définition décrive d’une façon générale l’objet que nous étudions. Dans le langage ordinaire il y a indubitablement un sens où le mot » économique » est ris comme équivalant à » matériel Il suffit de réfléchir à sa signification profane dans des expressions telles que » l’Histo matériel Il suffit de réfléchir à sa signification profane dans des expressions telles que » l’Histoire économique » ou ‘ un conflit entre l’intérêt économique et l’intérêt politique « , pour sentir l’extrême plausibilité de cette interprétation.
II y a sans doute des matières rejetées par cette définition qui entrent dans le cadre de l’Économie, mais on peut très bien les considérer, ? première vue, comme étant de l’ordre de ces cas marginaux qu’aucune définition ne saurait éviter. Mais l’épreuve finale de la validité de l’une quelconque de ces définitions n’est pas dans son harmonie apparente avec certains usages du langage quotidien, mais dans sa capacité de décrire exactement l’ultime objet des généralisations principales de la science.
Et lorsque nous soumettons la définition en question à cette épreuve, nous voyons qu’elle présente des lacunes qui, loin d’être marginales ou subsidiaires, dénotent une impuissance complète à montrer soit la portée, soit la signification des généralisations les plus fondamentales. Prenons l’une des divisions principales de l’Economie théorique, t voyons dans quelle mesure elle est recouverte par la définition que nous examinons. Nous admettons tous, par exemple, qu’une théorie du salaire soit partie intégrante d’un système quelconque d’analyse économique.
Pouvons-nous nous contenter de l’affirmation que les phénomènes dont s’occupe cette théorie sont suffisamment décrits si on les présente comme appartenant au côté le plus matériel du bien-être humain ? Le salaire, au sens strict du mot, est la somme gagnée par l’accomplissement d’un travail à un taux stipulé sous la surveillance d’un employeur. Dans le sens le moins étroit où l’on utilise 39 stipulé sous la surveillance d’un employeur. Dans le sens le moins étroit où l’on utilise souvent ce terme dans l’analyse économique générale, il désigne les revenus du travail autres que les bénéfices.
Or, il est parfaitement exact que certains salaires sont le prix dun travail qu’on peut décrire comme conduisant au bien-être matériel – le salaire d’un égoutier, par exemple. Mais il est également vrai que certains salaires, ceux des membres d’un orchestre par exemple, sont payés pour un travail qui n’a pas le moindre rapport avec le bien-être matériel. Cependant, ette dernière série de services, au même titre que la première, commande un prix et entre dans le circuit de l’échange. La théorie du salaire s’applique aussi bien pour expliquer la dernière série que pour expliquer la première.
Ses enseignements ne se limitent pas aux salaires qui sont payés pour un travail qui pourvoit au côté « plus matériel » du bien-être humain – quel que puisse être celui-ci. La situation n’est guère meilleure si nous passons du travail pour lequel les salaires sont payés aux objets pour lesquels on dépense les salaires. On pourrait soutenir que la théorie du salaire peut être résumée ans la définition précédente non parce que l’objet produit par le salarié conduit au bien-être matériel. ‘autrui, mais parce que l’objet qu’il acquiert conduit à son propre bien-être. Mais cela ne résiste pas un instant à un examen attentif. Le salarié peut acheter du pain avec ses gains. Mais il peut aussi louer une place au théâtre. une théorie du salaire qui ignorerait toutes ces sommes payées pour des services » immatériels » ou dépensées à des fins » immatérielles » serait inadmissible. Le cercle de l’échange se s OF immatériels » ou dépensées à des fins » immatérielles » serait nadmissible.
Le cercle de l’échange serait irrémédiablement brisé. Le processus entier de l’analyse générale ne pourrait jamais être employé. Il est impossible de concevoir des généralisations significatives dans un domaine aussi arbitrairement délimité. Il est peu probable qu’un économiste sérieux ait jamais tenté de délimiter de cette façon la théorie du salaire, quand bien même il aurait essayé de délimiter ainsi le corps de généralisations tout entier dont la théorie du salaire forme l’une des parties.
Mais on a certainement essayé de nier la possibilité d’appliquer ‘analyse économique à l’examen de la poursuite de fins autres que le bien-être matériel. Un économiste tel que le Professeur Cannan a soutenu que l’économie politique de guerre était » une contradiction dans les termes mêmes apparemment pour la raison que, l’Economie s’occupant des causes du bien-être matériel et la guerre n’étant pas une cause de ce bien-être, la guerre ne peut faire partie de l’objet de l’économie.
En tant que jugement moral sur des usages auxquels il faudrait appliquer la science abstraite, les remarques critiques du Professeur Cannan sont acceptables. Mais il est absolument évident – comme l’a montré d’ailleurs l’oeuvre même du Professeur Cannan – que, bien loin d’être inutiles à la conduite favorable d’une guerre moderne, les enseignements de l’Économie sont sans aucune espèce de doute indispensables à l’administration en temps de guerre.
Cest un curieux paradoxe que cette déclaration du Professeur Cannan soit située dans un ouvrage qui, plus qu’aucun autre publié dans notre langue, utilise l’appareil de l’analyse economiqu 6 9 plus qu’aucun autre publié dans notre langue, utilise l’appareil de l’analyse économique pour éclairer un grand nombre de roblèmes parmi les plus urgents et les plus complexes qu’ait à résoudre une communauté organisée pour la guerre.
Cette habitude des économistes anglais modernes de voir dans l’Économie l’étude des causes du bien-être matériel semble plus curieuse encore si nous pensons à l’unanimité avec laquelle ils ont adopté une définition non matérielle de la « productivité » Adam Smith, on s’en souvient, distinguait le travail productif et le travail improductif, selon que les efforts en question avaient ou non pour résultat la production d’un objet matériel tangible. Le ravail de quelques-unes des classes les plus respectables de la société, de même que celui des domestiques, ne produit aucune valeur ; il ne se fixe, ni ne se réalise sur aucun objet permanent ou aucune chose qui puisse se vendre, qui subsiste après la cessation du travail… Le souverain, par exemple, ainsi que tous les autres magistrats civils et militaires qui servent sous lui sont des travailleurs improductifs…
Quelques-unes des professions les plus graves et les plus importantes, quelques-unes des plus frivoles doivent être rangées dans cette même classe : les ecclésiastiques, les gens e loi, les médecins, les gens de lettres de toute espèce, ainsi que les comédiens, les bouffons, les musiciens, les chanteurs, les danseurs d’opéra, etc… . Les économistes modernes, le Professeur Cannan tout le premier, ont rejeté cette conception de la productivité comme insuffisante.
Tant qu’il est objet de la demande, que celle-ci s’exprime de façon privée ou collective, le travail des chanteurs et des danseur travail des chanteurs et des danseurs d’opéra doit être considéré comme » productif Mais productif de quoi ? Serait-ce de bien- être matériel parce qu’il réjouit l’homme d’affaires et libère de ouvelles réserves d’énergie pour organiser la production de la matière ?
C’est là dilettantisme et Wortspielerei. Il est productif parce qu’il est estimé, parce qu’il a une importance spécifique pour divers » sujets économiques La théorie moderne est si éloignée du point de vue d’Adam Smith et des Physiocrates qu’elle refuse le nom de travail productif même à la production d’objets matériels, si ces objets ne peuvent être estimés. En vérité, elle est allée plus loin encore.
Le Professeur Fisher, entre autres, a démontré de façon concluante, que le revenu d’un objet matériel devait être considéré en dernier essort comme une utilité » immatérielle De ma maison comme de mon valet ou des services du chanteur d’opéra, je tire un revenu qui » périt au moment de sa production ‘l. Mais, s’il en est ainsi, n’est-ce pas une erreur de continuer à décrire l’Économie comme l’étude des causes du bien-être matériel ? Les services du danseur d’opéra sont de la richesse.
L’Économie s’occupe autant de l’évaluation de ces services que de l’évaluation des services d’un cuisinier. Quel que soit l’objet de l’Économe, il ne concerne pas les causes du bien-être matériel en tant que tel. Les causes qui expliquent la persistance de cette éfinition sont surtout de caractère historique. C’est là le dernier vestige de l’influence physiocratique. Les économistes anglais ne s’intéressent généralement pas aux questions de buts et de méthodes. économistes anglais ne s’intéressent généralement pas aux questions de buts et de méthodes.
Neuf fois sur dix, quand on trouve cette définition, on peut dire qu’on l’a vraisemblablement tirée, sans même réfléchir, de quelque ouvrage antérieur. Mais, dans le cas du Professeur Cannan, le fait qu’elle a été retenue est dû à des causes plus positives ; il est instructif d’essayer de echercher les processus de raisonnement qui semblent l’avoir rendue plausible à un esprit aussi aigu et aussi pénétrant. La raison d’être de toute définition doit se trouver généralement clans l’usage qui en est réellement fait.
Le Professeur Cannan développe sa définition en étroite juxtaposition avec une discussion des » Conditions fondamentales de la Richesse pour l’homme isolé et pour la société et c’est en connexion avec cette discussion qu’il utilise effectivement sa conception de ce qui est et de ce qui n’est pas économique. Ce n’est pas par hasard, ourrait-on dire, que, lorsque l’on envisage l’analyse économique de ce point de vue, la définition » matérialiste », si nous pouvons l’appeler ainsi, a le maximum de plausibilité.
Cela vaut d’être justifié de façon détaillée. Le Professeur Cannan commence par contempler les activités d’un homme complètement isolé de la société. , et recherche les conditions qui vont déterminer sa richesse – c’est-à-dire son bien-être matériel. Dans de telles conditions, une division des activités en » économiques » et » non économiques » – les unes dirigées vers l’augmentation du bien-être matériel, les autres ers l’augmentation du bien-être non matériel – a une certaine plausibilité.
Si Robinson Crusoe arrache ses pommes de terre, il poursuit soit bien-être matériel poursuit soit bien-être matériel ou ‘ économique ‘l. Sil parle à son perroquet, ses activités sont de caractère « non économique Il y a là une difficulté sur laquelle nous devrons revenir plus tard, mais il est certain, prima face, que, présentée ainsi, la distinction n’est pas ridicule.
Mais supposons que Crusoe soit retrouvé, et que, rentrant chez lui, il monte sur la scène et parle à son perroquet pour gagner sa vie. Sûrement, dans ces conditions, es conversations auront un aspect économique. Que Crusoe dépense ses gains en pommes de terre ou en philosophie, le fait qu’il acquiert et dépense est susceptible d’être exposé dans les termes des catégories économiques fondamentales.
Le Professeur Cannan ne s’arrête pas un instant pour se demander si sa distinction est d’un grand secours dans l’analyse d’une économie d’échange – bien que ce soit là, à tout prendre, que les généralisations économiques aient la plus grande utilité pratique. Au contraire, il se met aussitôt à examiner les ‘ conditions fondamentales de la richesse » pour la société onsidérée comme un tout, sans se demander si celle-ci est organisée ou non sur la base de la propriété privée et de la liberté des échanges.
Et là encore sa définition devient plausible : une fois de plus, l’ensemble des activités sociales peut être rangé dans la double classification qu’il implique. Certaines activités sont consacrées à la poursuite du bien-être matériel : d’autres ne le sont pas. Cela fait penser, par exemple, à l’exécutif d’une société communiste, décidant de consacrer tant d’heures de travail à l’approvisionnement en pain, tant à l’approvisionnement 0 9