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CHAPLIN (Charlie) 1889-1977 Article écrit par Francis BORDAT Prise de vue Dès 1914, alors qu’il interprète et en majorité réalise ses trente- Clnq premiers films pour la compagnie Keystone de Mack Sennett, Charles Chaplin conquiert une célébrité que peu d’hommes ont connue de leur vivant. Le personnage de Charlot, qui apparait dans sa deuxième bande, Charlot est content de lui, prend en quelques mois stature de mythe. L’intelligentsia participe à cet engouement : Charlot est célébré par les plus grands artistes de so Picasso, de Claude D ss or 18 Eisenstein.

Lous Dell onographie jamais d’un siècle plus tard, ard Shaw à Pablo _ 9 la première près les milliers d’articles qui lui ont été consacr s dans toutes les langues n’ont toujours pas épuisé son sujet I-L’enfance londonienne Charles Spencer Chaplin est né à Londres le 16 avril 1889, de parents artistes de music-hall. Sa mère Hannah l’élève seule avec son demi-frère aîné Sydney tandis que son père sombre dans l’alcoolisme, fléau du music-hall londonien. L’absence de succès professionnel de la jeune femme et la maladie mentale qui la ronge plongent la famille dans le dénuement.

Quand elle est internée en 1896, Charles et Sydney sont confiés à l’orphelinat de Hanwell, dans la banlieue de Londres. Ils ne retrouveront leur mère que pour de brèves périodes et mèneront une vie d’errance et de pauvreté. angoisses affectives de cette petite enfance. Leur souvenir impregne l’œuvre, où le coin de rue « en T » des taudis londoniens constitue, de Charlot policeman (1917) aux Feux de la rampe (1952), un décor récurrent, tout comme le thème quasi obsessionnel de la faim, d’Une vie de chien (1918) aux Temps modernes (1936), en passant par La Ruée vers l’or (1925).

Les bonheurs du jeune garçon sont ceux du music-hall où il se produit dès son plus jeune âge. Il accompagne sa mère sur scène, et il obtient son premier succès ? cinq ans le jour où il la mime alors qu’elle est victlme d’une extinction de voix. À neuf ans, il est engagé dans la troupe des « Huit Gars du Lancashire » où il danse en sabots et imite des animaux. En 1905, il joue le rôle d’un groom dans une adaptation très populaire de Sherlock Holmes, avant de s’illustrer, l’année suivante, dans deux sketchs burlesques, Repairs, une histoire d’apprentis maladroits, et Casey’s Court Circus, une arodie de mélodrame criminel.

Cest toutefois une autre troupe, la compagnie Fred Karno des « Comédiens muets qui lui donne la chance de sa vie en 1906. Non seulement il y peaufine l’art de la pantomime, mais c’est là qu’il s’initie à la construction et au rythme des gags. C’est également avec la compagnie Karno qu’il effectue sa première visite aux États-Unis en 1910. Dans A Night in an English Music-HaIl, il joue avec grand succès le rôle d’un gentleman éméché, qu’il reprendra dans plusieurs films.

Quand, deux ans plus tard, il accompagne la troupe pour une econde tournée américaine, il est remarqué par Mack Sennett, qui vient de fonder la compagnie Keystone, où brillent déjà I 18 américaine, il est remarqué par Mack Sennett, qui vient de fonder la compagnie Keystone, où brillent déjà les premières stars du burlesque américain : Ford Sterllng, Mabel Normand, Roscoe « Fatty » Arbuckle, Mack Swain. Il-Les débuts au cinéma Charlot va s’inventer et s’épanouir dans les trente-cinq films tournés en 1914.

Chaplin le décrit comme « un ensemble de contrastes « Vous comprenez, expliquait-il, ce personnage a plusieurs facettes : c’est en ême temps un vagabond, un gentleman, un poète, un rêveur, un type esseulé, toujours épris de romanesque et d’aventure. Il voudrait faire croire qu’il est un savant, un musicien, un duc, un joueur de polo. Mais il ne dédaigne pas de ramasser des mégots ni de chiper son sucre d’orge à un bébé.

Et bien sûr, si l’occasion se présente, il flanquera volontiers un coup de pied dans le derrière d’une dame… » Le jeune acteur est encore mal à l’aise dans les premiers titres de la série, réalisés par Henry Lehrman, George Nichols ou Mabel Normand selon les règles immuables du lapstick sennettien : stéréotypie du jeu et de la prise de vues, accélération systématique des gestes, de la cadence et du montage, préférence accordée aux aspects les plus mécaniques et les plus grossiers du burlesque.

II modifie sensiblement cette écriture quand Sennett lui confie, à partir du onzième film de la série, Charlot et le chronomètre, la responsabilité de la mise À la fin de ce premier contrat, Charlie Chaplin est engagé par la compagnie Essanay. Le succès commercial de sa première contribution, Charlot débute (1915), qu’il tourne dans les studios de Chica o, onvainc ses pr PAGF 18 Charlot débute (191 5), qu’il tourne dans les studios de Chicago, convainc ses producteurs de lui confier la réalisation de treize autres films.

Il y travaille d’abord à Niles, près de San Franclsco (où il rencontre sa première vraie partenaire, Edna Purviance, compagne de tous ses films jusqu’en 1923), puis dans divers studios des environs de Los Angeles. Loin de ses producteurs, Chaplin doit pourtant constater qu’il n’est pas à l’abri de leurs manipulations. Sa parodie en deux bobines du Carmen de Cecil B. DeMille (Charlot joue Carmen, 1916) est ainsi transformée ans son accord en long-métrage grâce aux chutes récupérées dans la salle de montage et à quelques séquences d’appoint filmées par Ben Turpin.

Ill-La conquête de l’indépendance Le comédien avait été engagé par Sennett pour cent cinquante dollars par semaine. Deux ans plus tard, il signe avec la Mutual un contrat qui multiplie par dix ce salaire et met à sa disposition le studio « Lone Star » de Hollywood. Cest là qu’il réalise, entre 1916 et 1917, de Charlot chef de rayon à Charlot s’évade, douze films qu’on peut considérer, pour la verve du personnage t le dynamisme de la mise en scène, comme un premier sommet de l’œuvre. L’année suivante, la compagnie First National lui offre un million de dollars pour réaliser huit courts-métrages.

Il construit alors son propre studio au carrefour de Sunset Boulevard et de La Brea Avenue. Il y tournera la totalité de ses films jusqu’à son départ pour l’Angleterre en 1952. Mais Chaplin n’a pas encore conquis tous les moyens de son Indépendance. En 1921 ses bailleurs de fonds, malgré les bénéfices énormes réalisés avec Charl 8 son indépendance. En 1921 , ses bailleurs de onds, malgré les bénéfices énormes réalisés avec Charlot soldat (1 918), cherchent à profiter du scandale causé par son premier dlvorce pour négocier à la baisse le prix du Gosse (1921).

Lorsqu’ils menacent de saisir le négatif, le cinéaste doit s’enfuir à Salt Lake City pour achever le montage de son film. Cest seulement à l’expiration de son contrat First National en 1923 (avec Le Pèlerin, une satire mordante des hypocrites et des bigots), et grâce à la création en 1919, de sa compagnie de distribution United Artists (avec Mary Pickford, Douglas Fairbanks et David Wark Griffith), u’il pourra en toute liberté écrire, produire, réaliser, monter, et composer la musique de ses films.

Dans la série de longs-métrages qui commence alors (la série « United Artists 9), il faut distinguer les chefs-d’œuvre du muet (L’Opinion publique, 1923 ; La Ruée vers l’or, 1926 ; Le Cirque, 1928), les films qui marquent le passage au parlant (Les Lumières de la ville, 1931 ; Les Temps modernes, 1936) et les trois monuments de l’après-Charlot (Le Dictateur, 1940 ; Monsieur Verdoux, 1947, et les Feux de la rampe, 1952). Les Temps modernes, de Charlie Chaplin, 1936, affiche Cette affiche américaine de Modern Times est d’une grande simplicité graphique.

Elle joue sur les variations typographiques (Charlie/Chaplin) et sur le contraste d’échelle entre le masque burlesque de l’acteur-réalisateur avec sa célèbre moue cadrée en gros plan et une scène du film représentée en vignette sur fond de cheminée d’usine. La belle sauvageonne est assoupie, … (AKG) Le Dictateur, de Charlie Cha lin Charlie Chaplin et PAGF s 8 d’usine. La belle Le Dictateur, de Charlie Chaplin Charlie Chaplin et Jack Oakie dans The Great Dictator (Le Dictateur, Artists Corporation/

Collection privée) Seules l’immense popularité de Charlot et l’énorme fortune amassée grâce à elle ont permis à Chaplin de contrôler toutes les étapes de la création cinématographique et de devenir ainsi un auteur à part entière, prlvilège rarissime à Hollywood. A contrario, malgré le caractère très personnel de leur sujet, les deux derniers films du cinéaste, un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1 966), réalisés en Angleterre et loin de Hollywood, marquent un déclin sensible de cette maitrise. IV-L’évolution du personnage et des scénarios

Dès qu’il dirige lui-même ses films, Chaplin donne à son personnage une dimension sentimentale qui le distingue des marionnettes, grotesques ou poétiques, mais dénuées d’épaisseur, de l’école sennettienne. Entre le Charlot de la Keystone (1914) et celui de la First National (1918-1923), l’évolution est continue. Sans jamais renoncer à l’anarchie exubérante de ses « petits gestes » et à une débauche d’énergie qui ne s’embarrasse d’aucune convenance, Charlot perd de son agressivité et de sa lubricité originelles au profit d’une galanterie aussi généreuse que mal récompensée.

Après la sortie d’Une vie de chien (1918) et surtout du Gosse (1921 une partie de la critique, en France notamment (Soupault, Desnos), regrette sa dérive vers le « sentimentalisme » et le athos des amours non partagées, qui atteignent leur paroxy qui atteignent leur paroxysme avec La Ruée vers l’or (1925). L’évolution de Charlot n’est pas dissociable de la complexification des scénarios. Les courts-métrages de la Keystone pouvaient se contenter des trames élémentaires où puisaient les premiers burlesques : bagarres, poursuites et quiproquos.

Mais quand le cinéaste veut accéder ? a dramaturgie plus ample du moyen et du long-métrage, il se tourne vers le genre narratif dominant du cinéma muet, le mélodrame, d’abord par le biais de la parodie (Charlot peintre, 1914), puis par une association originale du comique et du pathétique, où se mêlent le rire et les larmes. Pivot de l’œuvre, Charlot musicien (1916) emprunte à David Wark Griffith le thème des enfants enlevés. Mais la veine parodique s’estompe au profit d’une imbrication de l’émotion et de la dérision.

Sur des synopsis voisins, Une vie de chien, Le Gosse, Le Cirque et Les Lumières de la ville eprennent et développent cette conception de la comédie. Selon Adolphe Nysenholc, le comique chaplinien peut alors se deflnir comme un « traglque escamoté V-Chaplin cinéaste Il demeure aujourd’hui encore un paradoxe de la critique chaplinienne. Celui que les critiques unanimes célèbrent comme un des plus grands créateurs de l’histoire du cinema est aussi un des moins reconnus en tant que réalisateur proprement dit.

Plusieurs ouvrages publiés depuis la fin des années 1980 ont remis en questlon ce préjugé, que Chaplin, il est vrai, a contribué ? renforcer : non seulement la virtuosité du omédien détourne notre attention de l’écriture du réalisateur, mais le cinéaste s’est toujours moqué dans ses entretiens des ang 7 8 l’écriture du réalisateur, mais le cinéaste s’est toujours moqué dans ses entretiens des angles bizarres et des mouvements d’appareil compliqués.

En ce sens, il adhère pleinement à l’esthétique du cinéma classique hollywoodien, qui prône un style discret, « transparent », et requiert avant tout « cette franchise, cette loyauté sur le corps de l’acteur qui est le secret de la mise en scène » (Michel Mourlet).

Tout ce que l’on connait aujourd’hui des éthodes de travail de Chaplin – notamment grâce à la biographie de David Robinson et au documentaire de Kevin Brownlow et David Gill sur Chaplin inconnu — et tout ce que révèlent les analyses détaillées de ses films – en France, parmi d’autres, celles de Michel Chion ou de Francis Bordat – témoigne d’un souci maniaque de la forme qui excède largement la seule préoccupation de la qualité de l’interprétation.

L’étude de la scénographie, des mouvements d’appareil, du découpage-montage et de la photographie de ses quatre-vingts films, loin de faire apparaître une soumission aux conventions ollywoodiennes, révèle elle aussi le goût de la recherche et le défi des habitudes. Les problèmes posés par le passage au parlant fournissent un bon exemple de cette exigence.

Le Dictateur (1940), premier film entièrement parlant de Chaplin, sort plus de dix ans après l’arrivée des talkies. Mais on aurait tort d’y voir une simple preuve de résistance à la nouveauté. Certes, Chaplin redoutait l’inadaptation de son personnage au parlant. Il savait trop combien le génie de Charlot était lié à l’art de la pantomime. Il renonce donc à tout dialogue dans Les Lumières de la ville (1931), dont la bande 8