architecture d’ancienne medina tetouan

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 » PORTRAIT ARCHITECTURAL ET URBAIN  »  » TÉTOUAN PORTRAIT DE LA BLANCHE COLOMBE Said Mouline Architecte, sociologue, linguiste www. MAROCPLURIEL. COM or 16 Sni* to View Rabat, avril 2004 « MÉDINA DE TÉTOUAN Spécificités architecturales et urbaines’ pour l’histoire de Tétouan, et du Maroc, est la guerre hispano-mauresque déclarée en octobre 1859. Tétouan en supporta le poids prlncpal, l’armée espagnole y entra en février 1860 et ne l’évacua qu’en mai 1862, une fois que le Maroc se fût acquitté d’une indemnité de guerre considérable.

Au début du XXème siècle, les spagnols vont de nouveau occuper Tétouan et en faire, à partir de 1912, la capitale de leur protectorat, jusqu’en 1956. Cet article a été publié dans l’ouvrage « Tetouan, Capitale méditerranéenne », réalisé sous la Direction du Pr. Mhammad Benaboud dans les cadre des « Publications de l’Association Tétouan Asmir » en juin 2004. C’est plus particulièrement au cours de cette dernière période que nous allons essayer d’identifier et de présenter quelles étaient les principales spécificités architecturales et urbaines de la cité.

Dans cette perspective, ous laissons tout d’abord aux voyageurs et chercheurs du début du siècle dernier le soin de décrire la ville telle qu’ils la percevaient. Il] LA MÉDINA ‘LABYRINTHE’ Les descriptions du paysage urbain mettent toutes en valeur la beauté du site, celle de l’écrin admirable qu’il offre à la cité, celle de tout l’ensemble urbain, composé en gradins à flanc de montagne et qui se présente tel un tableau éb . ) la ville se montre de accrochée aux flancs rouge brun bariolés de cramoisi du Djebel Dersa, dominée par ses sommets de couleur sombre, d’un gris violacé. (l) Vue de la mer, sur son socle de pierre qul parait presque horizontal de loin, avec ses toits plats, Tétouan, semble être un camp dressé au pied de la montagne, mais quand on s’en approche, les minarets qui tour à tour se dressent et se séparent de la masse de ses maisons, dominés par celui de grande mosquée, la citadelle qui couronne un épaulement de la montagne, bien au-dessus des maisons, font promptement reconnaître l’erreur et présentent la ville sous son jour véritable.

De ce côté, à trois ou quatre kilomètres, elle offre au-dessus d’une mer moutonnante d’orangers, de itronniers, de figuiers, de grenadiers et de toutes sortes d’arbres fruitiers, un charmant aspect. (2) Telle est Tétouan, « cette perle du Maroc, cette odalisque mollement couchée dans son lit de fleurs et de feuillages » . 3) Mais au charme de l’aspect extérieur succède, bien souvent, la surprise, l’embarras du promeneur, voire le désarroi du visiteur face ? l’organisation urbaine de la médina : « L’enchevêtrement des rues est une surprise pour quiconque arrive à Tétouan ; il faut assez longtemps pour s’y reconnaître, aucune de ces grandes artères qui, dans toutes les villes odernes, sont un aide si précieux our l’étranger et lui permettent de se PAGF facilement. Budgett Meakin déclare qu’on ne trouve guère dans tout le Maroc de labyrinthe aussi inextricable que celui qui aboutit quartier des fabricants de pantoufles.

Mais si c’est un embarras pour le promeneur, c’en est un bien plus grand encore pour celui qui se propose de décrire la ville ». (4) 2 Cet embarras ou ce désarroi trouvent leurs raisons d’être dans ordre urbain qui ne se prête pas aux modes de lecture des visiteurs et descripteurs : « L’embarras s’accroit encore de ce qu’elle n’est pas, roprement parler, divisée en quartiers, au moins dans le sens que ce mot a pour des Européens, qui envisagent de sorte une partie d’une cité ayant quelques traits de caractère communs.

On parle bien, il est vrai, de telle ou telle houmma — mot correspondant tant bien que mal ici au mot français quartier – mais il est à peu près impossible de leur assigner quelque chose de ressemblant à une limite, de dire où commence l’une, où l’autre finit, en quoi consiste celle-ci ou celle-là. Il n’est même pas toujours facile de dire quel en est le caractère général dominant.  » (5) En fait, les « descriptions architecturales » qui présentent généralement les villes arabo-musulmanes comme des univers urbains « sans art et sans courante et ne se rencontrent pas, loin s’en faut, que dans cette description de Tétouan.

D’une manière générale et pour de nombreux descripteurs, « partout la ville musulmane souffre d’un manque atroce d’unité, c’est un agrégat d’éléments qui n’ont rien à voir ensemble, qui auraient été disposés, les uns à côté des autres, sans aucun lien réel ». (6) Une telle conception expliquerait le désarroi du visiteur étranger qui ne peut que se erdre « dans une sorte de labyrinthe embrouillé, anguleux, dans des ruelles qul transforment souvent en impasses auxquelles aboutissent, ? travers des voûtes plus sombres, des passages en tunnels ». 7) Visiteur désorienté, dans un univers, d’autant plus illisible pour lui qu’il ne retrouve pas, comme ici ? Tétouan, ses points de repère « de grands axes avec des façades rectilignes qui orientent la perspective ». (8) Il est évident que de telles lectures portent en elles la trace de références à des pratiques, à des usages et à une configuration de l’espace uxquels l’on ne peut ramener les principes d’organisation propres à un grand nombre de cités en pays d’Islam.

En fait, ce type de lecture traduit bien plus les systèmes de références du descripteur que l’univers urbain qu’il prétend décrire. D’où les comparaisons fréquentes des villes musulmanes aux villes grecques et romaines o osant la régularité de ces dernières ? PAGF s OF l’irrégularité de la médina. roti les comparaisons des maisons arabes aux maisons grecques à péristyle, ou des villes arabes aux villes europeennes médiévales. (9)

Et la situation particulière de la médina de Tétouan, sa position aux flancs de Jbel Darsa, son développement sur un terrain accidenté et sur plusieurs terrasses successlves ne pouvaient manquer de désorienter encore plus visiteurs, promeneurs et descripteurs. Ill. / ORGANISA ION URBAINE DE LA Cl É Bâtie sur les premières pentes du Jbel Darsa et sur la terrasse qui adosse, la médina présente deux parties différenciées, l’une construite sur un terrain très déclive, l’autre qui s’étale largement sur un terrain ? peu près plat.

Cette seconde partie est en fait constituée d’une série de errasses secondaires étagées, orientées du sud-ouest au nord-est qui composent des seuils rocheux qui sillonnent l’étendue de la ville. Comme toutes les médinas d’Afrique du Nord et centres historiques des villes arabes, celle de Tétouan est subdivisée en quartiers de tailles, de fonctions, de statuts et de caractéristiques différenciés : ed- Debbaghîn, etTrankat, en-Neyyarîn, el-Mtâmar, el Qasba, et-Tala’, el-‘Ayoûn (connu au XVIIème sous le nom de quartier des Andalous) etc. de même que des abritait, d’autre part, un ancien mellah situé au quartier des el Mtâmar, entre Jama’ el Kbïr t Bâb ejiâf. Le nouveau mellah, édifié sur un terrain plat, couvre environ deux hectares, s’étend du Feddân aux approches de Bâb en-Nouâdeur et se caractérise, comme ceux de Rabat et Salé notamment, par un tracé régulier qui contraste avec le réseau de circulation du reste de la cité. Dans ce dernier, fon note des pavages de gros cailloux et une rigole centrale dans les voies de clrculation.

Voies tantôt coupées par des arcs-boutants qui vont d’un bord à l’autre, tantôt abritées par des voûtes longues et obscures contribuent au calme, au charme et à la spécificité de la médina e Tétouan. Datant de l’ancienne fortification andalouse du XVIème siècle, l’enceinte de Tétouan se développe sur un périmètre total d’environ cinq kilomètres. Elle est flanquée de tourelles et de bastions disposés de façon irrégulière. une qasba, construite sur le bord d’un épaulement de Jhel Darsa, s’élève à l’angle nord-est et domine la ville d’une quarantaine de mètres.

Trois autres batteries fortifiées marquaient par ailleurs d’autres angles de l’enceinte. Au début du nème siècle, six portes donnaient accès ? la ville parmi lesquelles Bâb el-Oqla était la plus fréquentée. Rayonnant autour de Ja occupe une position ? zaouïas, sanctuaires et fontaines, attestent, par leur nombre et leur fréquentation, la réputation de ville pieuse qui caractérlse Tétouan. La silhouette de la médina est d’ailleurs marquée par de hauts minarets, de proportions harmonieuses, recouverts de mosaïques aux couleurs les plus vives qui contrastent avec la blancheur des autres édifices.

Trois cimetières – musulman, israélite et chrétien prolongent la médina, à l’est et à l’ouest en zone extra-muros. Il n’y avait à Tétouan qu’une seule place d’importance, El Feddân, que es espagnols surnommaient Place d’Espagne. C’est une place de grandes dimensions, occupant près d’un hectare, située à l’ouest de la cité encadrée, sur un périmètre de près de quatre cents mètres, par des bâtiments d’une grande diversité d’aspect et d’usage (méchouar, mosquees et zaouïas, échoppes adossées au mellah, façades simples ou de style andalou avec grilles, balcons à galeries, etc. . Cest sur cette place, au début du siècle, que se tenaient encore les marchés, qu’avaient lieu les réjouissances populaires et les réceptions impériales et que se formaient, en in d’après-midi, des cercles de spectateurs autour de troubadours et de différentes attractions. Ainsi au plan urbain, la trame de la médina s’ordonne à partir de la grande-mosquée et d’une place excentrée, El Feddân, qui allait constituer la la ville coloniale. Ainsi définie comme trait d’union entre le centre historique et la ville nouvelle, cette place a fait l’objet d’aménagements particuliers.

Jardinets, kiosques et fontaines, bancs et pavages décorés ont permis, grâce à une conception simple et ingénieuse, de conserver à la place son heureuse harmonie dans un cadre de ndalou rapidement approprié par les tétouanais qui ont en fait, durant des générations, un espace communautaire majeur. Cependant, des aménagements récents ont eu pour conséquence, il y a près d’une dizaine d’années, de substituer à Yambiance humanisée de cette place un ordre géométrique minéralisé.

Dans l’ensemble toutefois et depuis le début du XXème siècle, la ville n’a pas beaucoup souffert dans son organisation urbaine en comparaison aux autres médlnas du Maroc ou du Maghreb. Cela tient ? différents facteurs dont, notamment, la taille et la population de la cité pré-coloniale 1 0), le made d’articulation avec la ville coloniale à partir de la Place El- Feddân qui a servi de rotule de liaison entre les deux entités (11). A cela s’ajoute le fait que bien qu’abandonnée par sa population d’origine aisée, cela s’est fait dans une proportion bien moindre que dans les autres médinas marocaines et maghrébines.

Comme à R 1 2), de erandes familles d’entretenir avec soin leurs grandes demeures. Il est Indéniable que cet état de conservation a contribué au classement de la médina sur la Liste des biens culturels du patrimoine mondial établie par l’Unesco (13). IV. LA DEMEURE ET L’ESPRIT TÉTOUANAIS Au premier abord et d’une manière générale, la demeure tétouanie présente les principales caractéristiques des demeures anciennes autres médinas du Maroc.

En effet, ici comme dans les autres centres urbains historiques, notamment Fès, Rabat, Salé, etc. , l’on retrouve les mêmes grands principes d’organisation urbaine de l’habitat domestique et le même thème architectural de configuration de la demeure. C’est ainsi que les secteurs à destination résidentielle sont situés à l’écart des grands axes de parcours et des espaces réservés aux échanges, au ommerce et à la production artisanale.

Dans les quartiers résidentiels, les unités d’habitation en mitoyenneté s’agglomèrent en îlots compacts, percés de courtes impasses et de voies de circulation semi-privées, sauvent ponctuées d’arcades ou de sabât – plus fréquentes à Tétouan donnant accès à des petits ensembles enclavés de parcelles contiguës. Au plan architectural, l’unité de résidence forme un enclos. L’ensemble résidentiel, de grandes ou petites dimensions, s’organise autour d’un espace central, au sens d’espace majeur, dominant ou plus 16