Analyse d’une pièce de Granouillet
Ma mère qui chantait sur un phare publié le 25 janvier 2013 – NO 206 Ma mère qui chantait sur un phare court derrière une femme nue, qui part à la dérive sur la mer, debout, chantant son désespoir à la cime d’un phare chancelant. A ses pieds, les hommes du village, curieux, railleurs et pleins de désir. Tentant de la sauver, ses deux enfants, Marzeille et Perpignan, dont on suit tout du long les trépidantes péripéties.
Trois chiots à la main, qu’ils ont renoncé à noyer, de grenouille morte en Algeco broyé, en passant par un dogue allemand saigné, ces deux frères, que trois ans séparent, accompliront de atastrophe en catastrophe le chemin qui fait sortir de l’enfance Ripe next page vers un âge adulte d longtemps dissimulé Rancillac monte un t se sont rencontrés a initiatique teinté de r s de famille trop que François – les deux artistes nne — et ce conte e prend le pli audacieux d’un théâtre d’action à moitié jouée, à moitié racontée.
La fable déploie un univers de forêts, d’étangs, de bords de mer et de maisons mystérieuses, avec ses elfes, dieux et sirènes, auquel se mêle la trivialité sublimée d’une pelleteuse géante et de motos rugissantes. Un imaginaire à la fois traditionnel et ontemporain, mythologique et enfantin. L’imaginaire enfantin qui se décompose Pour déployer cet univers, François Rancillac a choisi d’approfondir progressivement le champ de la scène, en mettant à bas des bâches q Swige to vie' » next page qui ouvrent finalement sur la mer (et la mère).
La métaphore, comme la pièce, est éloquente et touchante, filant l’imaginaire enfantin qui se décompose pour laisser place à une réalité plus médiocre et complexe, celle de la vraie vie. Cependant, dans cet ensemble intelligent et bien construit, quelque chose empêche d’être entraîné. Une dramaturgie bancale peut-être, où les indices aissent trop deviner le dénouement de l’histoire, où la succession rapide des péripéties affadit et parfois embrouille l’enjeu des scènes ?
Le choix d’une action autant jouée que racontée « en direct » qui pose traditionnellement des problèmes à la représentation ? Une interprétation irrégulière où l’on aimerait par exemple voir Antoine Caubet interpréter son rôle de sage cocu-conducteur d’engin avec plus de simplicité ? Un peu de tout cela sans doute et au total le sentiment d’une œuvre sensible et intelligente, mais trop peut-être, pour parvenir à construire une orme qui trouve son efficacité, à la croisée des chemins du récit traditionnel et du théâtre contemporain.
A l’image d’énigmatiques et squelettiques pupitres qui se croisent étrangement sur scène, c’est un peu comme si, dans cette pièce, la partition de l’esprit avait pris le dessus sur celle de la chair. Eric Demey Le père de famille a quitté le foyer, la mère élève seule ses deux enfants dans un milieu modeste et ce matin-là, hissée en haut d’un phare et totalement dénudée, elle chante tout son malheur l’océan et au reste de la population du village. L’écriture du texte de G.
Granouillet repose sur une architecture assez simple et fragile, avec des longu 2 OF s récriture du texte de G. Granouillet repose sur une architecture assez simple et fragile, avec des longueurs et des récurrences sémantiques qui martèlent le propos afin de toujours mieux le faire entendre. En apparence, les mots, tout comme les idées, s’enchaînent avec rythme, mais Fensemble s’essouffle très rapidement. Dès lors que les deux frères, Marzeille et Perpignan constatent que leur mère est en haut du phare, nue et chantant à gorge déployée, il leur faut réagir.
Une course haletante débute travers les bols, entre des chiots à noyer, une grenouille enterrer, une dame aux pompons qui se fait culbuter dans un algeco, un mari cocu jouant au narrateur omniscient et les apparitions du bon Dieu qui n’est autre que ce père absent ayant abandonné le foyer il y a déjà bien longtemps ! Nous sommes bien dans un conte initiatique, une sorte de rite de passage pour les deux jeunes garçons s’acheminant doucement vers l’âge adulte au fil de leurs aventures.
L’objectif du propos est clair mais parasité par des successions de répliques inutiles tout comme certains personnages d’ailleurs ! Le conducteur d’engin et son épouse incarnent laborieusement une allégorie de l’adultère, tout comme cette jeune fille blonde, aussi énigmatique qu’inintéressante. Certes, les deux jeunes garçons bousculent tout ce petit monde sclérosé par ses habitudes mais l’on n’en retient rien de bien constructif, ni de touchant, même si l’histoire est racontée par des enfants.
Cénonciation alterne entre le narratif et le discursif. Du pain béni pour le metteur en scène François Rancillac qui peut se concentrer sur la mani 3 OF s concentrer sur la manière dont les personnages se racontent. Perpignan et Marzeille investissent le plateau avec détermination et une grande justesse, mais seules leurs qualités d’acteurs sauvent la mise en scène qui est inexistante tout comme le texte, d’une extraordinaire vacuité.
Trois rideaux de scène en bâche salie par l’eau de mer, tombent à chaque étape que les garçons franchissent. Du déjà vu ! Gilles Granouillet est un auteur à la mode, François Rancillac un directeur de théâtre et un metteur en scène trop pédagogique. A force de vouloir plaire l’institution, on ne prend plus de risque et l’on devient comme les personnages que Marzeille et Perpignan bousculent dans leurs etites habitudes !
Sur scène, quelques bâches tendues et rapiécées ( scénographie Raymond Sarti), tout à la fois façade d’une maison à l’abandon et balise de l’épopée labyrinthique de Marzeille et Perpignan, deux galopins de 13 et 10 ans, fun à l’acné « irruptive comme le Vésuve l’autre la cervelle sans cesse sous pression, « une vraie cocotte minute Deux frérots un peu paumés aux prises avec des petits soucis, – noyer les chiots de la chienne -r et des grands tourments, – aller récupérer Maman qui chante nue en haut du phare sous l’œil goguenard des villageois « elle a des jours pas comme les utres ma mère, des jours blancs qui s’enflamment comme une bûche S’en suit, pour les deux gamins, une rocambolesque journée, émaillée de traverses et de catastrophes, où il est question de brin de paille dans « la foune » d’une grenouille, d’une vierge en p 4 OF S catastrophes, où il est question de brin de paille dans « la foune » d’une grenouille, d’une vierge en plastique qui clignote, d’une petite fille aux cheveux blonds, avatar de L’Enfant de la haute mer de Supervielle, de Dieu le père, d’un bâtiment Algéco réduit en bouillie, ce qui les mettra au parfum de la face cachée du monde des adultes. On passe toute sa vie à caresser des pompons, ça n’empêche pas d’être cocu » remarque, amer mais philosophe, le conducteur d’engin, sorte de coryphée venant ponctuellement brosser le paysage et préciser le contour des évènements.
U ne rapsodie de la douleur Ma mère qui chantait sur un phare ( Actes Sud-Papiers ) est une histoire tendre et cruelle que Gilles Granouillet mixe de trivialité et de poésie, un conte fantastique où s’emmêlent récit et dialogues pour dire la douleur de la perte et de Penfance l’abandon, les vicissitudes de la vie où se croise sans se voir toute une humanité maillée de bobos et de rêves. François Rancillac a eu la bonne idée de prendre la pièce comme elle est écrite, une rapsodie où se développent, s’emboîtent et de répondent les thèmes, où chacun est soliste et choriste, acteur et narrateur, laissant ainsi toute la place à la verve nerveuse de l’écriture. Tout de grâce déliée, Antony Breurec en Perpignan survolté et Riad Gahmi ado dépassé mais déterminé, sont épatants de vérité et nous embarquent dans leur virée déjantée mais initiatique qui, en dépit d’une distribution inégale, « nous tire par le bout du cœur » comme aurait dit feu Brassens.