Alfred de Musset

essay B

• LITTÉRATURE LA PRÉSENCE MUSSETIENNE CHEZ CASTRO ALVES: UNE ANALYSE DU POÈME «A VOLTA DA PRIMAVERA» Marcos Vinicius Fernandesl Karina Chianca2 RÉSUMÉ: Ce travail a comme objectif d’étudier la présence mussétienne dans la poésie de Castro Alves. Nous allons procéder à une analyse textuelle du poème « A volta da primavera » à partir d’une épigraphe issue de « La Nuit d’Août » d’Alfred de Musset. Moyennant une étude comparatiste, les liens existants en courants différents d des pays distincts, se qu’éloigné de la tend 9 S. v. next page appartenant à des ement. Bien astro Alves ne peut pas échapper aux influences de la poésie lyrique. C’est ainsi que la mélancolie qui a envahi les vers mussétiens réapparaît dans la poésie de transition de Castro Alves. MOTS-CLÉS: Romantisme, Mal du Siècle, Éros, Mélancolie. ABSTRACT: This abstract has as objective to study the presence of Musset’s literature in Castro Alves’ poetry. We will act in the analysis of a textual poem « A Volta da Primavera » that comes from an epgraph extracted from « La Nuit d’Août » by Alfred de Musset.

Through a comparative study, we realise the strong connection between the two writers, that although they are from ifferent literary contexts and also from different countries, they approach a lot in terms of style. Even though Castro Alves is distant from the escape from some influence on the lyric poetry. So, in this way, we can note the presence of the melancholy that concerned the Musset’s verses and reappears in Castro Alves’s poetry of transition. KEYWORDS: Romanticism, Evil of the century, Eras, Melancholy. 2 FERNANDES, Marcos Vin{cius. Mestrando UFRN. E-mail: vinnicultura@yahoo. com. br CHIANCA. Karina.

Professora Doutora UFPB. E-mail: kachianca@yahoo. fr • 58 Non Plus • v. 01 / na 01 / Jan. » Jun. , 2012 Reproduçào Alfred de Musset Castro Alves I. MUSSET VU PAR CASTRO ALVES u Brésil, les spécialistes de Castro Alves sont nombreux à signaler l’influence que ce poète brésilien a eue de l’œuvre hugolienne. Par contre, il y a très peu d’études dédiées à l’analyse de la présence chez le poète brésilien de l’écrivain Alfred de Musset. Lorsque nous feuilletons les ages de « Espumas Flutuantes » de Castro 2g d’importance que les personnages qui figuraient dans les pages de leurs oeuvres.

Ils sont devenus presque une légende d’amour dans l’imaginaire des poètes romantiques de la génération de 50. Même Castro Alves n’a pas éussi à échapper complètement à cette image stéréotypée du poète français. Musset, tout comme Byron, est perçu comme un personnage romantique: E no drama das noites do prostibulo mértir — alma… a saturnal patibulo! Onde o Gênio sucumbe na asfixia Em meio à turba alvar e zombadora; Onde Musset suicida-se na orgia3 (ALVES, 1960, p. 205). « Et dans le drame des nuits du bordel/ Elle est martyr – l’âme… a saturnienne – échafaud! / Où le génie succombe dans l’asphyxie/ autour de la foule agitée et moqueuse;/ Où Musset se suicide dans l’orgie Les traductions des poèmes et des citations en portugais sont ittérales et ont été faites par nous-mêmes. 3 Non Plus • v. 01 / no 01 ‘Jan. » Jun. , 2012 59 • Bien que les histoires d’amour de Musset avaient l’air de textes ossianiques, celles-ci feront partie du projet poétique de Castro Alves, celui de l’amour Eros. Dans sa plume, les images mussétiennes apparaissent plus vivantes.

Les épigraphes ne sont pas qu’une façon de montrer l’accès à la culture et de bénéficier d’un prestige artistique, mais constituent une partie int elles ne mettent pas en échec la pertinence des épigraphes. Musset, n’est pas que le jeune homme tourmenté en raison de son drame moureux, mais le poète qui salue la muse pour célébrer Yamour passé ou les nouveaux amours. Sa présence chez Castro Alves cible autant plus le littéraire que le personnel et l’affectif4. Dans la poésie d’Alvares de Azevedo, Musset se présente dans la peur d’aimer.

Castro Alves, lui, s’en empreigne pour atteindre l’amour Éros. Dans son dialogue avec les textes mussétiens, si l’on n’a pas nettement la concrétisation de l’amour physique, on aperçoit l’évocation érotique. C’est ridéal Éros qui coule dans ses veines et devient évident. Castro Alves se sert de Musset pour érotiser le paysage. Même es poèmes écrits sous l’influence du Mal du Siècle sont Visités pour donner un nouveau sens à la poésie: Ses longs cheveux épars la couvrent tout entière.

La croix de son collier repose dans sa main, Comme pour témoigner qu’elle a fait sa prière, Et qu’elle va la faire en s’éveillant demain. (ALVES, 1960, p. 125). Cépigraphe empruntée fait partie intégrante d’un tableau peint par le poète, dont l’encre désigne les formes de la femme. L’image présente dans le fragment mussétien est enrichie de détails dans le poème «Adormecida»: Uma noite, eu me lembro… Ela dormia Numa rede encostada molemente… Quase aberto o roupào… olto o cabelo Eo pé descalço do tapete rente5 Nous observons qu’avec p 4 2g poète réalise une mots le poète réalise une parfaite description de l’ambiance. En utilisant un vers plus court que l’alexandrin, le décasyllabe, Castro Alves place la jeune fille en robe de chambre dans un hamac, les cheveux épars, le pied nu par terre, sur le tapis. Il s’agit d’un paysage érotique. Il y a une gradation jusqu’aux climax d’amour, métaphorisé par une éjaculation: Nous ne refusons pas la place des événements historiques et/ou personnels qui ont un rapport contextuel dans la composition rtistique de l’écrivain.

Nous mettons en question le critère d’évaluer l’œuvre par le biais exclusivement affectif/personnel et, par conséquent, de donner des jugements de valeurs pour les ressemblances trouvés entre le réel et l’artistique. 5 « une nuit, je me rappelle… Elle dormait/ allongée mollement dans un hamac… / La robe du soir presque ouverte… les cheveux épars / Et le pied nu sur le tapis » 4 • 60 Non Plus • v. 01 / no 01 nan. »Jun. , 2012 Eo ramo ora chegava ora afastava-se… Mas quando a via despeitada a meio, Pra nao zangé-la… sacudia alegre Uma chuva de pétalas no seio…

Au lieu d’un érotisme camouflé qui se cache, la poésie devient l’amour vécu sans peur, ni honte. Comme le note Pei or nào sera o amor terno 2g 181). L’érotisation est un moyen utilisé pour profiter de la vie. Même si momentanément, la jouissance fait fuir la mort. Le prolongement du plaisir sexuel remet l’arrivée de la mort à plus tard: Como um negro e sombrio firmamento, Sobre mim desenrola teu cabelo… E deixa-me dormir balbuciando: Boa noite! — formosa Consue108 (ALVES, 1960, p. 123). Après le climax de ramour, les amants se laissent vaincre par la fatigue.

Mais les plaisirs de ‘amour ne cessent d’augmenter en se projetant dans la jouissance du sommeil En aimant Éros, le poète expulse Thanatos, la mort. En le chantant, le poète fait appel à toute sorte de femmes. Contrairement à la place de la femme dans la tradition poétique, Castro Alves n’a pas qu’une seule aimée, couramment représentée par un pseudonyme9. Dans sa poétique, le nombre d’amantes est innombrable: Almas, que um dia no meu peito ardente Derramastes dos sonhos a semente, Mulheres, que eu amei! Anjos louros do céu! virgens serenas! Madonas, Querubins ou Madalenas! Surgi! aparecei! Vinde, fantasmas!

Eu vos amo ainda; « Et la branche s’approchait ou s’éloignait… / Mais lorsqu’il la voyait un peu énen,’ée, / Pour ne pas la fâcher… lançait joyeux/ une pluie de pétales sur la poitrine… » 7 « Cet amour ne sera pas l’ 6 9 et respectable de un firmament noir et sombre, / Sur moi tes cheveux se dénouent… / Et laisse-moi dormir en balbutiant:/ Bonne nuit! — belle Consuelo». 9 Rappelons-nous ici quelques exemples des grands poètes qui ont célébré leurs femmes par un nom poétique: Dante (Béatrice), Lamartine (Élvire), Gonzaga (Marilia). 6 61 • Acorde-se a harmonia à noite infinda Ao roto bandolim… 0 (ALVES, 1960, p. 171). Chef de file, le poète fait appel à plusieurs femmes: Bérbora, candida, Consuelo, Dalila, Dulce, Elvira, Eleonora, Ester, Fabiola, Jülia, Julieta, Laura, Maria, Marieta, Marion, Pepita… Le donjuanisme manifesté dans sa poétique ne lui fait pas dévoiler ce qui est fortement caché, mais que nous observons en lisant ses vers: la recherche de la femme idéale. C’est le double du héros Don Juan. Comme tous les autres romantiques, il vient lui aussi d’une tradition dans laquelle la poésie est l’espace pour la célébration de la bien aimée, et son efus à l’acte provoque la souffrance et l’amertume.

Cette manifestation chez Castro Alves est discrète et ne nie jamais sa conception de l’amour sensuel. Nous ne devons cependant pas oublier que si le corps de l’amante représente la pulsion de vie (Éros), sa pe e aussi la souffrance et la 29 libras vaporoso… Baixas do céu num vôo harmonioso!.. Quem és tu, bela e branca desposada? Da Iaranjeira em flor a flor nevada Cerca-te a fronte, ô ser misterioso!… Onde nos vimos nôs? És doutra esfera? És o ser que eu busquei do sul ao none… Por quem meu peito em sonhos desespera? Quem és tu? Quem és tu? — És minha sorte! ?s talvez o ideal que est’alma espera! És a g16ria talvez! Talvez a morte! 1 1 (ALVES apud GOMES, 1960, p. 175). « Esprits, qu’un jour dans ma poitrine ardente/ Vous avez versé la graine des mes rêves, / Femmes, que j’ai aimées! / Anges blonds du ciel! Vierges sereines! / Madones, Chérubins ou Madeleines! / Surgissez! Apparaissez! / Venez, fantômes! Je vous aime encore;/ Que l’harmonie se réveille dans la nuit immense/ À la vieille mandoline… » 11 « Qui es-tu, qui es-tu, esprit gracieux, / Qui s’envole la nuit dans la rosée? Tu as le visage plongé dans les ombres.. Sur le brume tu te libères en vapeur… / Tu descends du ciel dans un vol harmonieux! / Qui es-tu, belle et blanche épouse? / De l’oranger en bouton la fleur neigeuse/ entoure ton front, ô être mystérieux!… / Où nous sommes-nous vus?… Tu viens d’une autre sphère? / Es-tu l’être que j’ai cherché du nord au sud… / Pour qui ma poitrine désespère en rêve?… / Qui es-tu? Qui es-tu? – Tu es mon sort! / Tu es peut-être l’idéal que cette âme attend! / Tu es peut-être la gloire! Peut-être la mort!… ». 10 • 62 LITTERATURE Il. LE RETOUR DU PRINTEMPS

La poétique de Castro Alves fait appel à la célébration de l’amour. Or, pour y atteindre, tout un imaginaire lyrique est déployé dans sa création artistique. Le cycle des saisons met en évidence l’état d’esprit du «moi lyrique» dans ses poèmes. Le printemps est le temps élu pour la jouissance de la vie. «A volta da primavera»1 2 va symboliser cette image dans la poésie « alvesiana Y. Nous la mettons en relief pour l’analyser: A volta da primavera Aime, et tu renaîtras; fais-toi fleur pour éclore, Après avoir souffert, il faut souffrir encore; Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

A. de Musset Ai! Nao maldigas minha fronte pâlida, Eo peito gasto ao referver de amores. Vegetam louros – na caveira esquélida E a sepultura se reveste em flores. Bern sei que urn dia o vendaval da sorte Do mar lançou-me na gelada areia. Serei… que importa? o D. Juan da morte Dé-me o teu seio – e tu seras Haidéia! Pousa esta mao – nos meus cabelos ümidos!… Ensina à brisa ondulaçôes suaves! Dé-me um abrigo nos teus seios tümidos! Fala!.. _ que eu ouço o pipilar das aves! Jé viste às vezes, quando o sol de maio nunda o Vale, o matagal e a veiga? Murmura a relva: « Que suave raio! « 

Responde o ramo: « Como a luz é meiga!  » E, ao dace influxo do clarao do dia O iunco exausto, que cede son livre Espumas Flutuantes. Selon Afrân10 Peixoto, candida de Campos a été la muse qui a inspiré le poète à écrire ces vers en 1869. Amputé d’un pied, suite à un coup de feu accidentel, Castro Alves va se réfugier à la campagne de l’État de Bahia, lieu où il se servira de la compagnie de Candida Campos pour se rétablir. 12 63 • Se a natureza apaixonada acorda Ao quente afago do celeste amante, Diz!… Quando em fogo o teu olhar transborda, Nao vês minh’alma reviver ovante? E que teu riso me penetra n’alma –

Como a harmonia de uma orquestra santa – que teu riso tanta dor acalma. Tanta descrença!… Tanta angüstia!… Tanta! Que eu digo ao ver tua celeste fronte, « O céu consola toda dor que existe. Deus fez a neve — para o negro monte! Deus fez a virgem — para o bardo Le dialogue avec Musset est évident par la présence de l’épigraphe. Cette citation ne représente pas une manière de décorer le poème et, par conséquent, de lui donner du prestige. Elle a la fonction d’indiquer l’idée du texte. En très peu de lignes, l’épigraphe annonce ce qu’il exploitera. I s’agit, alors, d’un proces 0 9 qui met en évidence les