Analyse des personnages de Bruges-la-Morte
2. ÉTUDE DES PERSONNAGES Hugues Viane Veuf depuis cinq ans, Hugues Viane, bourgeois aisé, s’est installé ? Bruges pour vivre son veuvage. Son existence passée, celle du « bonheur » (p. 25), « un peu cosmopolite D, faite de voyages entrepris avec son épouse et de « fantaisie » (p. 25), n’est que peu évoquée, mais elle offre un contraste net avec le présent. À Bruges, Viane mène une vie «solitaire » : « il passait toute la journée dans sa chambre n, lisant, fumant (p . 19). ses ors journées sont pythm p ses « dévotions » (p défunte et arpente le (P. 5). o fait, chaque matin, pouse e fin d’après-midi L’existence de Viane est marquée par la douleur d’avoir perdu celle qu’il aime. Bien qu’il ne fréquente personne à Bruges, tous connaissent son « noble désespoir » (p. 35) . Sa douleur est celle d’un « être dépareillé », « impair » (p. 19). Viane a « un sentiment inné des analogies désirables » (p. 50) : être ainsi dépareillé lui est donc singulièrement intolérable. Il s’est d’ailleurs installé à Bruges, « la plus grande des Villes Grises pour retrouver une forme d’appareillement : sa pensée est ?à l’unisson » avec son environnement (p. 0). Dans Bruges, Vlane trouve « des analogies à son deuil » (p. 20). Lorsqu’il croise Jane, il est immédiatement fasciné parce qu’elle ressemble à la défunte. Viane poursuit alors sa quête de la ressemblance et de l’analogie : « Hugues s’abandonna désormais à l’enivrement de cette ressemblance de Jane avec la morte, comme jadis il s’exaltait à la ressemblance de lui-même avec la ville » (p. 51). Viane ne considère tout d’abord Jane que sous Fangle de la similarité : elle n’est qu’un prolongement de la disparue.
Cette attitude a plusieurs conséquences : Viane découvre une nouvelle joie et se sent « moins veuf » (p. 32). Toutefois, Jane n’étant pas l’épouse disparue, le bonheur reste mitigé : un « charme douloureux » (p. 39), de « funèbres joies » (p. 41) ; Hugues n’éprouve aucune culpabilité vis-a-vis de la morte aucune honte ni rougeur d’âme p. 44 ; « pas un éclair de remords p. 47), puisqu’il pense chercher cette dernière ? travers Jane : « Et il ne tromperait même pas l’Épouse, puisque c’est elle encore qu’il aimerait dans cette effigie [Jane]. » (p. ) Il ne se sent pas non plus coupable vis-à-vis de Jane, à qui il ne mentionne jamais la morte et ignore aussi la « pieuse indignation » (p. 45) que sa conduite inspire aux Brugeois ; il force la ressemblance : il impose à Jane de teindre ses cheveux et la pousse à porter les vêtements de la morte. Un tel jeu est forcément déceptif, car il révèle les limites de la ressemblance. jeu est forcément déceptif, car il révèle les limites de la Lorsqu’il constate que Jane ne ressemble pas autant à la morte qu’il l’avait cru, Viane culpabilise : la ressemblance vait été « l’excuse » (p. 3) pour entretenir une relation avec Jane. L’excuse disparaissant, surgissent la « honte » (p. 83) vis-à-vis de la défunte et la conscience du péché » (p. 82). Viane se montre néanmoins incapable de rompre avec la danseuse, pourtant infidèle. Il se révèle même faible et la supplie de ne pas le quitter (p. 88), saisi de la crainte de se retrouver seul. Lorsque Jane joue avec les « reliques » de la morte, Viane se révolte contre sa maitresse et la tue. Ce meurtre le laisse seul.
Confondant définitivement les deux femmes, il est ramené ux premiers mois de son veuvage, à la mort et à la tristesse : il est de nouveau happé par Bruges. 7 La défunte Autour de Viane gravitent trois femmes. La première n’est jamais nommée : appelée tour à tour « la défunte « la morte » ou « l’Épouse la femme défunte de Viane, avec qui il a été marié dix ans, est l’omniprésente absente. Elle nous est connue au travers des seuls souvenirs de Viane. La défunte formait avec Viane un couple heureux, conjoignant « vie conjugale exemplalre» et « passlon intacte » (p. 19).
Viane conserve sa belle chevelure (p. 2-23). Elle ressemble physiquement à Jane. Cependant, la morte se signale pa belle chevelure (p. 22-23). Elle ressemble physiquement à Jane. Cependant, la morte se signale par une grandeur et une noblesse qui font défaut à Jane : elle a un visage « naturel et chaste » là où la danseuse n’est qu’artifices (p. 83). Quant à son caractère, elle incarne la « douceur » et l’ « humeur égale » (p. 83). Vue au travers du filtre des souvenirs de Hugues, la défunte est un être désincarné : noble, sans défaut, hiératique – une image plus qu’un être vivant.
Jane Scott Jane Scott est la seconde femme dans la vie de Viane. s’intéresse d’abord à elle que pour sa ressemblance saisissante avec la morte. e héros ne Par rapport à Viane et à la défunte, issus de la bourgeoisie aisée, Jane, danseuse dans un théâtre, souffre d’un déficit social. Devenue la maitresse de Viane, elle s’installe dans l’appartement qu’il paie, mais elle n’est pas reçue chez lui. La seule fois où elle sera finalement admise au domicile de son amant, il la priera de se dissimuler au regard des voisins (P. 100).
La différence sociale accentue les dissemblances entre Jane et la éfunte : Viane constate progressivement la vulgarité de Jane, par opposition à la noblesse de l’épouse décédée. Entre les deux femmes se dessine ainsi une opposition classique entre la pure et la catin. Le comble est atteint lorsque Jane profane les reliques de l’épouse par ses moqueries : elle perdra la vie pour son manque de déf PAGF Jane profane les reliques de répouse par ses moqueries : elle perdra la vie pour son manque de déférence, étranglée par Viane.
Entretenue par son amant, Jane n’est pas seulement la victime gnorante du démon de l’analogie de Viane. Elle est aussi une femme vénale, qui reste avec un amant qui l’ennuie, parce qu’elle en espère un héritage (p. 91-92). Elle donne ainsi raison aux bourgeoises de Bruges, qui croient Viane « ensorcelé par une coquine » (p. 46). Barbe La troisième femme gravitant autour de Viane est Barbe, sa vieille servante d’origine paysanne. Profondément catholique, Barbe passe ses rares congés au béguinage. Si Barbe est pleine d’empathie pour le veuvage douloureux de son maitre, avec qui elle se montre même « maternelle » (p. ), elle est par contre scandalisée par la liaison de celui-ci avec une danseuse. Son réflexe immédiat est de demander conseil à son confesseur, qui l’engage à quitter le service de Viane si celui-ci reçoit sa maitresse chez lui. À l’arrivée de Jane, Barbe, bien qu’elle n’ait jamais eu à se plaindre de son maitre, suit fidèlement les conseils du prêtre pour « ne pas se mettre en état de péché mortel » (p. 96) et quitte un service qui lui aurait pourtant permis d’économiser l’argent nécessaire pour se retirer au bégulnage, son déslr le plus cher. 8