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essay A

Cyrano de Bergerac (1897), Edmond Rostand, LA no 12- Acte I scène 5 Le Bret, haussant les épaules. Soit ! -mais enfin, à moi, le motif de ta haine Pour Montfleury, le vrai, dis-le moi ! Cyrano, se levant. ce Silène Si ventru que son doigt n’atteint pas son nombril, Pour les femmes encor se croit un doux péril, Et leur fait, cependant qu’ en jouant il bredouille, Des yeux de carpe av Et je le hais depuis q sc orf De poser son regard, to View Glisser sur une fleur Le Bret, stupéfait. Hein ? Comment ? Serait-il possible ? Cyrano, avec un rire amer. ouille ! . Que j’aimasse ? Changeant de ton et gravement.

J’aime. Le Bret Et peut-on savoir ? Tu ne m’as jamais dit ? . Cyrano Qui j’aime ? Réfléchis, voyons. Il m’interdit Le rêve d’être aimé même par une laide, Ce nez qui d’ un quart d’heure en tous lieux me précède , Alors moi, j’ aime qui ? Mais cela va de soi ! J’aime – mais c’est forcé ! -la plus belle qui soit ! La plus belle ? quelle est donc cette femme ? Un danger Mortel sans le vouloir, exquis sans y songer, Un piège de nature, une rose muscade Dans laquelle l’amour se tient en embuscade ! Qui connaît son sourire a connu le parfait. Elle fait de la grâce avec rien, elle fait

Tenir tout le divin dans un geste quelconque, Et tu ne saurais pas, Vénus, monter en conque, Ni toi, Diane, marcher dans les grands bois fleuris, Comme elle monte en chaise et marche dans Paris ! . Sapristi ! Je comprends. C’est clair ! Cest diaphane. Magdeleine Robin, ta cousine ? Oui, Roxane. Eh ! Bien, mais c’est au mieux ! Tu l’aimes ? Dls-le-lui ! Tu t’es couvert de gloire à ses yeux aujourd’hui ! Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance Pourrait bien me laisser cette protubérance ! Oh ! Je ne me fais pas d’illusions ! -parbleu, Oui, quelquefois, je m’ attendris, dans le soir bleu ;

J’entre en quelque jardin où l’ heure se parfume ; Avec mon pauvre grand diable de nez je hume L’avrll, – je sus des yeux, sous un rayon d’ argent, Au bras d’ un cavalier, quelque femme, en songeant Que pour marcher, à petits pas, dans de la lune, Aussi moi j’ aimerais au bras en avoir une, Je rn’ exalte, j’ oublie… Et j’aper ais soudain L’ombre de mon profil sur din ! Et j’aperçois soudain L’ombre de mon profil sur le mur du jardin ! Le Bret, ému. Mon ami ! Mon ami, j’ai de mauvaises heures De me sentir si laid, parfois, tout seul.. Le Bret, vivement, lui prenant la main. Tu pleures ? Ah ! Non, cela, jamais !

Non, ce serait trop laid, Si le long de ce nez une larme coulait . Je ne laisserai pas, tant que j’en seral maître, La divine beauté des larmes se commettre Avec tant de laideur grossière ! Vois-tu bien, Les larmes, il n’ est rien de plus sublime, rien, Et je ne voudrais pas qu’ excitant la risée, Une seule, par moi, fut ridiculisée ! . LA no 13- Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, Ill scène 7, vers 1441- 1480(de « Tous ceux, tous ceux… » à « Un baiser ! Cyrano. Tous ceux, tous ceux, tous ceux Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe, Sans les mettre en bouquets : je vous aime, j’étouffe,

Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop ; Ton nom est dans mon cœur comme dans un grelot, Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne, Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne ! De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé : Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai, Pour sortir le matin tu changeas de coiffure ! J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil, On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, Sur tout, quand j’ai quitté I tu m’inondes, PAGF3Cf6 sur toute chose ensuite un rond vermeil,

Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes, Mon regard ébloui pose des taches blondes ! Roxane, d’une voix troublée. Oui, c’est bien de l’amour. Certes, ce sentiment Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment De l’amour, il en a toute la fureur triste ! De l’amour, -et pourtant il n’est pas égoiSte ! Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien, Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien, Sil ne pouvait, parfois, que de loin, j’entendisse Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice . Chaque regard de toi suscite une vertu Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu À comprendre, à présent ? yons, te rends-tu compte ? Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop doux ! Je vous dlS tout cela, vous m’écoutez, moi, vous ! Cest trop ! Dans mon espoir même le moins modeste, Je n’ai jamais espéré tant ! Il ne me reste Qu’à mourir maintenant ! Cest à cause des mots Que je dis qu’elle tremble entre les bleus rameaux ! Car vous tremblez ! car j’ai senti, que tu le veuilles Ou non, le tremblement adoré de ta main Descendre tout le long des branches du jasmin ! (Il baise éperdument l’extrémité d’une branche pendante. ) Roxane.

Oui, je tremble, et je pleure, et je t’aime, et suis tienne ! Et tu m’as enivrée ! PAGF mort vienne ! Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l’ai su causer ! Je ne demande plus qu’une chose… Christian, sous le balcon. un baiser ! LA na 14- Cyrano de Bergerac, V, 6 : le dénouement et la mort du héros CYRANO Mais aussi que diable allait-il faire, Mals que diable allait-il faire en cette galère Philosophe, physicien, Rimeur, bretteur, musicien, Et voyageur aérien, Grand risposteur du tac au tac, Amant aussi – pas pour son bien ! – Ci-gît Hercule-Savinien De Cyrano de Bergerac Qui fut tout, et qui ne fut rien.

Mais je m’en vais, pardon, je ne peux faire attendre Vous voyez, le rayon de lune vient me prendre ! Il est retombé assis, les pleurs de Roxane le rappellent à la réalité, il la regarde, et caressant ses voiles . Je ne veux pas que vous pleuriez moins ce charmant, Ce bon, ce beau Christian, mais je veux seulement Que lorsque le grand froid aura pris mes vertèbres, Vous donniez un sens double à ces voiles funèbres, Et que son deuil sur vous devienne un peu mon deuil. ROXANE Je vous jure CYRANO, est secoué d’un grand frisson et se lève brusquement Pas là non ! pas dans ce fauteuil !

On veut s’élancer vers lui. – Ne me soutenez pas ! Pe debout, Il tire l’épée. Et l’épée à la main ! LE BRET Cyrano ! ROXANE, défaillante Tous reculent épouvantés. Je crois qu’elle regarde… Qu’elle ose regarder mon nez, cette Camarde ! Il lève son épée. Que dites-vous C’est inutile Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! -Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là Vous êtes mille ? Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis ! Le Mensonge ? Il frappe de son épée le vide. Tiens, tiens ! -Ha ! ha ! les Compromis,

Les Préjugés, les Lâchetés Il frappe. Que je pactise ? jamais, jamais ! -Ah I te voilà, toi, la Sottise ! Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ; N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats ! Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant. Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose ! Arrachez ! Ily a malgré vous quelque chose Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu, Mon salut balaiera largement le seul bleu, Quelque chose que sans un pli, sans une tache, j’emporte malgré vous, Il s’élance l’épée haute. Et c’est. L’épée s’échappe de ses m elle, tombe dans les bras