Alain Chartier Le Breviaire Des Nobles

essay A

Poesia Francesa – 2014-2015, S2 ALAIN CHARTIER (c. 1380-1430) London, British Library, Royal MS 15 E VI, f. 403r (1444-1445) Compilaçào oferecida a Margarida de Anjou por ocasiüo do seu casamento com Henrique VI de Inglaterra LE BREVIAIRE DES NOBLES Noblesce 8 or 13 Sni* to View Je, Noblesce, dame d Royne des preux, pri A tous qui ont volent de valoir Paix et salut par moy savoir vous faiz. Que, pour oster les maulx et les torfaiz* Que Vilennie a entreprins de faire, Chascun de vous s’il veult estre refaiz Ses heures die en cestui breviaire! 12 Je me doy bien de plusieurs gens douloir Qui ont du tout mes estaz contrefaiz,

Et en mettant vertu en nonchaloir, Prennent mon nom et laissent mes bienffaiz, 4 tort *instruit FOY 32 36 40 Dieu tout puissant, de qui Noblesce vient Et dont descent toute perfection, A tout créé, tout nourrit, tout soustient Par sa haulte digne provisïon*; Mais, pour tenir la terre en union, A ordonné chascun en son office: Ly un seigneur, l’autre en subjection pour Foy garder et pour vivre en justice. Et qui de Dieu le plus hault honneur tient par seigneurie ou domination, Plus est tenu et plus lui appartient D’avoir en lui entiere affection, Crainte et honneur, bonne devodlon Et vergoigne de meffait et de vice,

Et faire tout en bonne entencïon Pour Foy garder et pour vivre en justice. 52 Cil est nobles et pour tel se maintient, Sans vanterie et sans decepcion Qui envers Dieu obeïssant PAGF 13 roy et leurs subgez deffendre. Et quant plus sont de honneur guerredonnez Et a plus grant dignité parvenuz, Doivent estre mieulx conditionnez Et tous leurs faiz en raison maintenuz, Leurs cuers fermes, leurs diz entretenuz, Ne faire tort a plus grant né a mendre, Car ilz doivent, sans varier* pour nulz, Servir leur roy et leurs subgez deffendre. 80 S’ilz varient, s’ilz sont desordonnez Et leurs subgiez ne sont d’eulx soustenuz,

Ou se leur roy est d’eulx abandonnez Par lascheté qui les a detenuz, Je di qu’ilz sont plus villains devenuz Que un bon bouvier qui sa rente vient rendre Et qui paie pour ceulx qui sont venuz 84 En Noblesce sont les droiz contenuz De Loyaulté, ou ceulx doivent entendre, Qui ces deux poins ont par cuer retenuz: 76 IV. *tenus *vaciller 13 gentil fremir et souspirer. On ne peut plus un bon cuer ayrer* Qu’enfraindre Honneur qui l’omme a vertu dompte, *épargne *miroir et exemple *irriter poesta Francesa – 2014-2015, 52 Car c’est le bien qul les autres seurmonte. 104 108 Ou Honneur est, tort et injure cesse;

C’est le chemin pour venir a proesce Qui fait les bons a hault estat tirer Et met en eulx atrempee* lyesce, Courtois parler et loyale promesse, Sans varier, chanceller ne virer. Trop mieulx vauldroit soy souffrir martirer Que avarice sus l’onneur d’omme monte, Car c’est le bien qui les autres seurmonte. *tempérer Nobles hommes, tenez en plus grant compte, 3 Et n’ostons plus orendroit* A chascun son loyal droit. *éducation *abandonner *méfait *travaille *maintenant Poesia Francesa – Proesce 148 152 156 160 164 168 172 176 180 2014-2015, PAGF s 3 meschant vasselage*, Qui s’espreuve sur povre labourage

Et des assaulx des ennemis s’esloigne; Ans desirer devrolt, s’il estoit sage, Honneste mort plus que vivre en vergoigne. Dioultrage meurt cil qui vit par oultrage; Raison le veult et Dieu le nous tesmoigne. Donq doit amer homme de hault lignage Amour 190 Digne chose est Bonne Amour sans amer, Plaisant confort et vie delettable, Car Bonne Amour ne se peut entamer En noble sang d’omme ferme et estable. *butin *petitement *longtemps *acte de vaillance 192 196 200 204 208 6 3 table, Mais en fortune ilz tournent a l’esquart. Par tromperie est trompé le renart: Amour retourne a Cll qui ayme bien. Homme hay, doit vivre en grant esgart;

Qui nia Amour et amis, il n’a rien C’est amittié qui trop tost se depart, Quant elle fault des qu’on ne dit plus: «Tien». priez donq Dieu que de ce mal vous gart; Qui n’a Amour et amis, il n’a rien. Courtoisie 224 228 232 236 Qui veult Noblesce esprouver, Ou nul vil homme n’attaint, Il la doit querre et trouver La ou Courtoisie maint, Qui tous ses envieux vaint Par sa doulceur gracieuse, Et n’est ennuyeuse, Fiere n’orgueilleuse, Mais humble et joyeuse, Et plaisant taudis* En faiz et en dis. par les faiz seult on prouver Ce qui est ou cuer empraint; Lieuvre fait tel reprouver Vilain qui gentil se faint, 7 3

Puis que vertu se parfait d’avoir Paine, L’ame en vault mieulx et la vie est plus saine; L’omme en devient saige, seur et expert. Et Paresce est laide, nice et vilalne, Despourveue, non sachant, incertaine, Qui los, ne pris, ne grace ne desert. On puet jugier que Noblesce se pert En lasche cuer qui en riens ne traveille, Car pour neant* vit qui n’ensuit en appert Diligence qui les vertuz esveille. Diligence est a Noblesce prochaine, Car c’est celle qui conduit et demaine* Tous haultains faiz dont Gentilesce appert. Cest fol cuider et vanterie vaine pour digne sang ou lignee haultaine De soy tenir pour noble, s’il n’y pert.

Cil qui du tout a Oyseuse s’assert, Son nom dechiet et sa vertu sommeille; Et meurt tout vif, s’a amer ne s’ahert* Que vault homme qui muse et se pourmaine*, Et veult avoir mol llt et pance plaine Et demourer en repos a couvert; Et passe temps sepmaine aprés sepmaine *en vain *mene *dévoue *promene 284 2014-2015, S2 3 304 308 312 316 XI Cuer qui a haultesce tire Et ou Noblesce est assise, Doit toute ordure despire*, Laidure et gouriardise*, Car sa noblesce desprise, Quant nettement ne la garde, Cellui ou tous prennent garde. *mépriser *grossièreté Il ne doit faire ne dire Chose dont on le mesprise, Ne qui l’autry bien empire

Ne dont son los amenuyse. Pense donq bien et avise, Et sur moy mesmes regarde, Lait parler et trop mesdire Sont une vile devise Sur homme ou chascun se mire Et ou tout le monde vise. Honnesteté est requise Pour tenir en sauvegarde Par nette et plaisant cointi Car bien mucé porte joye petite. Et pourtant* est Avarice mauditte, Qui le poing clot que nul ne s’i attende, Et lui avient que un autre gaste ou vende Ce qu’elle acquiert et garde a griefz tourmens. Et s’il lui sourt peril, guerre ou contens*, A nul ne chault qui la greve ou confonde, Mais Largesce treuve amis en tous temps; Cest l’enseigne des vertuz en ce monde.

Pour ce ne doit estre eschars* ne tenant Un franc cuer d’omme en qui Noblesce habite, Mais a donner plus joyeulx qu’en prenant, Car Largesce secourt l’omme et respite*. Escharceté* est a noble interditte; Tout gentil cuer tient au large sa bende. Bienfait est tel que droit veult qu’il se rende Dont il parti, et retourne dedens; Jamais bienfait ne se pert en nul sens Mais quelque foiz sur son maistre redonde*. Largesce tient l’estendart sus les rens; *pour cette raison *querelle *avare *sauve *avance *retombe Riche qui laisse honneur pour les despens, Tout bien lui faille et son avoir lui fonde. A Largesce voit on le cuer