Adam
Vous n’avez donc jamais chipé des pommes par-dessus un mur où il y avait des culs de bouteilles ? Une portevitrée, ça coupe les cors aux pieds de la garde nationale quand elle veut monter sur unebarricade. Pardi ! le verre est traître. Ah ça, vous n’avez pas une imagination effrénée, mescamarades ! TEXTE – B Gustave Flaubert, L’Education sentimentale, Ill. 1, 1869 Frédéric, le héros del’Education sentimental assiste avec son ami Hussonnet au saccagedu Palais des Tuileries, au cours de la Révolution de 1848. Tout à coup la Marseillaise retentit.
Hussonnet et Frédéric se enchèrent sur la rampe. C’était le peuple. Il se précipita dans l’escalier, en secouant à flots vertigineux des têtesnues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, siimpétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montaittouours, comme un fleuve refoulé par une marée d’équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba. On n’entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement desvolx.
La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop àl’étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d’une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait larges 2 terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes ; Hussonnet fit cette remarque : -« Les héros ne sentent pas bon ! » Ah ! vous êtes agaçant reprit Frédéric.
Et poussés malgré eux, ils entrèrent dans un appartement où s’étendait, au plafond, undais de velours rouge. Sur le trône, en dessous, était assis un prolétaire à barbe noire, la chemise entr’ouverte, pair hilare et stupide comme un magot . D’autres gravissaient l’estradepour s’asseoir à sa place. Quel mythe ! » dit Hussonnet. « Voilà le peuple souverain ! « Le fauteuil fut enlevé à bout de bras, et traversa toute la salle en se balançant. Saprelotte ! comme il chaloupe ! Le vaisseau de l’Etat est ballotté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il ! Cancane-t-il ! On l’avait approché d’une fenêtre, et, au milieu des sfflets, on le lança. -« Pauvre vieux ! » dit Hussonnet en le voyant tomber dans e jardin, où il fut reprisvivement pour être promené ensuite usqu’à la Bastille, et brûlé. Alors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru ; et le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession, brisa,lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les flambeaux, les tables, les chaises, lestabourets, tous les meubles, jusqu’à des albums de dessins, jusqu’à des corbeilles detapisserie.
Puisqu’on était victorieux, ne fallait-il pas s’amuser ! La canaille s’affublaironiquement de dentelles et de cachemires. Des crépines d’or s’enroulèrent aux manches des blouses, des chapeaux à plumes d’aut la tête des foreerons, des 3 plumes d’autruche ornaient la tête des forgerons, des rubansde la Légion d’honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun satisfaisait son caprice ;les uns dansaient, d’autres buvaient.
Dans la chambre de la reine, une femme lustrait sesbandeaux avec de la pommade ; derrière un paravent, deux amateurs jouaient aux cartes ;Hussonnet montra à Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule accoudé sur un balcon ; et le délire redoublait u tintamarre continu des porcelaines brisées et desmorceaux de cristal qui sonnaient, en rebondissant, comme des lames d’harmonica TEXTE C – Emile zola, La Fortune des Rougon, chapitre l, 1871 e coup d’Etat du 2 décembre 1851, organisé par Louis-Napoléon Bonaparte, a suscité enProvence des insurrections républicaines, notamment dans le département du Var.
C’est cette révolte que décrit Zola au début de La Fortune des Rougon . La bande descendait avec un élan superbe, irrésistible. Rien de plus terriblement grandioseque l’irruption de ces quelques illiers d’hommes dans la paix morte et glacée de fhorizon. La route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir s’épuiser ;toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles masses noires, dont les chantsenflaient de plus en plus la grande voix de cette tempête humaine.