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LES PROBLÈMES DE PREUVE EN DROfl DES ASSURANCE* par Jean-Guy BERGERON*. Dans cette étude sur les problèmes de preuve en droit des assurances, l’auteur dégage d’abord les règles applicables: les règles habituelles de preuve ont généralement leur effet, mais les besoins spéciaux du domaine des assurances ont nécessité des exceptions. Puis l’auteur examine les situations les plus névralgiques où se rencontrent les problèmes de preuve. Pour chacune d’elles, répartition du fardeau de la preuve tre • intérêt spécial pour les praticiens d problématique de la preuve. ral nts à prouver et à la présente un confrontés à cette ln this study relating to the problems of proof in matters of Insurance, the writer begins by setting out the pertinent rules. While the ordinary rules of proof generally sufice, special needs encountered in the area of insurance litigation have necessitated the development of a certain number of exceptions. The writer then examines those situations where problems of proof are most acute. n each situation, he describes the substance of what needs to be proven and he examines issues concerning the attribution of the Sherbrooke, tomes 1 et II, 1989 et 1992. Avocat et professeur, Faculté de droit, Université de Sherbrooke. SOMMAIRE Observations générales Les règles normales de preuve civile. . 1. 1 1. 2 Les règles spéciales de preuve 415 416 L’acte criminel. la faute intentionnelle. le suicide . 2. 1 Les éléments à prouver.. 2. 2 Le fardeau . 2. 3 Le degré de preuve Impact de certains facteurs sur la preuve . 2. 417 418 420 421 422 OF dommages . 432 Généralités . 5. 1 5. 2 La preuve de la valeur réelle . . 432 Les manquements aux obligations lors d’une réclamation 434 . . 434 7. 1 La déclaration judiciaire de décès . . . 435 . 2 La déclaration judiciaire de présomption de décès . … 436 L’existence de l’invalidité et sa continuité . 438 8. 1 L’existence de l’invalidité . 438 (1992) 22 R. D. U. S 8. 2 Les problèmes & preuve en droit &s assurances La continuité de l’incapacité . 8. 2. 1 Modification dans l’état de l’assuré 8. . 1 . 1 L’état actuel de la jurisprudence 8. 2. 1. 2 Notre point de vue: le fardeau ? l’assureur . 8. 2. 2 Entrée en jeu d’une nouvelle définition de l’invalidité PAGF intentionnelle, le suicide, la cause des dommages, la fausse déclaration, l’évaluation des dommages, les bllgatlons après sinistre, l’existence d’un décès et la reconnaissance de l’invalidité. Nous examinerons chacune de ces situations afin d’exposer les éléments à prouver et la répartition du fardeau de la preuve entre les parties.

Parfois, il faudra aussi évaluer le degré de preuve requis. L’application sans nuance des règles de preuve peut entraîner des résultats désastreux pour l’une ou l’autre partie. Dans notre examen des problèmes de preuve, nous nous préoccuperons de rechercher des solutions justes et réalistes. Commençons notre étude en formulant quelques observations générales ur l’intégration des règles normales de preuve en assurance et sur certaines règles spéciales ayant une portée générale.

Les règles normales de preuve civile L’assurance est une matière civile et à ce titre, elle obéit aux règles normales de preuve, qu’il s’agisse du degré de preuve exigé, de la répartition du fardeau de la preuve ou des mo ens de preuve acceptables. Ainsi, le degré de preuve e de la prépondérance de la PAGF OF lesquels est fondée sa contestation. Cette disposition impose donc, entre autres, à l’assuré de prouver la garantie, ? l’assureur de Les problèmes de preuve en droit des assurances 1992) 22 R. D. U. S. prouver l’exclusion.

Dans cette perspective nous verrons quand se termine l’obligation de l’un et commence celle de l’autre. Quant aux dispositions régissant les moyens de preuve, elles sont généralement applicables. Certaines règles spéciales de preuve modifient la disponibilité de ces moyens. Les dispositions sur les assurances contiennent des règles spéciales de preuve. L’assureur ne peut prouver les conditions ou les déclarations qui ne sont pas énoncées par écrit dans le contrat, puisqu’il ne peut les Invoquer SI elles ne revêtent pas cette formel .

L’une des conséquences de cette isposition est d’écarter toute sanction en cas de déclaration inexacte qui n’aurait pas été intégrée par écrit dans le contrat. Lieffet de cette disposition n’est pas de transformer la déclaration en réticence, mais d’empêcher absolument l’ -nvoquer. L’assureur ne PAGF s OF limité4 d’une exclusion doit parfois être prouvé et il appartient à l’assureur de le faire. Si l’assuré prouve une divergence entre la police et la proposition, la proposition fera fol du contrat, laissant la clause divergente inopposable à l’assuré5.

L’avenant réducteur des obligations de l’assureur n’a aucun effet à moins qu’il ne prouve voir obtenu le consentement écrit de l’assuré pour son émission6. 4. 6. Art. 2482 C. C. Ily a réticence lorsqu’on ne dévoile pas ce qui est, quand on retient une information par opposition à une fausse déclaration où on dit le contraire de ce qui est. L’exclusion de garantie en cas de violation des lois ou des règlements (art. 2481 C. C. ). Toute exclusion de garantie en assurance de dommages est assujettie à cette preuve (art. 2563 ai. C. C. ). Art. 2478 ai. 2 C. C. Art. 2482 ai. 2 C. C. Les problèmes & preuve en droit as assurances PAGF 6 OF police, la priorité doit être donnée à la proposition même si elle est verbale. Une exception directe existe dans le cadre des déclarations du risque. En vertu de l’article 2491 C. C. , il est permis de faire la preuve testimoniale de la déclaration exacte faite par l’assuré, même si elle est contraire à celle écrite, pourvu qu’elle ait été inscrite par le représentant de l’assureur ou par tout courtier d’assurance.

Si l’assuré ou toute autre personne intéressée9 prouve ainsi la déclaration exacte et si cette déclaration n’est pas fausse, il n’y aura pas de sanction, même si la déclaration inscrite était fausse. On ne présume donc pas que la personne signataire de la proposition accepte son ontenu et en est responsable comme c’est habituellement le cas pour le signataire d’un document . Examinons maintenant les situations d’assurance particulières où questions de preuve revêtent une grande importance. 2.

L’acte criminel, la faute intentionnelle, le suicide Nous regroupons l’acte criminel, la faute intentionnelle et le suicide, en raison de deux caractéristiques communes: ce sont des actes d’une gravité 8. 7 OF certaine et leur reconnaissance repose à la fois sur la preuve de deux éléments dont l’un est objectif, la commission de l’acte, et l’autre subjectif, l’intention de commettre cet acte. Les éléments à prouver Dans tous ces cas d’exclusion, l’assureur doit prouver que a porté non seulement sur l’acte posé, mais aussi sur son résultat.

Une des conséquences de cette exigence est que ces actes doivent être la cause du sinistre, sauf une convention au contraire où on formulerait l’exclusion en utilisant une expression équivalente à celle de à l’occasion de… En principe, il faut aussi prouver les autres éléments constitutifs de l’acte reproché. Cependant, l’usage d’un concept de droit criminel ne signifie pas automatiquement qu’il est entendu dans son sens technique t étroit, tel que défini par le Code criminel, dans le contrat d’assurance. Comme tout autre terme, il faut l’interpréter selon le sens courant afin de respecter les règles normales d’interprétation.

On a déjà pensé qu’un terme technique utilisé dans un contrat d’assurance s’y retrouve avec son sens technique, sauf preuve au contraire 1 On peut lue dans l’affaire Debenhams: «The term « embezzlement » in this olicy meant the same thing as it meant in an indictment. reason for eivine it any strict sense of the criminal law. It does not bring in all the eccentricities of the law of larceny. 10. Par exemple, dans le cas où le contrat d’assurance définit différemment le terme. Debenhams L&f. v. Excess Insurance co. , (1912) 28 T. L. R. 505. oir aussi sur le terme riot: London and Luncashire Fire Insurance Co. M. v. Bolands, (19241 AC. 836. Les problèmes & preuve en droit des assurances 419 It means only What an ordinary commercial man would consider be theft»12. Aux États-unis, on se réfère également au sens commun pour définir ces mots. Confirmant la décision du juge de district, la Cour d’appel de New York écrit ceci: «The meaning of « riot » that the District Court determined was ntended by these parties is its popular and usual meaning l_Jnder this formula, a riot occurs when some multitude13 of individuals gathers and creates a tumult.

A substantial weight of authority supports this formulation. It is the definition of riot that most accords to common sense. It is unlike that these parties expected qu’il n’y a pas eu vol, car elle n’a pas commis un acte de malhonnêteté, croyant légitimement pouvoir le falre afin d’assurer le paiement de ce qui lui était dû. La Cour n’ignore pas le droit pénal, mais y réfère jusqu’à la limite de ce qui est accepté comme 12. 13. 14. 5. Nishina Trading Co„ Ltd. v. Chiyda Fire and Marine Insurance Co. [1969] 1 Lloyd’s Rep. 293, 298 (C. A. ); voir aussi: pawle v. Bussel 1 (1916) 85 L. J. KB. 191. Donc plus que le nombre minimal de trois exigé partle Co& criminel. pan American World Airways Inc. v. Aema Casualty & Surety Co. , [1975] 1 LIOYd’S Rep. 77, 99 (U. S. C. A. ). Jugement de la Cour de district rapporté dans les [1974] 1 Lloyds Rep. 207. Boyle v. yorkshire ms. co. 56 0. LR. 564, 566 (ont. C. A. ). Les problèmes de preuve en des assurances étant un vol selon le sens commun: même le sens courant exige une idée de