le poisson scorpion

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1956. Après un long périple à travers l’Iran, l’Afghanistan et l’Inde, dont il nous a offert le récit dans « Cusage du monde », Nicolas Bouvier s’est séparé de son compagnon d’aventure Thierry Vernet et a poursuivi sa route seul vers Ceylan. Ceylan, Ille des démons du Ramayana. Ceylan, l’île maudite. Ceylan, sa chaleur d’étuve et son humidité où la volonté ne peut que se dissoudre, inéluctablement. Au moment de quitter l’Inde, Nicolas Bouvier, et le lecteur avec lui, est pris d’un mauvais pressentiment.

Cest que ces îles des tropiques ont mauvaise éputation: climat malsain et sorcellerie y règnent en maitres. Je ne me suis jamais risquée dans cette région du monde, je Swipe Lo nexL page ne peux donc pas jug Nicolas Bouvier sont ors terriblement justes e Sni* to View par l’unanimité qui s de Ceylan, ou bien d s descriptions de elles « sonnent » qu’être frappée ‘ai lus et qui parlent avec fascination, dégoût, une ironie caustique ou encore un merveillement quelque peu morbide.

Hermann von Keyserling (évoquant Ceylan dans son « Journal de voyage d’un philosophe »), Louis Couperus (un des grands classiques néerlandais du XIXème siècle, dans son oman « De Stille kracht » qui se déroule en Indonésie) ou encore Muriel Cerf, dans son récit fantasmagorique d’un v voyage en Indonésie « Le diable vert » (déjà présenté ici). Tous sont d’accord. Sous ces tropiques, la rationalité occidentale n’a plus cours et notre intelligence par trop carrée, notre volonté par trop rigide, se heurtent à une force silencieuse, une éroslon souterraine, discrète mais implacable.

Certains voyageurs se hâtent de repartir (Hermann von Keyserling). D’autres, dont Nicolas Bouvier, restent comme pris au piège, phalènes éblouies et hypnotisées par la flamme. Le poisson-scorpion », récit d’un séjour dans [île des démons, est donc aussi le récit d’une descente aux enfers. Nicolas Bouvier est arrivé à ce moment du voyage où, après avoir usé trop de ses forces en chemin, il voit toutes ses certitudes s’effrlter et ne peut plus que s’effondrer.

Et pourtant, j’ai rarement lu un livre à ce point débordant dihumour, d’espoir et d’amour de la vie, de cet amour de la vie qui est trop souvent enterré sous les épaisseurs des habitudes, de la vie quotidienne, des petits et des grands soucis, des joies et des plaisirs conventionnels, tous ces bagages nutiles qui nous font oublier l’essentiel. Un amour de la vie que l’on retrouve au fond du puits, au moment de donner le coup de talon qui permettra de remonter à la surface, dépouillé, tellement plus libre et plus léger, et le sourlre aux lèvres.

Ma première rencontre avec les livres de Nicolas Bouvier remonte à une dizaine d’année. J’avais lu alors « Chronique japonaise » (que j livres de Nicolas Bouvier remonte à une dizaine d’année. J’avais lu alors « Chronique japonaise » (que je relis en ce moment) et ‘usage du monde », deux livres que j’avais beaucoup aimés et dont je gardals un excellent souvenir. Et pourtant, je n’étais pas du tout préparée à ma découverte du « poisson-scorpion ». Je n’étais pas préparée à la qualité d’une écriture dont la beauté ne doit certainement rien au hasard, sans le moindre effet de manche, sans un mot inutile.

Nicolas Bouvier capture ici avec une économie de moyen et une légéreté de touche que ne désavoueraient pas les maîtres du haiku bien plus qu’une île et ses paysages: l’essence d’une expérience humaine. Extrait: « On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, ous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels.

On s’en va loin des alibis ou des malédictions natales, et dans chaque ballot crasseux coltiné dans des salles d’attente archi-bondées, sur de petits quais de gare atterrants de chaleur et de misère, ce qu’on voit passer, c’est son propre cercueil. Sans ce détachement, comment espére faire voir ce qu’on a vu? Devenir reflet, écho, courant d’air invité muet au petit bout de la table avant de piper mot.  » (pp. 53-54)