le colonel chabert
Cinquième promenade (extrait) Rousseau fait part de ses réminiscences et évoque un séjour passé à lîle de Saint-Pierre sur le lac de Bienne.
Quand le lac agité ne me permettait pas la navigation, je passais mon après-midi à parcourir Ille en herborisant à droite et ? gauche, m’asseyant tantôt dans les réduits les plus nants et les plus solitaires pour y rêver à mon aise, tantôt sur les terrasses et les tertres, pour parcourir des yeux le superbe et ravissant coup d’œil du lac et de ses rivages couronnés d’un côté par des ontagnes prochaines et de l’autre éla gis en riches et fertiles plaines, dans lesquelles la vue s’étendait jusqu’aux montagnes bleuâtres plus éloignées qui la bornaient.
Quand le soir approchait je descen m’asseoir au bord du c s PACE 1 le bruit des vagues e gi ‘allais volontiers elque asile caché ; l? l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles rappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser.
De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon ?me ne laissalt pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort.
Après le souper, quand la soirée était belle, nous allions encor de là sans effort. Après le souper, quand la soirée était belle, nous allions encore tous ensemble faire quelque tour de promenade sur la terrasse pour y respirer l’alr du lac et la fraîcheur. On se reposait dans le pavillon, on riait, on causait on chantait quelque vieille chanson qui valait bien le tortillage moderne, et enfin fon s’allait coucher ontent de sa journée et n’en désirant qu’une semblable pour le lendemain.
Telle est, laissant à part les visites imprévues et importunes, la manière dont j’ai passé mon temps dans cette île durant le séjour que j’y ai fait. Qu’on me dise à présent ce qu’il y a l? d’assez attrayant pour exciter dans mon cœur des regrets si vifs, si tendres et si durables qu’au bout de quinze ans il m’est impossible de songer à cette habitation chérie sans m’y sentir ? chaque fois transporté encore par les élans du désir.