Incipit un roi sans divertissement
L’incipit. Du début jusqu’à « Ce qui est arrivé est plus beau ; je crois » (p. 9 à 13). Introduction Eléments sur la bio de l’auteur / sur la Genèse de l’oeuvre Ce passage, l’inciplt du roman, constitue un prologue préalable à l’action qui ne débutera qu’à la page 13. Traditionnellement un incipit remplit deux fonctions principales : informer le lecteur, lui donner les renseignements essentiels de la situation initiale de l’action, et capter son attention (captatio benevolentiae), arriver ? le plonger dans l’histoire.
Cependant dans ce passage le récit de l’action ne commence pas encore et ce préambule narratif ouvre Swipe to nex: page plus de questions qu’- lecteur, tout en satisf an or 12 de tout Incpit. C’est Sni* to View un sens plus haut qu de la beauté. -oue les attentes du ptatio benevolentiae ser chez le lecteur e et de vérité, celui Question directrice : en quoi cet incipit est-il original ? l. Un incipit qui remplit ses fonctions habituelles, en les détournant.
Tous les éléments d’un incipit traditionnel sont présents mais ? l’état lacunaire : le narrateur présente les faits mais leur mystère reste entier ; quelques personnages sont nommés mais le plus important est un arbre ; I es lieux sont vagues ; le temps est flou et la pléthore des indications données par le narrateur n’offre pas un surcroit de précisions mais une somme de renseignements superflus. 1) Le cadre spatio-temporel est renseigné mais sa présentation est subjective et drolatique. Les lieux et le temps font l’objet d’un traitement assez complexe. ) le temps n’est pas linéaire mais on opère un va-et-vient entre deux époques : 1843 – 44 — 45 et 1946 (y a-t-il même un jeu dans la suite des chiffres si nous adhérons à la croyance qui fait de l’auteur, le narrateur des faits en 1946. Enfin, le présent ancre ‘histoire au moment où le narrateur (auteur ? ) écrit, en 1946 (p. 9). b) c) les lieux sont précis mais ils ne concernent alors que des routes, des cols, des voies, bref des lieux de transition, ? l’exception de Chichiliane dont on semble faire un lieu fictif.
Les repères donnés semblent être connus : « la scierie », « la route d’Avers ». Le lecteur attend la suite car en réalité, les informations restent floues (p. 9). D’un côté, les indications données semblent réelles à vingt et un kilomètres d’ici » ; « Chichiliane » existe réellement mais son orthographe a été modifiée) ; d’un autre ôté, les référents sont flous : « ici »„. c’est où ?
Le narrateur accentue l’effet d’irréel en insistant sur le peu de passages que cet endroit connaît (« mais on ne va pas à Chi 12 l’effet d’irréel en insistant sur le peu de passages que cet endroit connait (« mais on ne va pas à Chichiliane ») et surtout sur l’ennui qu’il représente (« On ferait quoi à Chichiliane ? Rien par ces quelques phrases, le narrateur nous emmène là où cela l’intéresse – c’est lui qui fait les questions et les réponses il ancre le lieu dans une géographie finalement plus imaginaire que éelle : parce que, tel qu’il va en parler, c’est un lieu de fiction.
D’ailleurs, en guise de descriptions, nous avons des éléments fort vagues : « en route torse, au fond d’un vallon haut » (le paysage est davantage le reflet d’un imaginaire, avec le symbolisme du haut et du bas, qu’une topographie réelle). Pour décrire les autres endroits, supposés être plus intéressants, le narrateur précise qu’on y trouve « parfols un découvert, ou des bosquets… Y. Qu’y a-t-il là de sensationnel ? Cest que, comme le narrateur le dit lui-même, « On ne ferait rien à Chichiliane. comme ici. Ailleurs aussi naturellement Bref, partout, on s’ennuie ! t Chichiliane est paradoxalement « extraordinaire » d’ennui… Lieux et temps sont envisagés de façon subjective par le narrateur, le temps, en fonction de ce qui l’intéresse, les lieux. déformés par une description symbolique. Il en va de même pour la description des personnages. 2) L’action (une enquête) est es 19 en va de même pour la description des personnages. 2) L’action (une enquête) est esquissée et les personnages évoqués mais rien de précls n’est dit et aucun héros n’apparait. Les personnages sont partiellement présentés.
Ils se réduisent ? un prénom ou une initiale. a) Frédéric à la scierie (p. 9) Est-il le héros du roman ? Nous n’avons qu’un prénom. L’énumération des membres de la famille (« père… arrière-grand-père ») se veut exhaustive mais elle ne fait que nous apprendre qu’il s’agit d’une entreprise familiale, héritée de père en fils. Frédéric devient par la suite un nom propre. b) Le narrateur fait un retour dans le passé, au XIXe siècle, afin de parler d’un second personnage, M. V. , encore plus énigmatique que le premier, car son nom se réduit à deux initiales.
Lui aussi a n rapport direct avec le hêtre mais l’absence de précisions sur ce qu’il en fit surprend le lecteur. On nous dit seulement qu’il s’en « servit beaucoup Hypothèses sur la signification des initiales c) Mort Vie d) Montagne Vallée / Meurtrier Victime / Mystère Vérité / Monsieur V (V : le cinquième du nom) / Mort Volontaire / Mort Violente / Moi comme Vous / Mal Vérité / Mal Vertu e) Comme au début du roman, le personnage est évincé pour s’attarder sur les lieux. f) On abandonne le personnage pour un arbre, un hêtre, et c’est lui qu’on décrit.
La transition se fait pa 2 bandonne le personnage pour un arbre, un hêtre, et c’est lui qu’on décrit. La transition se fait par le motif de la route qui serpente et qui nous fait progresser de Frédéric à l’arbre (comme Frédéric, plus tard, mènera Langlois jusqu’à MN. devant un hêtre). Le passage du je » au « on » montre que le narrateur se met ? la place de tout homme qui verrait parbre. Celui-ci est personnifié (on parle de sa peau, de sa carrure) puis divinisé en Apollon, le dieu de la musique et de la poésie.
Les superlatifs qui qualifient l’arbre, l’admiration excessive que lui manifeste le narrateur signalent son hypnotique beauté. C’est une beauté qui doit frapper celui qui regarde. L’arbre est, de plus, conscient de l’effet qu’il produit et qu’il sait dépendre d’une certaine mise en scène. Transition : cette vision « esthétique » de la nature n’annonce-t- elle pas l’intention de l’auteur ? Il. Un incipit proprement original. 1) Le narrateur « brode » à loisir, brouille les pistes, instaure un jeu avec le lecteur. a) Quand situer le récit premier, celui de ce chroniqueur qui mène l’enquête sur les V. u début du roman ? Environ un siècle après l’histoire de M. V. , à une date très proche de celle de la rédaction u roman. Dans Noé, Giono confond d’ailleurs ce chroniqueur avec lui-même (« on m’a raconté fhistoire Mieux vaut ne pas confondre le narrateur et l’aute PAGF s 9 lui-même (« on m’a raconté l’histoire Mieux vaut ne pas confondre le narrateur et l’auteur : rien ne permet d’identifier ce je initial d’Un roi comme un auteur de romans. Admettons donc que le narrateur premier se situe vers 1945-46. Quand il dit « 43 il doit donc préciser 1800 évidemment p. 3), preuve que la confusion est possible. b) Le narrateur expose les résultats de son enquête ; retrouver des V. à Chichiliane et dans les environs. Il travaille à partir des sources humaines (les témoignages des gens qui tiennent les commerces actuels) et à partir des sources historiques locales (les monuments commémoratifs). Notons que de M. V. nous sommes passés à V. On parle de cette famille comme d’une famille royale car « éteinte » s’applique pour une lignée. Est-ce une allusion au titre qui contient le mot « roi ? ) Le narrateur fait l’aveu de son absence de savoir, ce qui le différencie des romanciers du XIXe siècle, la plupart du temps parfaitement omniscients. Il va même plus loin : après avoir longuement parlé du jeune V. il avoue qu’il ny a peut-être aucun lien entre celui-ci et M. V. Le lecteur est désorienté car le narrateur n’est plus un gage de confiance. Il va encore plus loin. Après avoir avoué qu’il n’y avait peut-être aucun lien entre ces deux V. , non seulement, il affirme qu’il ne sait pas à quoi il ressemble mais il l’imagine d PAGF 19 V. non seulement, il affirme qu’il ne sait pas à quoi il ressemble mais il l’imagine devant nous, en lui donnant les traits… du jeune V. Il ne nous renseigne ni sur son nom exact, ni sur son métier, ni sur son caractère, et dresse un portrait physique hypothétique ont les détails sont eux-mêmes hypothétiques une barbe un peu clairsemée… indispensable Il « brode » tout simplement (ny a-t-il pas une brodeuse dans l’histoire ? ) de sorte que toutes les descriptions qu’il a faites jusqu’à présent sont mises en doute par le lecteur. ) 2) Le récit fait une incursion dans le poétique, signalée d’ailleurs par le narrateur lui-même (avec la mention d’Apollon et de la prose poétique de Nerval). 3) ‘incipit annonce sa dette envers d’autres écrivains. Blaise Pascal est présent dès le titre mais aussi à travers l’idée d’une famille royale et du divertissement. Gérard de Nerval est cité explicitement. La mention d’Apollon renvoie à la mythologie grecque, l’image du versant de Diois comme Déluge est d’inspiration biblique.
Les « vingt et un kilomètres » évalués en « lieues » qu’on parcourt en « bottes » font penser au conte de t, « le Petit Poucet perdu en forêt et rencontrant un Perraul ogre. Giono Ilsait d’ailleurs Sylvie et les pensées au moment de la rédaction du roman. 4) Tout d’abord, avant darriver à sa ferme, on trouve une fontaine et des roses trémières 7 2 roman. 4) Tout d’abord, avant d’arriver à sa ferme, on trouve une ontaine et des roses trémières. C’est un décor médiéval où, comme dans les contes, on s’arrête devant un seuil inltiatique. ? Les roses trémières » sont une allusion à un poème de Nerval. Or, M. V. lit un roman de Newal. Nous sommes ici dans un procédé d’intertextualité clair (un auteur en cite un autre ou cite l’une de ses œuvres de façon plus ou moins explicite). Lorsque le narrateur se reprend en disant « Cest pourquoi je dis, Sylvie, là, c’est assez drôle », il fait une ellipse car le lecteur a compris qu’il s’agissait de « lire Sylvie ». De cette façon, l’intertextualité ui parcourt l’œuvre est soulignée, en premier lieu, par le titre de l’œuvre, un rol sans divertissement, qui est une cltation incomplète de Pascal.
Le portrait que le narrateur fait du descendant de M. V. est celui d’un rêveur qui se réfugie dans les livres. A plusieurs reprises, comme une image fixe, on dit qu’ « il lit qu’ « il lisait La superposition du présent et de l’imparfait semble arrêter l’action, la figer dans un hors-temps. Est-elle l’image des lecteurs de Giono, l’image du divertissement ? 5) Le mélange des genres surprend. a) Le texte est bâti sur un mélange des genres reconnu par Giono : il y a du réalisme, du baroque, de l’humour, de la poésie . ex. ‘humour des apartés du narrateur («Je ne sa 9 du baroque, de [‘humour, de la poésie : ex. l’humour des apartés du narrateur Je ne sais pas moi « là, c’est assez drôle ») introduit dans le magma de cette vision horrifiante une note de légèreté, si bien qu’on a dit que Clono s’inspirait des caractéristiques de l’opéra-bouffe. b) Le texte est par moments hermétique dans ses passages poétiques, familier par les tours oraux du narrateur : les modalisateurs employé,n s Il n’est pas possible « hors de oute ») confèrent un ton familier de discussion à la narration.
III. Les thèmes du roman sont fixés. 1) La beauté, supérieure à la vérité, est affiliée au mal. a) L’association du terme « marche » et le passage d’un pronom personnel à l’autre je lui dis « tu ne me dis pas « dit-il ») témoignent d’une circulation de la parole. Face à ce qui est caché et que nous sommes avides de savoir, l’historien « interprète » : il essaie de trouver un sens. Or, le narrateur nous surprend. Plus que le sens et la vérité, c’est la beauté qu’il recherche (« Ce qui est rrivé est plus beau ; je crois »).
Non seulement, Vidée de beau ici surprend dans un contexte où quelqu’un fait quelque chose de mal mais de plus, le sens esthétique semble être supérieur aux autres, peut-être parce que c’est par lui que l’on va comprendre ce qui doit être compris. c) On y apprend que la beauté est supérieure aux aut va comprendre ce qui doit être compris. c) On y apprend que la beauté est supérieure aux autres qualités, et même à la vérité, ce qui explique, d’une part, les inexactitudes du narrateur et, d’autre part, ses développements poétiques, u encore son attention aux portraits qui sont des œuvres esthétiques. ) On y comprend que la beauté coexiste avec le mal : la beauté de l’arbre peut être « renversée le col de Menet est un paysage diluvien ; la ferme des V. , sombre, est pourtant entourée des plus belles roses. e) f) Le narrateur nous guide ensuite dans un labyr nthe géographique qui sera l’image du roman. La montée nous expose à la découverte de la beauté, la descente nous mène vers le dernier des V. Le décor qui précède la présentation de ce jeune homme devient de plus en plus poétique mais aussi de plus en lus sombre.
Mais la poésie de Giono ne passe pas que par des références littéraires : elle se fait voir également dans l’écriture même. La nature est comparée à un gisement minier. Les métaphores abondent et présentent le paysage comme laid et monstrueux. Le narrateur nous étonne ici, lui qui est censé être un chroniqueur posé, par le déferlement d’images chaotiques qu’il décrit : il n’y a plus trace de l’humain, seuls se mêlent les règnes végétal, minéral et animal. Plus sombre est le paysage, plus sombre est la nature humaine. 2) on per