Dik Et Martinet Fontionn

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DIK ET MARTINET, DEUX APPROCHES DU FONCTIONNALISME Document téléchargé depuis www. cairn. info – Université Pierre Mendes France – Grenoble – – 195. 221A7. 138 – 05/03/201 5 21 h31. @ Presses Universitaires de France Presses Universitaires de France I La linguistique 2012/2 – vol. 48 pages 27 à 58 ISSN 0075-966X Article disponible en orag Sni* to View la-linguistique-2012 -2-page-27 . htm Pour citer cet article : Colette, « Dik et Martinet, deux approches du fonctionnalisme La linguistique, 2012/2 vol. 48, p. 27-58. DOI : 10. 917/1ing. 482. 0027 dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www. cairn. info – Université Pierre- Mendes France – Grenoble – – 195. 221. 47. 138 – 05/03/201 5 21 h31. Colette Feuillard Mendes France – Grenoble – – 195. 2210. 138 – 05/03/201 5 21 h31. DIK ET MARTINET, DEUX APPROCHES DU FONCTIONNALISMEI par Colette Feuillard Université Paris Descartes This paper aims to underline the fundamental characteristics of functionalism by comparing The Theory of Functional Grammar proposed by Simon C.

Dik, and The Theory of Functional Linguistics developed by André Martinet. It concerns successively the theoretical principles, the structure of he « grammaf’, and the methodological approach. Some differences appear essentially concerning the formalisation of the theory and the subjacent conception of the grammar. However both points of View reveal some strong analogies focusing on the function of communication, the social interaction, the dynamics of language, and the strict respect for the observed data. It underlines the relationship between language and society, specific to Functionalism.

OF approches se disent, à l’heure actuelle, fonctionnalistes (cf. Martinet, Mulder, Halliday, Fries, Slewierska, Dik, Givôn, etc. , tout en paraissant relativement éloignées les unes des autres. C’est pour essayer d’ouvrir le débat que je procéderai à un rapide examen comparatif des théories initiées par Dik et Martinet, afin de dégager, au-delà de la spécificité de chacun de ces mouvements, un certain nombre de Il s’agit d’une version partiellement remaniée d’un article paru dans Mohammed Jadir (Ed. , Fonctionnalisme et description linguistique, Éditions universitaires européennes, Saarbrücken, 2011, pp. 147-171. La Linguistique, vol. 48, fasc. 2/2012 Mendes France – Grenoble – – 195. 221. 47. 38 -05/03/201521 h31. @ Presses LJniversitaires de France 28 novembre 2012 – Varia – Linguistique-2_2012 – Revue – 135×215 – page 27 / 184 195. 221. 47. 138 – 21 h31. 8 28 no points communs qui justifient l’appel ation fonctionnaliste, et qui pourraient sewir à caractériser d’une manière générale le fonctionnalisme, sans préjuger de la mise en œuvre de la théorie elle-même. Cette étude portera succe PAGF les principes générale (1985) d’André Martinet, sans oublier Éléments de linguistique générale (1960), base de la théorie martinétienne, afin de mieux mettre en lumière les onvergences ou non des points de vue à un moment donné de leur histoire.

Toutefois, il convient de noter que si les années 19781 979 semblent être un moment clé pour la grammaire fonctionnelle chez Dik comme chez Martinet, elles correspondent pour Dik à une affirmation de son point de vue présenté initialement dans sa thèse en 1968, alors que pour Martinet, il s’agit d’une étape nouvelle dans sa recherche sur le fonctionnalisme, consacrée au départ à l’indo-européen et à la phonologie sous l’influence de Saussure et dans le sillage de Troubetzkoy. Cette ifférence de génération entre les deux auteurs est fondamentale pour comprendre certaines de leurs divergences.

Enfin, il sera fait référence de manière ponctuelle et très marginale à des problématiques plus récentes développées par certains de leurs disciples respectifs Principes théoriques Soucieux de marquer l’originalité de son point de vue par opposition à la grammaire transformationnelle de Chomsky, Dik définit une langue de la façon suivante 1 . a language is conceived… as an instrument of social interaction between human beings, used With the primary aim of stablishing communicative relations between speakers and addressees » (Dlk, 1979 : 1). PAGF OF 195. 221. 47. 138 – 05/03/201 5 21 h31. Presses Universitaires de France Dik et Martinet, deux approches du fonctionnalisme 29 La fonction d’une langue n’est donc pas d’exprimer, en priorité, la pensée, mais d’être un instrument au service d’une interaction sociale qui met en jeu deux types de partenaires, le locuteur et l’allocutaire, à des fins de communication. 2. « The primary function of a language is communication » (Dik, 1979: 1)• L’accent étant mis sur l’interaction sociale, entendue comme ctivité et plus précisément comme une forme de coopération entre les différents protagonistes de l’acte de communication, la pragmatique occupe une place de premier ordre. . « A theory of Functional Grammar… is conceived… as part of a wider pragmatic theory of verbal interaction (Dik, 1 979 : 2). En raison de leur fonction, les langues comportent deux dimensions, l’une pragmatique, l’autre linguistique, reposant sur deux systèmes de règles de nature sociale, caractéristiques de leur structure respective : les règles pragmatiques gouvernent l’interaction verbale et les règles propres à routil ui-même en tant qu’instrument de communication déterminent l’expression linguistique selon un ordre hiérarchique particulier, sémantique, syntaxique et phonologique.

Compte tenu de ces postulats, la Grammaire fonctionnelle de Dik vise, sur le plan de rexplication, plusieurs niveaux d’adéquation2. 4. « L’adéquation pragmatique » (Dik 1979 : 6). Celle-ci consiste à montrer la congruence entre les expressions linguistiques utilisées et les situations dans lesquelles elles sont employées. 5. « L’adéquation psychologi ue» Dik En effet, pour qu’une théo PAGF S 1979 7). dre compte de ‘activité de communication, il paraît nécessaire qu’elle soit compatible avec des 2. Le principe d’adéquation sera discuté plus loin. Mendes France – Grenoble – – 195. 21. 47. 138 – 05/03/2015 21 h31. 28 novembre 2012 – varia – Linguistique-2_2012 – Revue – 135×215 page 29 / 184 30 hypothèses solidement validées sur les processus langagiers, en particulier sur « la construction et la formulation des expressions par les locuteurs et le traitement et l’interprétation des expressions par les allocutaires » (Mackenzie, 2003 : 13). 6. « L’adéquation typologique » (Dik, 1979 : 8). Toute théorie linguistique devrait être en mesure de décrire n’importe quelle langue et d’en dégager les spécificités, tout en notant les similitudes avec d’autres langues.

Martinet Marqué par le structuralisme européen et plus particulièrement par le Cercle linguistique de Prague et les recherches en phonologie, Martinet cherche d’abord à définir la langue d’un point de vue général. 1. « La langue est un instrument de communication » (Martinet, 1960 : 22) qui permet la tr ne expérience. le locuteur peut trouver dans le comportement, non linguistique linguistique, de l’auditeur, l’assurance que la communication été réalisée » (Martinet, 1985 : 19).

Cette fonction a donc pour corollaire une incidence éventuelle sur le comportement de l’allocutaire. 3. La langue est doublement articulée et de manifestation vocale (Martinet, 1 960 : 22). L’expérience, c’est-à-dire ce qui peut inciter le locuteur à procéder à une communication linguistique » (Martinet, page 30 / 184 31 1985 : 19) est exprimée à l’aide d’unités significatives minima, les monèmes, « globalement équivalents » aux morphèmes dans la tradition américaine.

Ces monèmes, unités de première articulation, sont les plus petits signes linguistiques, au ens saussurien du terme, dotés d’un signifiant, constitué de phonèmes, c’est-à-dire d’unités distinctives de seconde articulation, et d’une valeur significative. Les unités signifiantes ne sont pas propres au sujet, ce sont des « valeurs sociales » (Martinet, 1 985 : 23). 4. La langue est donc défi ent à partir de sa PAGF 7 OF différencier la langue des autres systèmes de communication, notamment de la communication animale, et d’en préciser la spécificité.

Sur le plan théorique, elle a une deuxième incidence, fondamentale, qui assure la scientificité de la linguistique, le principe de ertinence, résultant du choix de la fonction de communication. 5. C’est, en effet, en référence à leur pertinence communicative que sont identifiées les unités constitutives de la langue et leurs variantes (Feuillard, 2001 J. Sont considérés comme pertinents et faisant partie de la langue les éléments qui répondent à la fonction de communication, soit parce qu’ils assument une fonction distinctive comme les phonèmes, cf.

It/ et Im/ dans /taR/ « tare » et /maR/ « mare », soit du fait qu’ils exercent une fonction significative comme les monèmes, cf. ‘pa/ « peux » et Iva/ « veux : 1 ) Je peux l’interdire/Je veux l’interdire En revanche, le son [r] n’est pas un phonème distinct de ‘RI, puisque la substitution de ce dernier par [r] dans le contexte proposé n’entraîne pas de différence de sens, [tar] signifiant toujours « tare De même, le remplacement de la forme ‘po/ par [pyi] ne change pas le sens du monème. r] – page 31 / 184 Mendes France – Grenoble – – 195. 221. 47. 138 – 05/03/2015 21 h31. Presses Universitaires d (2) Puis-je Pinterdire ? Par conséquent, il ne s’agit pas d’unités linguistiques différentes. [r] est une variante, ou un allophone, du phonème R/, et [pyi] une variante, ou un allomorphe, du slgnifiant du monème « peux 6. En ce qui concerne le principe d’adéquation, envisagé d’un point de vue général, Martinet ne l’a pas posé.

En revanche, on le trouve chez Chomsky dès The Logical Structure of Linguistic Theory (1955 : 79), où il est précisé que « la caractérisation générale de la structure linguistique doit se révéler adéquate à la description des langues particulières3 » D’un point de vue philosophique « c’est dans le rapport ontologique primitif de l’intellect à l’objet et dans leur adéquation éelle que se trouve, sinon la vérité sous sa forme parfaite qui n’apparaît qu’avec le jugement, du moins la racine de cette égalité dont le jugement prend conscience et qu’il exprime dans une formule explicite (É.

Gilson, L’Esprit de la philosophie médiévale, t. Il. , 1932, p. 31)4. Par ailleurs, le terme adéquat signifie : 1/ qui rend compte de son objet de manière exhaustive, c’est-à-dire tant sous le rapport de la compréhension que de l’extension ; 2/ qui doit convenir à Pobjet défini tout entier, et ne convenir qu’à lui seul ; 3/ qui est exactement approprié. L’adéquation présuppose donc la vérité, et en conséquence la justesse, rexhaustivité et Pexclusivité pour un objet donné. Or, une théorie linguistique repose, par essence, sur une stipulation, puisqu’il dagit d’une construction.

Aussi est-elle nécessairement arbitraire par rapport aux données qu’elle examine, 3. Cette citation est reprise de l’ouvrage de Noam Chomsky, 1987, La Nouvelle Syntaxe, Paris, Le Seuil, p. 10. 4. Ces différentes accepti adéquation ou adéquat acceptions du terme adéquation ou adéquat sont extraites du Trésor de la Langue Française informatisé, http://atilf. tilf. fr. Document téléchargé depuis www. cairn. info – université Pierre- page 32 / 184 Mendes France – Grenoble – – 195. 221 O. 138 – 05/03/201 5 21 h31. @ presses Universitalres de France 33 même si elle est fondée sur l’observation des faits.

Elle ne peut donc prétendre ni à la vérité, ni à la justesse, qui n’est, en linguistique, nullement démontrable, au sens mathématique du terme, comme le montre souvent la diversité des analyses face à un même phénomène (cf. le problème du sujet dit « réel h, par exemple). Ce que l’on considère, en linguistique, comme ne démonstration n’est, en fait, qu’une argumentation généralement appuyée sur des exemples, mais une argumentation n’a, en aucun cas, valeur de preuve et peut être tout à fait invalidée.

Donc, rien ne permet de dire qu’une analyse est juste, qu’elle convient parfaitement à son objet et à lui seul. Je rejolns pleinement sur ce point l’avis de Martinet lorsqu’il affirme que « stipuler… qu’une langue ou une phrase est ceci ou cela, ne veut pas dire qu’il existe, à titre de réalité perceptible ou dans l’absolu, des objets qui corres ondent nécessairement, totalement et exclusivem tians « langue » ou