charles baudelaires
Épigraphe pour un livre condamne Lecteur paisible et bucolique, Sobre et naif homme de bien, Jette ce livre saturnien, Orgiaque et mélancolique. Si tu n’as fait ta rhétorique Chez Satan, le rusé doyen, Jette ! tu n’y comprendrais rien, Ou tu me croirais hystérique. Mais si, sans se laisser charmer, Ton oeil sait plonger Lis-moi, pour appren Ame curieuse qui so Et vas cherchant ton ors Sni* to View Plains-moi sinon, je te maudis ! L’idéal Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, produits avariés, nés d’un siècle vaurien,
Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien Je laisse à Gavarni, poète des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d’hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans. Le serpent qui danse Que j’aime voir, chère indolente, De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante, Miroiter la peau ! Sur ta chevelure profonde Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde Aux flots bleus et bruns, Comme un navire qui s’éveille Au vent du matin, Mon âme rêveuse appareille Pour un ciel lointain. Tes yeux où rien ne se révèle De doux ni damer, Sont deux bijoux froids où se mêlent L’or avec le fer. A te voir marcher en cadence, Belle d’abandon, On dirait un serpent qui danse Au bout d’un bâton. Sous le fardeau de ta paresse Ta tête d’enfant Se balance avec la mollesse D’un jeune éléphant, Les Iambes ont été composés pendant la Terreur, alors que
Chénier attendait son exécution à la prison Saint Lazare Comme un dernier rayon, commeun dernier zéphyre Animent la fin d’un beau jour, Au pied de l’échafaud j’essaie encor ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour. Peut-être avant que l’heure en cercle promenée Ait poséesur l’émail brillant, Dans les soixante pas où sa route est bornée, Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
Avant que de ses deux moitiés Ce vers que jecommence ait atteint la dernière, eut être en ces murs effrayés Le messager de mort, noir recruteur des ombres, Escorté d’infâmes soldats, Ébranlant de mon nom ces longs corridors sombres,où seul dans la foule à grands pas J’erre, aiguisant ces dards persécuteurs du crime, Du juste trop faibles soutiens, Sur mes lèvres soudain va suspendre la rime; Et, chargeant mes bras deliens, Me trainer, amassant en foule à mon passage Mes tristes compagnons reclus, Qui me connaissaient tous avant l’affreux message, Mais qui ne me connaissent plus. CHennier