Les libéralités – L’indignité successorale

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Université de Namur – Faculté de droit Deuxième année de Bachelier en droit Année académique 2013 – 2014 TRAVAIL DE METHODOLOGIE JURIDIQUE : Chargée de cours : D Assistante responsab GUERINCKX Pierre . Introduction. — Groupe 12 Nous avons choisi de placer en introduction de ce texte une citation, qui, selon nous, illustre bien les problèmes qu’on rencontre dans le droit successoral, problèmes qui touchent de très près la population et quisont susceptibles de créer la discorde au sein même du noyau familial.

Il s’agit donc d’une matière qui doit être manipulée avec la plus grande précaution par le législateur. La rareté des réformes à ce sujet en est la plus grande preuve, le législateur se doit, en la matière, d’agir successoral à la diminution du nombre de mariages et ? l’augmentation croissante du nombre de cohabitations légales. 2 Avant le vingtième siècle, une différence importante était faite entre les statuts des enfants « légitimes » et naturels. Cette discrimination est maintenant terminée. Cela prouve combien le droit successoral est en lien avec l’évolution de la société et se doit d’être ancré dans les mœurs et coutumes sociales de l’époque encore plus que n’importe quelle autre branche du droit. Le droit successoral doit pouvoir sewir de balancier entre les droits et libertés individuelles d’une personne et ses devoirs envers sa famille. L’arrêt du 29 juin 2006 rendu par la Cour d’appel de Gand illustre bien la difficulté qu’a le droit successoral à s’adapter à la réalité sociale.

Nous allons, dans cet exposé, présenter l’indignité successorale et les conditions qui y sont assorties pour ensuite apporter un regard critique sur ces dernières ainsi que sur la position de la doctrine belge et l’évolution jurisprudentielle sur la question. Chapltre : Indignité successorale et ingratitude testamentaire. Section I : Faits et notions. Dans la décision étudiée, l’appelante, sœur et unique héritière légitime de G. M. décédé le 14 mars 1996 entre en concurrence avec la petite amie de ce dernier, désignée légataire universel par testament notarié du 21 mars 1995.

Un arrêt de la cour d’Assises de la province de Flandres Occidentales ayant force de chose jugée, condamne pénalement la petite amie en tant que complice du meurtre de G. M. le 13 mars 1996. 1996. La plaignante demande la révocation du testament réalisé par son frère pour cause d’ingratitude, demande qul lui est, dans un remier arrêt, refusée car le délai d’un an assorti à l’introduction d’une action en révocation est dépassé. La Cour d’appel décide, quant à elle, de privilégier la solution du bon sens qui consiste à ne pas permettre à la personne responsable de la mort du défunt d’hériter de ce dernier.

Cet arrêt rencontre pourtant une jurisprudence divergente4. La succession désigne le mécanisme juridique par lequel s’exécute le transfert d’une partie ou de la totalité du patrimoine d’une personne décédée, le de cujus, dans le patrimoine d’une autre personne, le légataire qui lui survit5 et devient propriétaire es biens cédés. En effet, selon l’article 711 du Code civil : La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations.

La succession est donc, au même titre que la donation, un mode d’acquisition de la propriété. Mécanisme qui, comme il est stipulé dans l’article 718 du Code, « s’ouvre par la mort le décès étant le fait qui provoque le transfert des biens. C’est donc au moment de la mort du de cujus que la succession est considérée comme ouverte, que les successibles deviennent successeurs et ont accès à leur part de l’héritage. En l’espèce, G. M. étant décédé le 14 mars 1996, la succession est exigible ? partir de cette date.

La cause efficiente du transfert, elle, varie selon le type de succession, on en distingue trois différentes qui peuvent être rangées dans deux catégories distinctes. Premièrement, la succession I différentes qui peuvent être rangées dans deux catégories distinctes. Premièrement, la succession légale, dite ab intestat, est fondée sur la loi, concerne donc la plaignante en tant que sœur de G. M. et intervient lorsque le défunt n’a pas laissé de disposition de dernière volonté.

Deuxièmement, la succession, dite volontaire, est soit, testamentaire lorsque le défunt a établi, de son vivant, un testament qui définit qui sont ses légataires, et c’est le cas ici, G. M ayant désigné dans son testament sa compagne comme légataire de ses biens. Soit, elle peut aussi être contractuelle ou, qualifiée de « donation de biens futurs lorsqu’un contrat, le plus souvent de mariage, définit qui sont les institués6, situation non rencontrée en l’espèce, les protagonistes n’étant liés par les liens du marlage.

En ce qui concerne l’arrêt étudié, rendu par la Cour d’appel de Gand le 29 juin 2006, G. M. a désigné, par testament notarié, sa compagne comme légataire universel de la totalité de ses biens, elle est est donc héritière testamentaire. Il rédige, en ce sens, un legs universel au sens de l’article 1003 du Code civil : « Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès.

L’intimée rentre à ce titre en concurrence avec l’appelante, héritière légale en tant que sœur de G. M . Elles auraient donc eu, sans l’introduction par rappelante d’une rocédure en justice, à se partager la totalité de l’héritage, Le testateur laissant une masse héréditaire en état d’indivision. Les droits de l’intimée et de l’appelante étan héréditaire en état d’indivision. Les droits de l’intimée et de l’appelante étant de même nature et portant sur les mêmes biens, ils portent alors sur des parts mathématiques qu’il y aura lieu de partager 7.

L’article 1004 du Code civil décrit la procédure à suivre en cas de concours entre héritiers égaux et testamentaires : « Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la oi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de taus les biens de la succession; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. ? Différentes conditions sont requises pour pouvoir succéder, elles sont énumérées à partir de l’article 725 du Code civil dans le chapitre nommé « Qualités requises pour succéder Sont reprises, trois qualités exigées par la loi auxquelles l’on doit satisfaire pour hériter. Il faut, en premier lieu, posséder la personnalité juridique au moment de l’ouverture de la succession.

Cette condition consignée à l’article 725 exclut de la succession les enfants qui ne sont pas encore conçus (il est cependant ? noter qu’un enfant est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt pourvu qu’il naisse vivant et viable) ainsi que ceux qui ne sont pas né viables. La deuxième condition requiert que, pour pouvoir succéder, l’on soit juridiquement capable. Enfin, il ne faut pas être déclaré comme indigne8.

L’indignité successorale, présentée à l’article 727 du Code civil, peut se définir comme une peine civile qui prive un successible du droit de bénéficier d’une uccession en se rendant coupable de l’un des faits prescrits PAGF s OF successible du droit de bénéficier d’une succession en se rendant coupable de l’un des faits prescrits énumérés dans la disposition envers la personne du de cujus. 9 L’indignité est la sanction qui frappe le comportement du successible dans le cadre dune succession légale.

Elle ne prévaut donc que dans le cadre d’une succession ab intestat. Dans le cadre d’une succession testamentaire, on parle, non pas d’indignité mais d’ingratitude. Nous allons, dans la section suivante dresser les similitudes et les différences de ces deux causes de révocation e la succession. Nous établirons, dans la section suivante une distinction entre les deux termes et leur mode d’application. Section 2 : Similitudes et divergences.

La distinction citée dans le paragraphe précédent est présentée clairement dans un arrêt du tribunal civil de Liège du 18 novembre 2002 et s’affirme sur de nombreux points. Dans cet arrêt, Jean W. , légataire universel de Madame D. , est aussi désigné comme son héritier testamentaire dans un testament rédigé par cette dernière. La plaignante est la fille mineure de jean W. et de Madame D. Monsieur Jean W a tué son épouse le 29 ovembre 1999. Madame D avait rédigé un testament olographe en faveur de son époux. En l’espèce, la distinction n’avait pas été faite.

Elle est développée par Jean-Louis Renchon dans les notes qui commentent cet arrêt. Il appuie la distinction entre l’indignité successorale, qui prive un héritier légal de ses droits successoraux, et l’ingratitude qui résulte d’une résolution de la disposition testamentaire pour les causes prévues à l’artlcle 1046 du code civil qui renvoie à l’article 955. 10 En p OF causes prévues à l’article 1046 du code civil qui renvoie à l’article 955. 10 En premier lieu, ingratitude et Indignité diffèrent au niveau de leur base égale.

L’indignité se fonde sur l’article 727 du Code civil qui se lit comme suit : « Est indigne de succéder, et, comme tel, exclu de la succession : | 0 celui qui est reconnu coupable d’avoir, comme auteur, coauteur ou complice, commis sur la personne du défunt, un fait ayant entraîné sa mort, tel que visé aux articles 376, 393 à 397, 401, 404 et 409, S 4, du Code pénal, de même que celui qui est reconnu coupable d’avoir tenté de commettre un tel fait; 20 celui qui est déclaré indigne parce qu’il a comms ou tenté e commettre un fait visé au 1 a, mais qui, parce qu’il est décédé entre temps, nia pas été condamné pour ce fait; 30 celui qui est déclaré indigne parce qu’il a été reconnu coupable d’avoir commis, comme auteur, coauteur ou complice, sur la personne du défunt un fait tel que visé aux articles 375, 398 à 400, 402, 403, 405, 409, 55 1ers 3 et 5, et 422bis du Code penal. L’Ingratitude est, elle, pour sa part calquée sur le modèle de la donationl 1, et est présentée aux articles 1046 et 1047 du Code civil qui renvoient à l’article 955 de ce même code, et rédigé en ces termes : ? La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants : 10 Si le donataire a attenté à la vie du donateur,’ 20 Sil s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves; 30 Sil lui refuse des aliments. ? une analyse de cette disposition amène à la conclusion que le terme d’ ingratitude » employé à l’article 955 du Cod disposition amène à la conclusion que le terme d’ « ingratitude » employé à l’article 955 du Code civil ne parait pas très adéquat quant à la notion qu’il représente lorsqu’il trouve à s’appliquer ans le cadre d’une révocation de legs. En effet, il est facilement concevable que le légataire aie ignoré jusqu’au décès du testateur les intentions de ce dernier à son égard ainsi que le testament fait à son profit. Comment pourrait-on alors le qualifier d’ingrat ? L’utilisation du terme d’ingratitude porte donc à confusion -Avec J.

Sace nous sommes donc d’avis qu’il est plus approprié de lui préférer le terme d’indignité appliqué en matière de succession Comme le montrent les différentes dispositions13, l’indignité testamentaire ne se confond pourtant pas avec l’ « indignité » successorale. Du point de vue de la cause, le libellé très précis de l’article 727 exclut tout pouvoir d’appréciation, en faisant référence au code pénal, le législateur renvoie à des notions définies ultérieurement et dont la signification ne peut être remise en question. Les causes d’indignité successorale légale sont donc limitées. Elle est prononcée uniquement par la loi. 14 Au contraire, la référence faite à l’article 955 dans les articles 1046 et 1047 donne au tribunal un certain pouvolr d’appréciation qui fait que les causes de révocation d’un testament pour cause d’ingratitude sont potentiellement plus nombreuses. Indignité successorale et testamentaire diffèrent donc également sur le plan de la procédure. Les dispositions concernant l’indignité successorale étant suffisamment précises, cette dernière sera simplement « constatée selon un BOF successorale étant suffisamment précises, cette dernière sera simplement « constatée selon une règle de stricte interprétation, par la juridiction saisie d’une demande de liquidatlon-partage de la succession concernée. La révocation testamentaire, quant à elle, doit être demandée soit par le de cujus soit par ses héritiers légaux et le tribunal de premiere nstance compétent en la matière dispose d’un pouvoir d’appréciation. 6 L’indigne pourra, comme tout tiers, bénéficier d’un legs mais le recueillera comme un étranger, dans les limites de la quotité disponible, il n’est frappé d’aucune inaptitude à succéder . S’en suivent des cas où seule l’indignité successorale légale est constatée mais où l’indigne n’est pas déclaré ingrat au sens de l’article 955, il pourra alors recueillir la succession en vertu d’un testament 17. L’ingrat est, donc,seulement privé de la succession testamentaire, à l’exclusion donc de la succession ab intestat. De plus, le défunt peut lui accorder le « pardon uniquement en n’agissant pas dans le délai de révocation prévu 18. Le pardon, couvrant l’offense, est une cause d’irrecevabilité de l’action.

Dans le cadre d’une indignité successorale, le pardon du de cujus était, avant l’Introduction de la loi du 10 décembre 2012, sans effet. La sanction étant prononcée par la loi elle-même, il était en effet logique qu’il ne dépende pas de celui-ci d’en écarter l’application. La notion nouvelle de pardon introduite par la lai du 10 décembre 2012, présentée dans l’article 728, récemment ajouté au Code ivil, n’est applicable que dans certains cas qui seront développés ci-après et ne peut être prononcée qu PAGF que dans certains cas qui seront développés ci-après et ne peut être prononcée que par la victime elle-même, l’article 728 dit « le pardon ne peut être accordé que dans un comme suit . ?crit émanant du défunt, établi après les faits et dans les formes requises pour un testament Il peut être implicite ou tacite, mais doit être attesté d’un écrit rédigé dans les formes requises pour un testament. 19 Le pardon ne peut, bien entendu, n’être accordé qu’après les faits. Il ne peut donc, et ce, aussi bien pour des raisons juridiques que morales20, jamais être question de « blanc seing » permettant de commettre l’un des faits prescrits. Le pardon fait en sorte que l’indigné retrouve sa vocation légale dans la succession de la victime. 21 Cette dernière renonce par le fait même à se prévaloir de son droit de demander la résolution. 22 Indignité successorale et testamentaire se rejoignent au niveau de leurs effets.

La révocation agit, en principe, ex tunc et provoque donc un retour à la situation telle qu’elle était avant la succession. Il s’agit d’un retour au statut quo ante comme prévu par l’article 1183 du Code civil. L’article 729 précise que « le successible exclu de la succession pour cause d’indignité est réputé n’avoir jamais eu aucun droit dans la succession » Alors que l’indignité successorale agit de plein droit, l’indignité testamentaire nécessite une révocation. La révocation des dispositions testamentaires fait l’objet des articles 1035 à 1038 du Code civil, pour ce qui est de la révocation due à un fait propre du testateur tandis que les articles 1046 et 1047 concernent la révocabilité légale ou judiciaire et supposent la r