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Séquence 2 – L’homme et l’altérité au cœur de la littérature Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours. Problématique : la question de l’altérité : Jusqu’à quel point considérer l’autre comme mon semblable ? Lectures analytiques or29 La Fontaine « Le loup le Diderot, Supplément vieux tahitien Amin Maalouf Les identit s meurtri res. Jean-Paul Sartre, Huis Clos, dénouement. Lectures et activités complémentaires Ile, le discours du Deux textes pour appréhender le genre de Pessai .
Montaigne, Essais, « Sur Démocrite et Héraclite l, L, (1 588 1592). Paul Valéry, Regards sur le monde actuel (1931), incipit. une question de corpus : quelle vision de l’autre donnent les textes du corpus ? Montaigne, Essais « Des Cannibales », l, 31, 1580. J. Swift, Voyage de Gulliver, 1726. T. Ben Jelloun, Le racisme expliqué à ma fille, 1998. Dessin de Cardon « Les autres Dessin de Cardon, « Les autres », publié dans Le Monde du 20 avril 1995. OF Le loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du Chien, pelé Qu’est-ce là ? lui dit-il. Rien. Quoi ? rien ? peu de chose. Mais encor? Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. Attaché ? dit le oup : vous ne courez donc pas Où vous voulez ? Pas toujours, mais qu’importe ? Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. 1) le poil luisant (2) se dit proverbialement d’un homme pauvre qui n’est capable de faire ni bien ni mal (Furetière) (3) homme qui est sans bien ou sans crédit (Furetière) (4) signifie au propre autant de viande qu’on en peut emporter avec la lippe, ou les lèvres (Furetière) 5) portants et mendiants prennent un « s », pourtant, ce sontdes participes présent ; ce n’est qu’à partir de 1679 que l’Académie déclarera qu’ils doivent rester invariables. (6) restes 3 OF « Pleurez, malheureux Tahitiens! pleurez; mais que ce soit de l’arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants un jour, vous les connaîtrez mieux.
Un jour, ils reviendront, le morceau de bols que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l’autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices; un jour vous ervirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu’eux. Mais je me console; je touche à la fin de ma carrière; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O Tahitiens! mes amis! vous auriez un moyen d’échapper à un funeste avenir; mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil.
Qu’ils s’éloignent, et qu’ils vivent. » Puis s’adressant à Bougainville, il ajouta: « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive: nous sommes innocents, nous sommes heureux; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la ature; et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes; tu as partagé ce privilège avec nous; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues.
Elles sont devenues folles dans tes bras; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr; vous vous êtes égorgés pour elles,’ et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libre êtes égorges pour elles; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres; et voilà que tu as enfoui dans otre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n’es ni un dieu, ni un démon: qui es-tu donc, pour faire des esclaves? Orou! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me lias dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal: Ce pays est à nous.
Ce pays est à toi! et pourquoi? parce que tu y as mis le pied? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres: Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu?… Tu n’es pas esclave: tu souffrirais la mort plutôt que de l’être, et tu veux nous asservir! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir? Celui dont tu veux t’emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature; quel droit as tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi?
Tu es venu; nous sommes-nous jetés sur ta personne? avons-nous pillé ton vaisseau? t’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis? t’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux? Nous avons respecté notre image en toi. « Laisse nous nos mœurs; elles sont plus sages et honnêtes que les tiennes; nous ne voulons plus troquer ce que tu appelles otre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus?
Lors PAGF s OF Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu’y manque-t il, à ton avis? Poursuis jusqu’où tu voudras ce que tu appelles les commodités de la vie; mais permets à des êtres sensés de ‘arrêter, lorsqu’ils n’auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l’étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler? Quand jouirons-nous?
Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu’il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t’agiter, te tourmenter tant que tu voudras; laisse- nous reposer: ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. » Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1772 Texte 3 — Amin Maalouf, Les Identités meurtrières, 1998. Écrivain libanais d’expression française né à Beyrouth en 1949, Amin Maalouf a obtenu le prix Goncourt en 1993 pour Le Rocher de Tanios. Il a aussi écrit Les Croisades vues par les arabes et Léon L’Africain.
Emigré en France en 1976, il est membre de l’Académie universelle des cultures créée par Elie Wiesel. Il m’arrive de faire quelquefois ce que j’appellerais mon « examen d’identité comme d’autres font leur examen de conscience. Mon but n’étant pas – on l’aura compris – de retrouver en moi-même une uelcon ue ap PAGF OF etrouver en moi-même une quelconque appartenance « essentielle » dans laquelle je puisse me reconnaître, c’est l’attitude inverse que j’adopte : je fouille ma mémolre pour débusquer le plus grand nombre d’éléments de mon identité, je les assemble, je les aligne, je n’en renie aucun.
Je viens d’une famille originaire du sud arabique, implantée dans la montagne libanaise depuis des siècles, et qui s’est répandue depuis, par migrations successives, dans divers coins du globe, de l’Egypte au Brésil, et de Cuba à l’Australie. Elle s’enorgueillit d’avoir toujours été à la fois arabe et chrétienne, probablement depuis le Ile ou le Ille siècle, c’est-à-dire bien avant Pémergence de l’islam et avant même que l’occident ne se soit converti au christianisme. fait d’être chrétien et d’avoir pour langue maternelle l’arabe, qui est la langue sacrée de l’islam, est fun des paradoxes fondamentaux qui ont forgé mon identité. Parler cette langue tisse pour moi des liens avec tous eux qui l’utilisent chaque jours dans leurs prières et qui, dans leur très grande majorité, la connaissent moins bien que moi ; lorsqu’on se trouve en Asie Centrale, et qu’on rencontre un vieil érudit au seuil d’une medersa imuride, il suffit de s’adresser à lui en arabe pour qu’il se sente en terre amie, et pour qu’il parle avec le cœur comme il ne se hasarderait jamais à le faire en russe ou en anglais.
Cette langue, elle nous est commune, à lui, à moi, et à plus dun milliard d’autres personnes. Par 7 OF nous est commune, à lui, à moi, et à plus d’un milliard d’autres personnes. Par ailleurs, mon appartenance au christianisme – qu’elle soit profondément religieuse ou seulement sociologique, là n’est pas la questlon – crée elle aussi un lien significatif avec les quelque deux milliards de chrétiens dans le monde. Bien des hoses me séparent de chaque chrétien, mais il y a aussi avec chacun d’eux une parenté indéniable, dans un cas religieuse et intellectuelle, dans l’autre linguistique et culturelle.
Cela dit, le fait d’être à la fois arabe et chrétien est une situation fort spécifique, très minoritaire, et pas toujours facile à assumer ; elle marque profondément et durablement la personne ; s’agissant de moi, je ne nierai pas qu’elle a été déterminante dans la plupart des décisions que j’ai dû prendre au cours de ma vie, y compris celle d’écrire ce livre. Ainsi, en considérant séparément ces deux éléments de mon dentité, je me sens proche, soit par la langue soit par la religion, d’une bonne moitié de l’humanité ; en prenant ces deux mêmes critères simultanément, je me trouve confronté à ma spécificité.
Je pourrais reprendre la même observation avec d’autres appartenances : le fait d’être français, je le partage avec une soixantaine de millions de personnes ; le fait d’être libanais, je le partage avec huit à dix millions de personnes, en comptant la diaspora ; mais le fait d’être à la fois français et libanais, avec combien de personnes est-ce que je le partage ? Quelques milliers tout au plus. Chacune de mes appartenances me re OF est-ce que je le partage ? Quelques milliers tout au plus.
Chacune de mes appartenances me relie à un grand nombre de personnes ; cependant, plus les appartenances sont nombreuses, plus mon identité s’avère spéclfique. Vais-je aligner d’autres détails encore de mon identité ? Parlerai- je de ma grand-mère turque, de son époux maronite d’Egypte, et de cet autre grand-père, mort bien avant ma naissance, et dont on me dit qu’il fut poète, libre-penseur, peut-être franc-maçon, et en tout cas violemment anticlérical ? Remonterai-je jusqu’à cet arrière arrière-grand-oncle qui fut le premier à traduire Molière en rabe et à le faire jouer en 1848 sur les planches d’un théâtre ottoman ?
Non, cela suffit, je m’arrête là, pour demander : ces quelques éléments disparates qui ont façonné mon identité et esquissé, dans les grandes lignes, mon itinéraire, combien de mes semblables les partagent avec moi ? Bien peu. Peut-être même aucun. Et c’est bien sur cela que je voudrais insister : grâce ? chacune de mes appartenances, prise séparément, j’ai une certaine parenté avec un grand nombre de mes semblables ; grâce aux mêmes critères, pris tous ensemble, j’ai mon identité propre, qui ne se confond avec aucune autre.
En extrapolant à peine, je diral : avec chaque être humain, j’ai quelques appartenances communes ; mais aucune personne au monde ne partage toutes mes appartenances, ni même une grande partie de celles-ci ; sur les dizaines de critères que je pourrais aligner, il suffirait d’une poignée pour que mon identité spécifique soit nettement ét que je pourrais aligner, il suffirait d’une poignée pour que mon identité spécifique soit nettement établie, différente de celle d’un autre, fût-il mon propre fils ou mon père. Texte 4— Sartre, Huis-Clos, 1944, dénouement. GARCIN C’est pourtant vrai, Inès.
Tu me tiens, mais je te tiens aussi. Il se penche sur Estelle. Inès pousse un cri. INES Ha ! Lâche ! Va ! Va te faire consoler par les femmes. ESTELLE Chante, Inès, chante ! INÈS Le beau couple! Si tu voyais sa grosse patte posée à plat sur ton dos, froissant la chair et l’étoffe. Il a les mains moites ; il transpire. Il laissera une marque bleue sur ta robe. Chante ! Chante ! Serre-moi plus fort contre toi, Garcin ; elle en crèvera. Mais oui, serre-la bien fort, serre-la ! Mêlez vos chaleurs. C’est bon l’amour, hein Garcin ? C’est tiède et profond comme le sommeil, mais je t’empêcherai de dormir. Geste de Garcin.